Mohamed Derbel - Constitution 3.0 : Repensons la composition & la taille du Gouvernement.
Dans cette effervescence politique exceptionnelle, sur un fonds de crise de confiance et une guerre de territoire, l’éternelle contestation de la manière de faire par les rivaux politiques risque de nous écarter de l’essentiel, brouiller nos visions et parasiter la réflexion responsable que nous devons engager sur tous les fronts.
Sans l’ombre d’un doute, une Tunisie développée, moderne, démocrate, libre, riche… sont les rêves de tout Tunisien qui adore sa patrie.
Loin des évaluations politiques partiales, l’approche du Doyen Sadok Belaid est pragmatique où la contrainte temps est capitale et l’urgence de la proposition est fondamentale. Mais avons-nous le choix ? La conversion constitutionnelle des visions, doléances, espérances, craintes… serait l’exercice le plus délicat puisque la déception serait extrêmement couteuse ! C’est pourquoi la vision futuriste de la Tunisie, devrait notamment puiser dans sa dernière expérience décennale pour tirer les bonnes leçons et les ancrer dans les piliers de la nouvelle Tunisie.
Le « Pourquoi » et le « Quand » du changement positif ne font plus polémiques et ne le feront plus. C’est le « Comment » que nous n’arrivons pas à le trouver, à l’inventer, à le concevoir et à le mettre en application.
Dans l’une des composantes de ce « Comment » on trouve la gouvernance du pouvoir exécutif et plus précisément la composition du gouvernement et sa stabilité qui étaient, à mon avis, des handicaps majeurs à l’exercice par l’Etat de ses fonctions régaliennes et l’engagement des réformes nécessaires (économiques, sociales, règlementaires…etc.).
L’article 92 de la constitution de 2014 a malheureusement contribué à l’extensibilité non justifiée du gouvernement qui a atteint son apogée de 41 membres sous l’égide de M.Habib Essid (27 Ministres et 14 secrétaires d’Etat). Un chiffre extrêmement coûteux pour les finances publiques quand on le compare avec les membres des gouvernements d’Olaf Scholz (Allemagne) et Mark Rutte (Pays-bas) qui ne sont qu’au nombre de 16.
Si on dresse le tableau de composition des 10 gouvernements qui se sont succédé depuis 2011, et on le compare à un panel de 7 pays européens développés, nous constatons vite que le nombre est pléthorique. Une moyenne Tunisienne de 35 contre 21.
35 membres soit plus que le double des membres du gouvernement Néerlandais !
Cette flexibilité dans la composition des gouvernements, instaurée par l’article 92 1er Tiret, rappelons-le, était un tranquillisant politique des partis au pouvoir qui se sont partagés ces postes en les étendant en fonction du consensus recherché et qui faisait plonger le pays dans une attente pleine de suspenses et de calculs politiques loins d’être souhaités.
Concomitamment à ces fluctuations dans les compositions des gouvernements, des ministères fusionnent et d’autres se scindent, certains disparaissent et d’autres naissent et ainsi de suite. Un coût financier extrêmement élevé que la constitution de 2014 le prévoyait indirectement probablement sans que ses concepteurs ne se sont rendu compte.
Espérons que la nouvelle constitution traite convenablement ce point
Le 2ème constat que nous pouvons également tirer des dix dernières années est la présence très timide de la femme Tunisienne dans les gouvernements. La participation moyenne n’a pas dépassé les 16%, avec un record de 8/40 dans le gouvernement de M.Youssef Chahed et dernièrement de 10/26 dans le Gouvernement de Mme Najla Bouden.
Un taux très faible comparé au même panel des 7 pays européens développés où la moyenne est de 43.8%.
La fierté Tunisienne de ses femmes n’est pas malheureusement suffisamment traduite dans la sphère gouvernementale. Maintenir la participation féminine à ces taux faibles serait une ingratitude envers nos mamans, nos épouses, nos sœurs, nos filles, qui ont joué, jouent et joueront un rôle important dans le développement du pays et l’équilibre socio-économique.
« Tu ne peux pas te baigner deux fois dans le même fleuve, car de nouvelles eaux coulent toujours sur toi ».
La nouvelle constitution doit être avant-gardiste et anticipative des évolutions sociétales, économiques…mais doit aussi nous prémunir contre la récurrence de choix constitutionnels inefficaces et un mauvais miroitage, dans les futurs gouvernements, de la présence des femmes tunisiennes.
Mohamed Derbel
Expert-comptable
International Liaison Partner- BDO Tunisie