Wafa Masmoudi: Maladies émergentes, sécurité sanitaire et éthique
Fidèle à sa tradition, le Comité national d'éthique médicale (CNEM) a organisé le 11 décembre 2021 sa conférence annuelle portant sur une large thématique, celle de "Maladies émergentes, sécurité sanitaire et éthique", une manière de rappeler que la réflexion éthique se positionne en substrat de tout débat scientifique.
Dans son allocution d'ouverture, Professeur Skander M’rad, président du CNEM, a souligné que le choix du thème est dicté par l'actualité brûlante et les questionnements éthiques imposés par celle-ci. Plusieurs constatations s'imposent. La première étant la propension de ces maladies à bouleverser la société, car bien plus que des crises sanitaires, ce sont des syndémies qui affectent la société de manière globale aggravant considérablement les inégalités sociales. La seconde a trait à la pertinence de l'approche éthique puisque au-delà des problèmes épidémiologiques et biomédicaux, socioéconomiques, ces maladies soulèvent des défis éthiques majeurs. Professeur Skander Mrad a souligné en outre la complexité des processus de prise de décisions en temps de crise, invitant à considérer la santé comme un bien commun qui doit être préservé des lois du marché.
Ce rapport de synthèse - auquel j'ai choisi de donner le nom de "Paroles croisées" - ambitionne de reprendre avec concision les interventions de nos illustres invités et d'en faire la synthèse. J'ai choisi pour ce faire un clivage dichotomique qui permet de décliner ces interventions autour de deux axes majeurs. Le premier revêt l'intitulé évocateur : De la pérégrination et des concepts, et couvre les interventions de la première séance, tandis que le second porte un titre incantatoire A la quête d'une éthique rédemptrice, et appréhende les interventions des conférenciers de la seconde séance.
I - De la pérégrination et des concepts
Un voyage dans le temps nous a été proposé par M. Abdelkrim Allagui, Professeur d'Histoire à l'Université de Tunis à travers une communication intitulée "Les épidémies au fil de l'Histoire". Professeur Abdelkrim Allagui a choisi de rappeler en premier les extraits des Prolégomènes d'Abderrahman Ibn Khaldoun s'attardant sur le fléau qui a ravagé la Tunisie à la fin du Moyen-âge (1348).
La position géographique de la Tunisie la rend particulièrement vulnérable aux épidémies, devenues, pour reprendre le professeur Allagui "cycliques". Peste et choléra ont décimé plus des deux tiers de la population de l'Ifriqiya au Moyen-Age . Une littérature foisonnante (archives, chroniques, témoignages des voyageurs et rapports médicaux, même si insuffisamment circonstanciés) renseigne sur l'ampleur des fléaux endémiques et permet d'identifier l'origine des épidémies, les modalités et les rythmes de leur diffusion ainsi que les bouleversements qu’elles occasionnent à chaque fois.
Après avoir énuméré, dans un premier temps, les dates funestes allant du XV au début du XXème siècle des fléaux qui ont jalonné l’histoire de la Tunisie, le professeur ALLAGUI a rappelé que les épidémies constituent l'un des paramètres constants qui pèsent sur les structures démographique et sociale en Tunisie et ne manquent de marquer "de leur empreinte les mentalités et les débats intellectuels et religieux". Les débats religieux sont à même de refléter une profonde discorde. Celle-ci est à cet égard révélatrice d'un clivage tranchée entre deux écoles. La première "refuse les mesures d’isolement" et de mise en quarantaine, tandis que la seconde défend la nécessité d'instaurer des "mesures préventives de distanciation par rapport aux personnes et aux foyers contaminés". Les Oulémas Zaytouniens sont ainsi départagés entre soumission à la volonté divine considérant toute mesures comme contraires à la Chariaa voire hérétiques, "la peste est une pique des djinns", alors qu'une frange, certes minoritaire, ne manque d'invoquer des hadiths à l’appui de la stricte observance de la quarantaine.
