Tunisie : Le prochain gouvernement devrait être paritaire
Par Aïda Hamdi - Parce qu’en Tunisie, avoir une femme à la tête du gouvernement n’est pas une surprise. Parce que ce n’est que le début d’un chemin qui doit être poursuivi, parce que la femme mérite d’avoir une meilleure place en Tunisie, une reconnaissance collective de son rôle et de ses compétences, parce qu’une société se construit collectivement, parce qu’il faut donner l’exemple aux jeunes et aux générations futures, le prochain gouvernement devrait être au moins paritaire pour affirmer la grande place qu’occupent les femmes dans la société et dans tous les secteurs économiques, éducatifs et administratifs.
Mais constituer un nouveau gouvernement est loin d’être facile en cette période critique où la Tunisie est comme sur une lame de rasoir. Un calme fragile et une attente chargée d’espoirs, d’émotions, de ras-le-bol et de souffrances de tout un peuple qui a sacrifié et qui, jusqu’à aujourd’hui, n’a pas cueilli les fruits de son sacrifice. Mais c’est le moyen de constituer la nouvelle armée intellectuelle, qui impulsera à nouveau le travail et qui placera l’intérêt de la Tunisie et des Tunisiens avant toute chose et avant tout intérêt politique et de pouvoir égoïste.
Le gouvernement sera paritaire parce que les tunisiennes et les tunisiens doivent et veulent retrouver le chemin vers la confiance, la confiance dans ses gouverneurs et dans un avenir meilleur. Cette confiance, la voie pour remédier à une crise de valeurs sociales profonde creusée par une scène politique pathétique qui a perdu toute crédibilité.
Aujourd’hui être au pouvoir c’est redonner le pouvoir au peuple désireux de retrouver le chemin vers la croissance, l’emploi, la production, la création d’entreprises, c’est le mettre au centre des préoccupations et donner sens pour concrétiser la justice sociale et la juste répartition tant attendues.
Le gouvernement sera paritaire pour replacer le pouvoir et le déplacer au véritable lieu de décision. Il sera paritaire pour remédier à une crise de représentation qui perdure depuis plusieurs années et qui a vu passer des gouvernements dominés par les hommes et par les tractations clientélistes stériles et bloquantes.
Il sera paritaire pour mieux représenter la société tunisienne, pour être en phase avec une administration publique qui compte plus de 40% de femmes, une société qui compte plus de 40% de femmes ingénieures et qui classent La Tunisie deuxième pays ayant le plus grand taux de femmes ingénieures par habitant, dans le monde (UNESCO, 2021).
Même s’ils ne sont pas élus, être ministre revêt une certaine dimension d’identification et de représentation parce qu’il doit être au plus près des préoccupations des gens, faciliter leur quotidien, contribuer à améliorer leur vie ; c’est donc un choix crucial !
Le gouvernement sera paritaire parce qu’il devra penser et mener ses réformes. Certes il n’est pas attendu qu’elles soient très ambitieuses dans une échéance aussi courte, mais sûrement nécessaires pour sortir d’une crise économique et sociale qui s’est installée dans la durée. Ces décisions nécessitent la présence et le point de vue des hommes et des femmes, nécessitent de mettre la lumière sur ceux qui les mettent en place, les hommes et les femmes qui maintiennent debout l’administration tunisienne et tout le secteur public. L’histoire a inscrit l’immense capacité de résilience de cette administration qui n’a pas cessé de fonctionner, certes avec beaucoup de difficultés, depuis les évènements de 2011. Celle-ci est restée la grande oubliée de tous les plans et programmes des gouvernements qui se sont succédé et doit à présent constituer l’une de ses priorités.
Le gouvernement sera paritaire pour promouvoir et concrétiser un esprit de la participation et du dialogue constructif.
Mais la parité nécessite la volonté et le courage, nécessite de prendre l’entière responsabilité et un choix qui se base sur des critères de compétence, mais aussi de volonté ancrée pour servir l’intérêt général, celui du collectif avant l’individuel. Parce que les Tunisiens attendent des résultats concrets, qui ne peuvent qu’être que le résultat travail collectif et inclusif pour répondre aux défis économiques, sociaux, environnementaux, éducatifs et de transition démocratique.
Et si le prochain gouvernement serait composé majoritairement de femmes ? C’est avant tout une question de volonté.
Aïda Hamdi
Université Paris Dauphine-PSL
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"le prochain gouvernement devrait être au moins paritaire" pour réparer les dommages causés par les précédents gouvernements dominés par les hommes.