News - 19.06.2022

La pollution : une pandémie mortelle dont on ne parle pas assez.

La pollution : une pandémie mortelle dont on ne parle pas assez.

Par Kaissar Sassi - Dans son livre « Sapien, une brève histoire de l’humanité », Yuval Noah Hariri nous confirme que l'être humain parviendra toujours à s'adapter aux situations les plus difficiles, même au manque éventuel d'énergie. Dans le même temps, José Rodrigues dos Santos, auteur de « The God Formula »,  nous avertit que tôt,ou tard, nous allons devoir quitter la planète à la recherche d'un lieu habitable pour les humains, car la nôtre deviendra inhabitable.

Il n'est pas nécessaire de revenir sur la gravité du dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui met en garde contre le danger climatique imminent auquel notre planète est confrontée. Les effets du réchauffement climatique sur les populations et les écosystèmes sont jugés irréversibles. Il en résultera une réduction de la disponibilité des ressources alimentaires et hydriques en Afrique, en Asie et dans les petites îles, associée à un impact sur la santé dans toutes les régions du monde avec une diminution de l'espérance de vie, l'émergence de nouvelles maladies et le développement du choléra.

Et pourtant, nous voyons encore des climato-sceptiques partout dans le monde.

Rappelons qu'à l'heure où l’Europe s’investit pour créer un accord sur le climat, l'ancien président des États-Unis, Donald Trump avait suspendu la candidature de son pays à ce collectif.

Rappelons qu'au Brésil, en Amazonie, dont tous les élèves du monde ont appris qu'elle est le poumon de la planète, le nombre des incendies a doublé ces dernières années. 72 843 départs de feu ont été enregistrés en 2019, soit une augmentation de 83 % par rapport à 2018. Le président du brésil avait commencé par démentir l’existence d’incendie, puis il avait accusé les ONG d’être à l’origine de ces feux.

Cependant, un nouvel argument de masse qui souligne encore la nécessité absolue d’un plan de sauvetage écologique, vient d'être publiée le 1er juin dans la revue Lancet. Un article qui revient sur les décès liés à la pollution. Le comité du Lancet qui a publié l'article rapporte que 9 millions de personnes sont mortes dans le monde en 2019 à cause de la pollution de l'air et de l’eau. Cela représente un décès sur six dans le monde, soit plus d'une fois et demi le nombre de décès dus au Covid depuis le début de la pandémie ou les décès causés par le paludisme en plus de 10 ans.

Face à ce problème de santé publique, il est clair que les pays à revenu faible ou intermédiaire n'ont pas la capacité d'adopter les mêmes mesures que les pays développés. Et ce, malgré le fait que plus de 90 % des décès liés à la pollution surviennent dans ces pays.
Prenons l’exemple des problèmes de santé liés à la pollution par le plomb. Les pays du Maghreb, notamment la Tunisie, restent parmi les pays les plus touchés au monde. Aujourd'hui, les principales sources d'exposition au plomb sont le recyclage inapproprié des batteries au plomb et des déchets électroniques sans contrôle approprié. Dans cette carte publiée dans l’article sus cité, vous pouvez constater facilement les différentes concentrations sanguines de plomb chez les enfants.

Distribution mondiale des expositions au plomb chez les enfants en 2019. UNICEF

La Tunisie, est l'un des pays les plus touchés par les conséquences de la pollution dans le monde. Il  Il existe même des plages qui ont perdu leeur bleu d'atan et où on a interdit la baignade car elles sont considérées comme trop polluées.

Photo de Habib M’henni, Rejets des eaux troubles dans les eaux de la mer dans la région touristique de Hammamet

Un autre drame écologique se déroule chaque jour à Gabès depuis des décennies, à cause des usines chimiques notamment le Groupe Chimique Tunisien (GCT). En mars 2018, la Commission européenne a publié une étude selon laquelle 95% de la pollution de l'air dans la région de Gabès est imputable aux émanations gazeuses du GCT, composées de particules fines, d'oxyde de soufre, d'ammoniac et de fluorure d'hydrogène. En 2019, le 9 décembre, la Tunisie s'est réveillée avec un appel au secours des habitants de Gabès suite à une opération de dégazage dans l'une des usines chimiques. Les habitants ont eu des difficultés à respirer et certains d'entre eux ont dû se précipiter aux urgences pour recevoir des soins médicaux.

«Gabès by night», ou Gabès de nuit, une photo connue sur les réseaux sociaux

La société civile se souvient également du scandale des déchets importés d'Italie à Sousse. Durant cette épreuve, le seul point positif que nous avons pu constater est la mobilisation rapide et générale de la société civile qui a su créer et maintenir une pression sur les autorités. Nous avons pu constater une réelle prise de conscience écologique des citoyens qui nous laisse espérer un réveil de la population tunisienne pour préserver notre pays contre la tyrannie de la pollution.

Des membres de la société civile tunisienne manifestent pour demander le renvoi des déchets en Italie. (Photo, AFP)

Même les Tunisiens qui n'ont pas la formation nécessaire pour comprendre les bases de l'écologie ont pu constater les changements climatiques qui ont affecté notre pays ces dernières années, notamment les vagues de chaleur de plus en plus et les coupures répétées de l'eau du robinet. Dans certains gouvernorats, comme celui de Kairouan, la température dépasse les 50°, dépassant toutes les estimations enregistrées par le passé. Une sécheresse menace également notre pays, qui est considéré comme un territoire à haut risque de stress hydrique, ce qui  nous expose à un risque réel d'insécurité alimentaire dans les années à venir. Il faut dire que la Tunisie est l'un des premiers pays, à commencer à payer la facture et à subir les conséquences du changement climatique, à l'instar de d'autres plusieurs pays méditerranéens, dont la région se réchauffe beaucoup plus vite que le reste du monde.

Nous avons besoin d’une véritable stratégie d’Etat de toute urgence, basée sur plusieurs axes pour favoriser la lutte contre la pollution et espérer éviter le pire dans les années à venir.

Kaissar Sassi
Médecin anesthésiste
Membre fondateur de l'association des médecins tunisiens dans le monde
Expert en santé numérique, diplômé des universités de médecine de Bordeaux
Expert en communication et vulgarisation médicale.