La discorde n'est pas cantonnée au domaine du religieux. En effet, elle se prolonge au-delà pour envahir le champ du politique. Cela se vérifie aisément à travers les politiques de santé menée lors de la période du Protectorat. S'affrontent désormais deux camps. Les premiers préconisent de mener un véritable combat contre les épidémies à travers notamment les mesures de dépistage, d'hospitalisation d'office des malades au Lazaret de la Rabta, et d'isolement. Les seconds s'insurgent contre les mesures drastiques "anticholériques" allant jusqu'à l'organisation de mouvements de résistance. L'on notera ainsi que la mise en place d'instance ad hoc pour faire face aux épidémies date du début du XIXème siècle.
Professeur Allagui s'est enfin attardé sur l'abîme latent entre les politiques et le peuple, d'autant plus exacerbé par la démission des autorités beylicales et leur impuissance à juguler les épidémies. Le rôle joué par les associations de bienfaisance en tentant de calfeutrer les brèches et celui incontestable des médecins juifs livournais dans l’élaboration des politiques de santé. Au début du XXème siècle, la politique du Protectorat en matière de santé s’est articulée essentiellement autour de deux volets. Le premier a trait à l'édiction d'un arsenal juridiques, composé de décrets beylicaux portant création d'organes en charge de la lutte contre les épidémies. Le second mettant en place une véritable infrastructure sanitaire découlant d'une approche communautaire incarnée par des "statuts diversifiés privilégiant une démarche « ethnique » à travers la hiérarchisation des établissements sanitaires. Chaque communauté devait prendre en charge ses sujets".
La lecture de l’histoire permet souvent d’apporter des éclairages pertinents sur le présent. Avec le professeur Mohamed Aziz Darghouth - de l'Université de Manouba, nous avons enjambé le XXe siècle pour interroger les concepts nouveaux qui s'inscrivent en filigrane des endémies de ce XXIe siècle. Les concepts relatifs à la santé globale : One Health, Eco Health, Planetary Health sont ainsi appréhendés de même que leur implication sur les systèmes de santé. "De la santé publique à la santé globale, les approches systémiques One-Health et Eco-Health constituent des particularités conceptuelles et opérationnelles" affirme professeur Darghouth. Mettant en exergue la pluralité des approches santé (chinoise, arabe, africaine), et l'inéluctable intéraction entre elles, professeur Darghouth rappelle d'abord la genèse de ces concepts One Health, Eco Health, Planetary Health et s'emploie ensuite à les définir.
Le concept One Health renvoie ainsi dans son sens le plus large à "l'effort de collaboration de plusieurs professions des sciences de la santé, (ainsi que de leurs disciplines et institutions connexes, travaillant localement, nationalement et mondialement), pour atteindre une santé optimale pour les personnes, les animaux domestiques, la faune, les plantes et notre environnement". La définition exhaustive renvoie, quant à elle, à l'élaboration et "mise en œuvre de programmes, de politiques, de législation et de recherche (…) en vue d'obtenir de meilleurs résultats en matière de santé publique pour faire face aux menaces pour la santé à l'interface entre l'animal, l'homme et l'environnement".
L'approche globale et multidimensionnelle se vérifie par ailleurs au niveau de la conceptualisation de l’Eco Health en vue de promouvoir la santé des humains, des animaux et des écosystèmes en insistant sur les liens inextricables entre la santé de toutes les espèces et leur environnement. Le concept de Planetary Health semble être un concept porteur et ambitionne la "réalisation du plus haut niveau possible de santé, de bien-être et d'équité dans le monde entier".
Faisant preuve de systématisation, professeur Darghouth a identifié les principes structurant l’application du concept Eco Health (i) Réflexion/approche systémique; ii) Savoir pour l’action; iii) Transdisciplinarité; iv) Participation; v) Equité; vi) Durabilité) avant d'appréhender les groupes cibles desdits concepts et les domaines scientifiques y afférents. Il s'avère ainsi que lesdits concepts convergent tout en maintenant certaines spécificités. Tandis que le concept One Health est bien adapté aux maladies transmissibles, celui d'Eco Health a un champ plus large (à l'instar des maladies non transmissibles) et semble "plus favorable à l'interdisciplinarité et à l’innovation dans la mesure où il intègre la « santé » des écosystèmes".
