Tunisie: Silence, on gouverne!
La consigne est ferme. Carthage aurait intimé au nouveau gouvernement de s’imposer un silence médiatique absolu, pour se consacrer au travail de fond. Pas de déclarations à la presse, pas d’entretiens avec les journalistes —même en off— pas de fuites: juste un minimum de communiqués de presse, si nécessaire. Tous s’y plient, la cheffe du gouvernement, Najla Bouden, la première, se contentant devant les journalistes et les photographes d’un léger sourire, d’un petit geste de la main. Même lors de son voyage officiel en Arabie saoudite, à l’occasion du sommet de l’Initiative du Moyen-Orient vert, la couverture médiatique a été réduite à l’essentiel.
Mais, au-delà de ce verrouillage de l’information qui ne saurait durer encore longtemps, et que les médias déplorent vivement, il est certain que le gouvernement est très absorbé par sa tâche. Tous planchent en charrette. Si les ministères régaliens (Justice, Défense, Intérieur et Affaires étrangères) sont au quotidien en direct avec Carthage, deux autres pôles se mettent en branle.
L’éco-finance en surchauffe
Les ministères en charge des questions économiques et financières sont à l’œuvre en étroite collaboration avec la Banque centrale pour esquisser les sorties de crise. Sihem Boughdiri Namsia a dû pousser un grand ouf de soulagement en se voyant déchargée de l’Investissement et de la Coopération internationale pour se concentrer sur les Finances, son domaine de prédilection.
Samir Saïed, ingénieur centralien, banquier, hérite alors d’un ministère de l’Économie et de la Planification recentré. Son périmètre couvre également le développement régional et l’investissement. Comme ses prédécesseurs, c’est lui qui siègera au nom de la Tunisie aux instances des institutions financières régionales et internationales (Banque mondiale, BAD, Banque islamique, etc.), à l’exception du FMI, le siège revenant de droit par la loi au gouverneur de la Banque centrale.
Aïda Hamdi s’implique de son côté. Secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, chargée de la Coopération internationale, elle prend ses marques et apporte sa contribution, notamment à travers la mobilisation de la diplomatie économique.
Les réunions conjointes se multiplient en plusieurs formats. D’abord en tête-à-tête entre les membres du gouvernement et le gouverneur de la BCT, mais aussi à trois, voire à quatre, et également en présence des staffs respectifs. A l’ordre du jour, la stratégie générale des réformes, la loi de finances rectificative pour l’année 2021 et le budget de l’État pour 2022. Avec, cependant, des urgences qui s’imposent à l’agenda.
Des séances de travail s’enchaînent aussi avec l’Ugtt et l’Utica, dans un premier round de prise de connaissance, d’échanges et de programmation des étapes à venir.
A l’international, interlocuteur au quotidien du FMI, la Banque centrale garde la ligne ouverte avec Washington DC. Quant à la Banque mondiale, une première réunion conduite par Férid Belhaj, vice-président pour la région MENA, et les ministres tunisiens concernés a laissé une bonne impression. Samir Saïed, Sihem Boughdiri Nemsia et Aïda Hamdi ont fait montre d’une bonne équipe, imprégnée de ses dossiers et à la recherche de meilleures solutions appropriées.
Mais l’essentiel, à présent, est de délivrer. La stratégie, les réformes, les financements.
Les technos sur le pont
Le deuxième pôle, technique et sectoriel, est lui aussi sur le métier. Équipement, transports, tourisme, emploi, jeunesse et sport, culture, éducation, et universités, mais aussi agriculture et commerce et autres départements : il faut relancer la machine, remobiliser l’administration, sortir les dossiers de projet et reprogrammer. Et se rendre sur le terrain.
La cheffe du gouvernement veille au grain. Najla Bouden challenge son équipe pour élaborer ses plans d’action et fixer leurs tableaux d’exécution. C’est sur cette base qu’elle pourra finaliser son programme de gouvernement et le soumettre au président Saïed. En espérant qu’il sera efficient.