News - 30.05.2022

Un nouveau livre de Abdelaziz Bey : Ali Turki, le père du fondateur de la dynastie Husseinite

Un nouveau livre de Abdelaziz Bey : Ali Turki, le père du fondateur de la dynastie Husseinite

« C’est une véritable œuvre d’historien. L’auteur cite ses sources, les confrontent et en tire des hypothèses. » Le nouvel ouvrage de Abdelaziz Bey, intitulé « Ali Turki, père fondateur de la dynastie des beys husseinites », paru aux Editions IHET, recueille ce témoignage significatif de Leila Temim Bellili, historienne, spécialiste d’histoire de la Tunisie Hussaynite. Pourquoi cette quête des origines, s’est-elle interrogée en présentant le livre, samedi à la Marsa, devant un public nombreux ? Un discours pour trouver en Ali Turki une ascendance d’un musulman et non d’un renégat ou d’un affranchi, avance-t-elle.

L’auteur, Abdelaziz Bey, ancien haut fonctionnaire, a déjà publié une recherche sur les vestiges de la Chapelle Saint-Louis de Carthage et un livre sur le Vieux Kram, Cité des figuiers. En présentant son ouvrage dédié à Ali Turki, il nous livre des éléments instructifs.

L’intérêt que j’ai porté à ce personnage date de plus de vingt ans conjointement à mes travaux de recherches concernant les vestiges de la Chapelle Saint Louis de Carthage publiés par la Fondation académique Temimi en 2010 et mes souvenirs du passé de ma ville natale qui n’était en fait qu’une bourgade de l’Ancien-Kram, Cité des Figuiers, au Centre des Jardins de Carthage, publiés par Cartaginoiseries Editions en 2015 que je compte prochainement compléter, actualiser et publier.

Je ne prétends pas être le premier à évoquer le nom de Ali Turki, loin de là, la plupart des historiens à chaque fois qu’ils citent son fils Hussein, Ali Turki est également cité, sans toutefois s’étendre sur sa vie, particulièrement sur ses origines et son ascendance. Madame Leila Blili, ici présente, dans son ouvrage « Sous le Toit de l’Empire » nous apprend que Hussein Khouja son secrétaire particulier et historiographe ouvre sa biographie par une allégorie, pointant du doigt Ali Turki, apologie masquée par l’absence de profondeur généalogique. Mme Blili poursuit : « Les valeurs sur lesquels s’appuient traditionnellement les généalogistes font défaut : impossibilité de remonter dans le temps et d’accréditer la noblesse de l’ascendance ». C’est ainsi que je me suis demandé dans mon ouvrage, les raisons qui ont motivé Hussein Khouja à ne pas en parler. Il s’est tu. Cacherait-il des secrets personnels pouvant nuire à son maître, des secrets à ne pas divulguer ?

Les origines de ce personnage dont parlent écrivains, chroniqueurs, voyageurs et autres sont différentes les unes des autres : Grec, Kurde, Turc, Candiote et même Corse, sans faire l’unanimité.  

Toujours est-il que cet homme venu d’ailleurs s’est avéré acquis au régime en place, fidèle, dévoué, glorieux chef de guerre et pacifiste en temps de paix, les Beys Mouradites le chargeaient de temps à autres d’accomplir de périlleuses missions au milieu des tribus rebelles et dissidentes, pour enfin le nommer commandant en chef de l’importante garnison du Kef, deuxième place forte après Tunis. C’est au Kef qu’il épousera une Gazzalia de la tribu des Chenouf qui lui donnera Mohamed le Père de Ali Pacha, puis une dame de secondes noces Chadlia Cherifa de la caste des Gazzalia, de la tribu des Charen, qui enfantera d’Hussein ben Ali. C’est à l’âge de 20 à 22 ans que Hussein perdra son père Ali Turki vers 1692.

Une partie de l’ouvrage a été consacré à l’endroit de sa sépulture. Visitant en excursion le Kef, en 2001, nous sommes rendus compte que Ali Turki y était absolument inconnu. N’a-t-il commandé la garnison du Kef et n’a-t-il pas été le commandant en chef de la place ? Aussi bien à la caserne de la Kasbah confiée à cette date à l’armée nationale, qu’à la mairie, à la délégation, au Patrimoine régional, au musée byzantin et même à l’important mausolée du Kef, la zaouia de Sidi Bou Makhlouf, le personnage resta inconnu. En rebroussant chemin et à travers les dédales des rues de la médina, une lueur d’espoir vint par hasard éclairer notre chemin et nous conduire vers le caveau où git le corps de Sidi Ali « Turki ». Il va de soi que sans cette fortuite révélation, la mémoire du Père du Fondateur de la Maison Husseinite aurait mis beaucoup plus de temps à être révélée.