Professeur Darghouth s'est interrogé, en outre, sur l'implication de ces différents concepts sur le secteur de la médecine vétérinaire. Afin d'en rendre compte, dit-il, plusieurs périmètres doivent être envisagés. Il en est ainsi de la formation vétérinaire, de la culture et pratique organisationnelle, et de l'aide à la décision clinique dans le cas des zoonoses parasitaires, etc.
A l'aune de cet éclairage, professeur Darghouth conclut que lesdits concepts sont dynamiques et évolutifs pour la prise en charge, à différents niveaux, de toute la complexité des interactions en matière de santé.
Pour autant, les interrogations portant sur les nouveaux concepts ne sont pas épuisées, et ce, en raison de la fécondité de la matière. C'est ainsi que Dr Thouraya Annabi Attia s'est penchée sur la Sécurité sanitaire dans sa dimension éthique afin d'en brosser un tableau complet en Tunisie et ailleurs.
Rappelant la naissance récente de la notion de sécurité sanitaire en réponse aux incertitudes scientifiques importantes face à la propagation des grandes crises sanitaires, elle rappelle qu'elle a été mise en place suite aux effets pervers de produits mis sur le marché "qu’il s’agisse de médicaments (contrefaçons et autres AMM délivrées sans réelle mesure du risque), de produits biologiques (affaire des dérivés sanguins en France), d'aliments contaminés par des produits biologiques (crise de la vache folle) ou chimique (affaire des poulets à la dioxine), ou de la remise en question des techniques et procédés de production".
Un changement de prisme s'ensuivit, affirme Dr Attia, puisque l'on est passé d’une logique de « produit » à une logique « risque » mettant en exergue l’importance de la preuve scientifique dans la prise de décision (évaluation des risques) ainsi que celui de la transparence (partage de l’information, droit à l’information). Le cadre juridique de même que les politiques publique de santé ont dû ainsi s'adapter pour entériner ce changement paradigmatique.
Après avoir défini la notion de sécurité sanitaire en tant qu' "ensemble des décisions, programmes et actions visant à protéger la population contre tous les dangers et les risques considérés comme échappant au contrôle des individus et relevant donc de la responsabilité des pouvoirs publics", Dr Attia considère que la sécurité sanitaire désormais s'impose et impose des mutations profondes au niveau des objectifs, outils, et méthodes. Il en ainsi du passage d’une logique de surveillance de la santé par des indicateurs vers une logique empruntée au monde des finances, celle de veille continue et proactive ; de l'instauration d'un système de vigilance et de riposte ainsi que de la nécessaire et profonde refonte du droit de l'Union en vue "d'y intégrer le principe de précaution et d'imposer la migration vers un système de prévention, etc.".
La Tunisie n'est pas en reste affirme par ailleurs Dr Attia. En effet, et quand bien même la Loi n°91-63 du 29 juillet 1991 relative à l’organisation sanitaire ne comporte aucune référence à la notion de sécurité sanitaire, plusieurs institutions ont été mises en place en matière d’évaluation des risques ou de veille sanitaire. Dr Attia cite ainsi les exemples de l'Agence Nationale de Contrôle Sanitaire et Environnemental des Produits, et de l'Observatoire National des Maladies Nouvelles et Émergentes.
Dr Attia a en outre rappelé que le législateur tunisien a intégré la notion de sécurité sanitaire dans le cadre de la loi 25-2019 du 29 février 2019 relative à la sécurité sanitaire des produits alimentaires et de l’alimentation animale mais que sa concrétisation demeure difficile. Evoquant le projet de réforme du système sanitaire proposé suite au dialogue sociétal mené en 2012, Dr Attia a souligné que ledit projet ne semble pas entériner la notion de sécurité sanitaire avant de conclure par une réflexion sur la gestion de la crise induite par la pandémie et des lacunes imputables aux pouvoirs publics en raison de la mise en œuvre défaillante du Règlement Sanitaire International instauré par l’OMS -RSI (2005) - qui préconise un changement de l’organisation sanitaire à l’échelle des pays, organisation devant se baser sur la notion de sécurité sanitaire.
Après des échanges fort constructifs entre les intervenants et l'auditoire, la seconde séance a appréhendé l'éthique au cœur de la pandémie.
