Pour surmonter les crises, cultivons notre jardin
Par Ridha Bergaoui - Tout le monde s’accorde pour affirmer que la vie est de plus en plus chère et le consommateur peine à remplir son couffin de tous les jours. Les raisons sont nombreuses aussi bien nationales qu’internationales. La crise sanitaire, la crise économique, l’instabilité politique, la corruption, la mauvaise gestion sont parmi les facteurs importants qui expliquent en partie l’envolée des prix et l’inflation.
Pour les produits agricoles, les changements climatiques, le réchauffement et le manque de pluie ont une incidence directe sur les disponibilités hydriques. La production agricole a été directement impactée et les quantités des principales légumes (pomme de terre, tomate et piment) fortement réduites. La spéculation, les circuits de commercialisation très mal organisés et les fortes demandes en ces produits hors saison ont conduit à une augmentation sensible des prix de ces produits considérés stratégiques et incontournables pour le consommateur.
Une alternative possible: cultiver soi-même ses légumes
Alors qu’en milieu rural, les agriculteurs ont l’habitude de cultiver des légumes pour l’autoconsommation, en milieu urbain le consommateur est complètement dépendant du marché pour son alimentation et se trouve à la merci des commerçants et des spéculateurs.
Le jardinage bien conduit pourrait subvenir partiellement à la couverture des besoins en légumes et permettrait au consommateur une certaine autonomie avec une possible réduction des couts d’alimentation. Les écolos sont très preneurs du jardinage qui représente une alternative permettant de produire des aliments sur place sans besoin d’intermédiaires ni de transport polluant et énergivore.
Le jardinage présente également de nombreux avantages pour la santé physique et l’équilibre psychologique.
Manger sain et économique
Le jardinage permet de produire des aliments frais, sains et dont on connait parfaitement les détails de production. L’utilisation des produits chimiques est généralement rare et se limite si nécessaire à quelques interventions pour lutter contre les ravageurs comme certains insectes et champignons en faisant appel surtout à des produits naturels. Le désherbage est essentiellement manuel.
Il est difficile de s’alimenter exclusivement de son jardin. Le jardinage peut toutefois représenter un apport d’aliments assez important et une réduction de ses achats et du budget réservé à l’alimentation.
L’investissement est très faible et consiste en l’achat du petit matériel et de la fourniture (semences et plants, engrais, contenants…). Le plus important étant la motivation, la bonne volonté et du temps à consacrer à cette activité récréative et divertissante.
Autres bienfaits du jardinage
Le jardinage présente de nombreux bienfaits sur notre physique et notre moral:
• Réduit le stress, calme et permet de se détendre. Il permet également de lutter contre l’anxiété et la dépression.
• C’est du sport et permet de se maintenir dynamique et en forme
• Il est bon pour la santé, permet de perdre des calories, renforce les os et les muscles. Il est bénéfique pour les articulations et le cœur.
• Source d’une grande satisfaction personnelle, il renforce notre confiance en nous même
• Nous apprend la patience, développe le sens de l’observation, stimule l’esprit et développe notre imagination et notre sens créatif
• Possibilité d’adapter ses efforts à ses capacités physiques.
Pour se développer, les plantes ont besoin de nutriments. Le compostage des déchets de cuisine et des restes du jardin (bois de taille, feuilles mortes…) est important et permet de bien valoriser ces détritus et de réduire la masse des ordures qui posent de nombreux problèmes aux collectivités.
Il est intéressant d’associer les petits et enfants au jardinage, non pas pour aider aux différents travaux mais surtout en tant qu’outil pédagogique et ludique pour apprendre les secrets de la vie et comprendre les mystères de la nature.
Importance du jardinage pour les petits
Pour les petits, jardiner permet d’éveiller leurs sens. Toute une panoplie d’odeurs, couleurs, formes, textures et gouts ne manquent pas dans un jardin, surtout au printemps, pour réveiller et de développer les sens. Planter, cueillir, biner… développent la motricité et la coordination des mouvements et aident à grandir harmonieusement.
Jardiner c’est apprendre à découvrir un monde quelque peu invisible d’êtres vivants divers: oiseaux, lézards, grenouilles, souris, insectes, organismes microscopiques… C’est également découvrir le cycle fantastique de la vie des plantes (de la graine, plantule, fleur sa fécondation et sa transformation en fruit) et celui de tous les organismes vivants en général : naitre, grandir, se reproduire et mourir. Jardiner permet également de démystifier la provenance des aliments et de comprendre comment les plantes grandissent, leur besoins (lumière, eau, éléments nutritifs…), les maladies et les divers ennemis. Apprendre également les différentes phases de développement des insectes de l’œuf, à la chenille avec les différentes mues, à la chrysalide et enfin à l’état adulte.
Apprendre que les insectes ne sont pas tous nuisibles et que nombreux sont utiles et contribuent à notre alimentation par le biais de la pollinisation nécessaire pour la fécondation et le développement des fruits.
En fin, jardiner c’est respecter la nature et saisir l’importance des différents agents de l’écosystème et de l’environnement. C’est également comprendre la biodiversité et la complémentarité entre les différents organismes vivants. Apprendre à jardiner, c’est apprendre à devenir citoyen responsable.
Pour jardiner, il faut disposer d’un petit coin pour cultiver ses plants
Partout il est possible de faire du jardinage. Cela peut-être un petit jardin attenant à la maison, un balcon, une terrasse ou même le toit de la maison. A défaut d’un petit espace de terre, on peut avoir un potager en pot. De nombreux légumes poussent bien dans un espace réduit.