La Zaouïa, ancienne mosquée ziride, renfermait 2 tombeaux avec deux Ali, dont l’un est Sidi Ali Mlayhi et l’autre Sidi Ali tout court. Ce mausolée étant dans un état de désolation et de dégradation avancée et bien qu’encore non convaincu de la présence d’Ali Turki dans cet antique lieu de prière, me poussa quand même, à l’issue de ma seconde visitée en 2002 à en parler au regretté Si Zakaria Ben Mustapha, ancien Ministre, Maire de la ville de Tunis et Président de l’Association de Monuments et des Sites de la situation de cet endroit culturel, historique et religieux. Si Zakaria informera à son tour les responsables de l’Institut de sauvegarde du Patrimoine. Ils chargeront en 2008 une équipe qui se déplacera au Kef, désignera le regretté M. Rachid Bouallègue, archéologue, de la fonction de délégué régional du Patrimoine qui tentera un tant soit peu d’y mettre de l’ordre et fonder une association culturelle du Kef.
Nous savons par ailleurs que Ali Turki auréolé d’une réputation pieuse a été considéré au Kef et aux environs de Tunis, où il a pu séjourner comme marabout. M. Hussein Bey, venait à son tour de donner une version de la sanctification du personnage.

Sans être nonobstant certain de l’appartenance du second tombeau du mausolée en la personne de Ali Turki, une découverte aux Archives Nationales de deux actes habous du Bey Hussein Ben Ali en date de 1710 confirmeront la présence de la sépulture du Père du Fondateur dans ce sanctuaire. Ces deux actes « enzel » (propriété foncière grevée de rente perpétuelle) prouveront aussi la fausseté d’informations étalées sur des réseaux sociaux alléguant que Ali Turki était enterré au fort de la Kasbah du Kef et que son corps a été déterré par les autorités militaires du Protectorat et sans ménagement remis entre les mains d’un cheikh de ladite zaouïa de Sidi Mlayhi.

Il y a lieu de signaler que ce sanctuaire n’a pas échappé après les événements des années 2010 à être profané et souillé par des individus sans vergogne. il a fallu notre intervention en 2021, auprès de toutes les autorités concernées, pour que le Ministère des Domaines de l’Etat  enfin réagisse et prenne l’affaire en main. Nous comptons nous y rendre le 12 juin prochain vers midi pour évaluer la situation et s’y besoin, intervenir en vue d’assurer à notre ancêtre le repos de l’âme. 

Avec la pauvreté des informations relatives au personnage, rien ne nous a menés à la découverte de sa véritable identité, tout en se posant la question ; sous quelle identité Ali Turki était-il arrivé à Tunis ?

Cependant, les conclusions et analyses faites par le Docteur Mokhtar Bey dans le « Fondateur » et l’écrivain turc Samah Aziz Eltir dans « Les Turcs Ottomans en Afrique du Nord », sans en faire l’unanimité, peuvent à mon avis être prises en considération, à savoir que Ali Turki serait Candiote et Turc de souche.
Mon opinion se résume à l’idée que seuls des documents toujours enfouis au sein des archives turco-ottomanes appuyés par des analyses scientifiques d’ADN seraient en mesure d’établir l’identité du personnage.

Le dernier chapitre du livre en annexe a été consacré à l’arbre généalogique des deux branches mâles de Ali Turki, à savoir celle de son fils ainé Mohamed, époux de la Ghazzalia channoufia et père de Ali Pacha et de son second fils Hussein, issu de sa seconde épouse Chadlia Chrifa de la caste El Ghazzalia de la tribu des Charen.
Comme vous allez le constater le tronc commun a été scindé en deux parties : celui de Mohamed et son fils Ali Pacha et l’autre de Hussein Ben Ali et sa descendance à ce jour.

Contrairement à certains écrivains et chroniqueurs, j’ai dégagé Ali Pacha de l’arbre des Husseinites qui ne sont que 18 beys du Trône. Ali Pacha dissident et parricide ne peut, à mon avis, figurer dans le tableau des Husseinites. Certes Ali Pacha a régné 21 ans avec les Pachistes de son camp, alors que son oncle paternel et beau-père Hussein, il a régné avec ses enfants Mohamed Errachid, Ali Premier et leurs descendants jusqu’à la proclamation de la République en 1957.