II - La quête d'une éthique rédemptrice
L’Ethique à l’épreuve des crises sanitaires : rôle des comités d’éthique est l'intitulé retenu par madame Jacqueline Lagree, professeur émérite de philosophie à l'Université de Rennes afin de rappeler les questions récurrentes qui se posent à tout comité d'éthique, allant des interrogations portant sur la procréation médicalement assistée, sur la fin de vie, à celles attenantes à la démence sénile et la maladie d’Alzheimer. Professeur Lagree a, au cours de son intervention, précisé le modus operandi du comité d'éthique auquel elle appartient. Relatant sa expérience personnelle forte riche, elle s'est attardée longuement sur le mode d’exercice de la cellule de veille créée au début de la pandémie, qu'elle a présidée.
L’Espace régional éthique de Bretagne (EREB), rappelle-t-elle, a été l'instigateur de la création d'une cellule de crise dans chaque département breton afin d'"être à l'écoute de tout soignant ou cadre de santé sollicitant un avis ou un conseil, tant éthique que juridique dans un laps de temps très court, en moins de 48 heures". La cellule de crise comprend des médecins, des infirmières, des cadres, des philosophes, psychologues, des juristes et des représentants de différents comités d’éthique du département.
Après s'être arrêté sur les fondamentaux qui président à toute demande de conseil éthique, professeur Lagree a mis en exergue la difficulté de la tâche, inhérente sans doute à "la nécessité d’adapter les grands principes éthiques aux situations concrètes", tâche qui implique souvent des "choix douloureux". La grande difficulté de la situation de pandémie réside dans "cette tension éthique, vécue dans un contexte d'incertitude et de projections difficiles".
Le témoignage du professeur Lagree permet ainsi de lever le voile sur les questions les plus fréquentes posées sur le terrain allant de "la demande de visite, droit de déplacement" à "la demande de dépistage des soignants pour chercher le cas zéro qui aurait introduit la Covid dans l’établissement". Et, indubitablement, le traitement des demandes doit se faire sous la lorgnette des principes éthiques fondateurs, à l'instar du principe de non malfaisance, de celui du respect de la dignité et de la vie privée, du principe de bienveillance, etc.
Professeur Lagree révèle à cet égard qu'un certain nombre de principes éthiques fondamentaux prévalent aussi bien dans "le contexte habituel des analyses de bioéthique (relation soignant/patient) que dans le contexte d’une pandémie" où la question éthique concerne l'ensemble de la population, et "met en jeu les dilemmes entre les valeurs éthiques (…) et les valeurs politiques (…)", l'éternel conflit entre autonomie individuelle et sécurité de la population. De nouveaux principes s'imposent à l'instar du recours à la casuistique, de "la personnalisation de la règle (la règle est générale mais le traitement éthique est singulier)", ainsi que du principe de "l’équité dans le traitement des patients et des familles".
La situation de pandémie pose un certain nombre de "dilemmes éthiques" et d'enjeux qui rendent impérieux la nécessité de distinguer quelles sont les valeurs du politique, du juridique et de l’éthique car - comme le rappelle professeur Lagree - "toute valeur politique n’est pas forcément éthique (même si elle a des enjeux éthiques) et toute valeur éthique ne trouve pas immédiatement une traduction politique". Les valeurs politiques, juridiques et éthiques ont ensuite été détaillées par le professeur LAGREE afin de démontrer que l'enchevêtrement entre elles est aisée et qu'il est nécessaire - peut être - de les départager, et de conclure enfin par les leçons retenues et le "principal gain éthique de la pandémie qui aura été de montrer que, face aux revendications égoïstes et individualistes, l’exigence vitale de protection et de solidarité était la forme contemporaine de réalisation de la belle devise républicaine qui refuse de séparer la liberté de l’équité (égalité) et de la solidarité (fraternité)".