Les plus chanceux peuvent posséder un terrain agricole pas très loin de chez eux où ils peuvent pratiquer de le jardinage comme loisir le week-end et les jours de congé.
Dans de nombreuses villes européennes et au Canada, les jardins partagés des villes sont à la mode. Appelés également jardins communautaires, associatif ou collectifs, ces jardins sont composés de petites parcelles gérées par des associations et louées à des personnes désirant pratiquer le jardinage. A coté des bienfaits soulignés précédemment, ces jardins permettent d’embellir la ville et de renforcer les liens sociaux entre des personnes qui se partagent les mêmes valeurs. Les week-end et les jours de congé, ces parcelles représentent des lieux de rencontre des adultes et des jeunes de différentes classes sociale des moments d’échange, de partage et d’apprentissage des techniques du jardinage mais également de la vie sociale et communautaire.
En Tunisie, en ville, plein de terrains abandonnés existent. Prévus à l’origine comme espaces verts, ces parcelles se transforment rapidement en dépotoirs et des décharges d’ordures et de déchets de construction à plein air. Elles sont également détournées par certains qui les annexent à leur propriété personnelle.
Le problème de l’eau
Certes l’eau est indispensable, toutefois il faut éviter d’utiliser l’eau du robinet afin de ne pas aggraver le problème de déficit hydrique et de manque d’eau au niveau national. Pour de nombreuses cultures, l’eau de pluie est suffisante pour avoir une production satisfaisante.
Il est cependant possible d’apporter des compléments et d’arroser les cultures afin de combattre la sécheresse et améliorer ses productions. Avoir un réservoir de pluie permet d’une part de disposer d’une source précieuse d’eau de qualité et d’éviter de surcharger le réseau sanitaire national.
Il est également possible de récupérer l’eau des douches et bains pour entretenir ses plantes à moindre coût. Cela implique d’éviter l’utilisation de détergents (savon et shampoing) chimiques mais de recourir à des produits bios, écologiques et de n’arroser que les plantes solides peu sensibles à la qualité de l’eau. Eviter également de mettre directement l’eau grise (qui peut contenir des bactéries nuisibles) directement avec les parties consommables de la plante (légumes racines et légumes feuilles). Il est également possible de récupérer cette eau dans un petit réservoir, la laisser se décanter et la faire passer par un système de filtres avant de l’utiliser pour l’arrosage.
Il est possible enfin d’envisager l’utilisation d’un système d’économie d’eau comme le goutte à goutte ou un simple tuyau percé de petits trous.
Une culture du jardinage à développer
Dans de nombreux pays, le jardinage est une culture et un mode de vie. Suite aux changements climatiques devenus clairement perceptibles et ses effets catastrophiques (inondations, sécheresse, incendies et autres désastres) les gens sont plus sensibles aux questions environnementales et à l’équilibre écologique. L’intensification de l’agriculture et l’utilisation à outrance des produits chimiques et les risque que ces pratiques représentent pour la santé du consommateur. Enfin la dégradation de l’environnement (air, mers et océans…) par les polluants industriels, le plastique et les déplacements des véhicules et engins ont entrainé une augmentation sensible de la consommation des produits biologiques, naturels et de qualité.
Le jardinage se présente comme une activité écologique, sportive, éducative et une activité de loisir utile et bénéfique.
En cette période de crise sanitaire et de récession économique, le jardinage connait partout un renouveau certain soutenu par tout un écosystème économique et de bizness comprenant salons, magasins de vente du matériel du jardinage, vente de graines, de plants et de compost et engrais et produits phytosanitaires, contenants et substrats, revues et sites Internet spécialisés… Le tout soutenu par des habitudes et des comportements civiques et responsable.
En Tunisie, la culture environnementale demeure très élémentaire. Le respect de l’environnement, la santé, la pollution sont encore des notions peu partagés par nos concitoyens. Renforcer cette culture et sensibiliser la population, surtout les jeunes, de l’importance de ces notions est primordial pour préserver l’avenir du pays. Prévoir des séances de jardinage dans toutes les écoles serait une excellente pratique pour aider à construire une jeunesse responsable.
Conclusion
Le jardinage est une tendance de plus en plus en vogue dans de nombreux pays. Il présente de nombreux bénéfices aussi bien au niveau individuel que national et même planétaire. Le jardin potager peut jouer un rôle important dans la fourniture d’aliments frais, sains et de qualité et dans l’équilibre des ménages en ces temps difficiles.
Pour tout âge, le jardinage est un loisir bien pratique et utile pour la santé, le moral et le porte monnaie à consommer sans aucune modération. La pratique du jardinage ne nécessite aucun diplôme mais essentiellement de la bonne volonté et de la passion. Il serait intéressant de le généraliser aux collectivités, écoles, lycées… qui disposent d’un petit lopin de terre.
Il a un effet thérapeutique certain et permet de combattre le stress et la déprime. Cette pathologie est de plus en plus fréquente avec notre mode de vie moderne et nos nombreux soucis. La Covid-19 a eu des incidences psychiques graves qui pourraient être combattues grâce au jardinage.
Développer la culture environnementale, donner la possibilité à tout le monde de jardiner, exploiter les parcelles de terrains abandonnés et créer des jardins communautaires permet d’embellir les villes et d’avoir des citoyens en bonne santé et heureux.
« Un jardin, même tout petit, c’est la porte du paradis » disait Marie Angel.
Ridha Bergaoui