Il est à remarquer que contrairement aux Husseinites, le tronc mâle de Mhamed et Ali Pacha est complètement éteint ; alors qu’à l’opposé la branche féminine a laissé des descendants, à savoir les familles Belkhodja, Ben Khoja et Mhennia.

Le chapitre des commentaires évoquera les quatre épouses d’Hussein Ben Ali dont une a échappé ou mal citée par les chroniqueurs.

L’affichage de l’armoirie royale du Royaume de Tunisie qui a remplacé le 21 juin 1956 la Khabcha ou Rink de la dynastie husseinite fermera le chapitre.
Avant de terminer mon speech, j’aimerais exprimer mes vifs remerciements à l’Institut des Hautes Etudes et à son Président M. Slaheddine Helara, à ses proches collaborateurs, le Directeur Général Si Iskander Chrigui qui dans son allocution a mis en exergue les motifs de leur décision d’accepter d’éditer le livre, au Secrétaire Général Si Zied Zidi pour sa sérénité et sa patience tout au long de nos entretiens pour la préparation du texte.

Mes profonds remerciements vont également a la Professeure d’enseignement supérieur en histoire, Madame Leila Bliil pour son soutien et sa préface du livre, à la Professeure et Maitre de Conférence, Madame Dorra Ben Alya ici présente pour ses idées à poursuivre le travail.  

Je ne dois pas oublier M. Hussein Bey Benhassine, chercheur, assis à mes côtés qui a été lors de mes travaux un appui émérite.

Je remercie aussi les deux Sadikiens MM. Khéreddine Annabi et Semi Ben Bechr, MM. Leith et Mohamed Hadi Benhassine Bey, Mesdemoiselles Cherifa, Fatma et Zeineb Bey Benhassine et Melika Farza pour leur participation active à l’élaboration de cet ouvrage.

Je citerai également à titre posthume, mon ami à qui je dois beaucoup, Si Ahmed Djellouli, mon gendre Cheikh Raouf Gorgi, mon cousin Si Mongi Khaznadar, mon ex-directeur Si Zakaria Ben Mustapha et Si Rachid Bouallègue archéologue au Kef, qui m’ont été d’un grand recours. Allah Yarhamhom.

Je témoigne toute ma reconnaissance et ma gratitude aux Princesses Dorra Bey Belkhodja, Zeineb Bey Ben Yahia, Traki Bey Meddeb, Rim Husseini Bey et sa fille Fatma Benhassine Bey, ainsi que Hadhemi Husseini Bey qui m’ont aidé à construire avec précision l’arbre généalogique de Ali Turki.

Je ne passerai pas sous silence la maison culturelle du Kram Agha ou Le Kram Plage sans citer sa directrice Mme Samia Zhioua et de M. Hamed Ben Abdelaziz membre actif de cette cellule.

Je saisis également l’occasion pour faire part de mon admiration aux travaux de rénovation qui se poursuivent, menés par l’Institut National du Patrimoine, à la nécropole beylicale de Tourbet El Bey en exprimant le vœu de voir le gigantesque lustre qui embellissait le mausolée reprendre sa place dans la salle des Monarques.

Je garde l’espoir de voir aussi la Tourbet El Fellary à la rue Tourbet El Bey où sont enterrées nôtre ancêtre la Princesse Génoise Lella Mannana Beya, et sa belle-mère Chadla Cherifa Charnia, mère du Bey Hussein 1er, ainsi que la Tourba de Sidi Kacem Sbabti où gisent côte à côte les corps des deux premiers souverains husseinites, Hussein Ben Ali et son fils Mohamed Errachid, en état de délabrement avancé dont une importante partie a été squattée et saccagée, pour enfin être cédée comme habitation à des particuliers. Puisse mon vœu être exhaussé pour que ces monuments de notre histoire nationale, seule garantie de notre passé millénaire soient repris en main, assainis et rénovés et pourquoi pas protégés par l’UNESCO qui leur assurera une sauvegarde et protection à l’échelon international.

Ces édifices peuvent également être inclus dans les programmes des circuits touristiques en vue d’offrir des avantages susceptibles de fournir et renflouer de l’argent dans les caisses actuellement vides de l’Etat.

Abdelaziz Bey