Tant s'en faut, la question n'est pour autant pas épuisée. Le regard scrutateur du juriste s'impose ; la rédemption à travers l'éthique serait-elle la solution idoine. C'est ainsi que madame Amel Aouij Mrad, professeur de droit public à l'Université El Manar a traité de la Redevabilité des parties prenantes dans l’anticipation et la gestion des crises sanitaires : aspects éthiques. Les décideurs face à cette crise n'ont pas eu la tâche aisée. Professeur Amel Aouij Mrad a rappelé combien la crise du Covid-19 a jeté le désarroi non seulement sur les citoyens, mais également et surtout sur les décideurs "parties prenantes" dans l’action, "qui ne savent plus ce qu’il faut faire, comment agir ou réagir", et ce, en raison de la perte des repères qu'elle a entraîné. "Dotés d’une lourde responsabilité, véritable mission éthique : c’est à eux qu’incombe la tâche de prendre les décisions en temps de crises". Quelle éthique devrait être la leur en pareille situation sachant, comme le rappelle professeur Aouij Mrad, que "L’être qui commande ne doit-il pas avoir « la vertu morale dans toute sa perfection » ?", celle de ces décideurs.
La question qui jalonne en filigrane les propos du professeur Aouij Mrad porte sur les obligations inhérentes à l'exercice de toute forme de responsabilité en période de crise, et partant, sur la responsabilité qui pèse sur tout décideur. C'est à cet égard que l'épineuse question de la recevabilité, non seulement des décideurs, mais également de toutes les parties prenantes, est ainsi analysée. Partant du postulat que les décideurs - détenteurs de "science infuse" - ne peuvent se tromper, imprégnés qu'ils le sont par les valeurs éthiques, les failles révélées par la crise ont démontré qu'il n'en est rien. Le professeur Amel Aouij Mrad explique ainsi que la faille éthique originelle tient au défaut d'anticipation de la part des parties prenantes de la réaction du système sanitaire tunisien. Elle constate qu'aucune stratégie d'anticipation n'a été élaborée, ce qui a causé une mauvaise gestion à court terme de la crise, aggravée par les défaillances flagrantes qui ont entaché la stratégie de coercition et de sanction. Les décideurs tunisiens acculés à prendre des décisions drastiques l'ont fait dans l'urgence et en tâtonnant, et manifestement, affirme le professeur Aouij Mrad, l'éthique n'était pas au Rendez-vous.
La crise du Covid a ainsi généré des tensions nouvelles et a exacerbé les anciennes. Et lorsque l'éthique s'est enfin profilée, les choix éthiques qui ont été faits étaient titubants voire souvent contreproductifs. La crise a agi, au demeurant, sur l'environnement des décideurs puisque le capital confiance s'est érodé. L'absence d'une démarche globale a brouillé la donne et n'a fait qu'accentuer les difficultés inhérentes à la gestion de la crise. Vient ainsi le temps de la recevabilité et de la reddition des comptes. Cette exigence est exprimée avec acuité par les citoyens, désormais "désabusés et abasourdis". Professeur Aouij Mrad cite à titre d'exemple la tenue de rassemblements des deux partis politiques ennemis au mois de février 2021 et en tire la conclusion idoine, en l'occurrence, "la déliquescence diffuse mais généralisée du pouvoir", conjuguée à l'absence de crainte de la sanction. Que faire en pareil cas ?
L'éthique doit-elle être imposée s'interroge ainsi le professeur Aouij Mrad. Ce serait, vraisemblablement, la solution privilégiée à l'échelle internationale à travers l'adoption encore hypothétique d'un traité international visant à améliorer et uniformiser les réactions nationales face aux pandémies et urgences sanitaires. Le seul instrument en vigueur étant aujourd'hui le Règlement Sanitaire Internationale.
Concluant son intervention sur "une note d'optimisme", professeur Aouij Mrad croit pouvoir déceler une prise de conscience de la part des parties prenantes de l'impérieuse nécessité d'une éthique rédemptrice en ce temps, que je qualifierai d' "abysse sanitaire".
Je conclurai ce rapport en remerciant les différents intervenants et en rappelant combien il était pertinent d'associer des gens de sciences humaines et sociales à cette réflexion, car l'on observe que partout la parole est davantage centrée sur la science plutôt que sur les enjeux éthiques alors que le lien entre la réflexion éthique et les données scientifiques doit demeurer fondamental, et c'est encore plus vrai lors des situations de crise.
Wafa Masmoudi
Professeur de l'enseignement supérieur, agrégée de droit public.
Université de Carthage - Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis.