Mohamed Ben Soltane, un artiste pluriel est né
Férid Ben Tanfous et son jury avaient vu juste en récompensant, en mars 2006 à l’occasion de son concours ATB Challenge, un jeune peintre encore inconnu à l’époque, Mohamed Ben Soltane, qui marie avec la plus grande aisance, dans ses œuvres, dessin, vidéo, photographie et installations. Depuis cette consécration, l’artiste a exposé, collectivement et individuellement, aussi bien en Tunisie qu’en Espagne, en Allemagne ou en Algérie. Mieux, il vient d’être invité par l’association Jiser Réflexions méditerranéennes pour une résidence de création de deux mois en Novembre prochain à Barcelone à l’issue de laquelle les projets qu’il aura préparés durant cette résidence seront exposés au Centre Civic Fort Pienc au début de l’année prochaine. Retour sur le parcours de ce jeune artiste de 33 ans qualifié comme l’un des artistes les plus prometteurs de la scène artistique contemporaine tunisienne.
Bien qu’il fût bercé depuis sa prime jeunesse par une ambiance artistique avec un père issu des beaux-arts reconverti dans la reproduction de mosaïques, Mohamed Ben Soltane avoue n’avoir jamais pensé s’orienter vers un carrière artistique. Son bac en proche, il ambitionnait de devenir homme d’affaires et s’orienta, pour cela, vers des études d’expertise comptable à l’ISG de Tunis. L’influence de sa mère qui travaille au Conseil du marché financier y était peut-être pour quelque chose. Mais deux ans après, voilà que Mohamed change d’orientation et se passionne pour le marketing et la création publicitaire.
Il intègre alors les bancs de l’IHET. Là encore, il réalise durant sa dernière année d’études supérieures que ce qui l’intéressait vraiment était ailleurs. Diverses expériences personnelles lui font prendre conscience que l’art constituerait l’espace de liberté dans lequel il pourrait vraiment s’épanouir. Qu’à cela ne tienne. Une fois sa maîtrise de marketing obtenue, il entamera courageusement le cursus des beaux-arts à l’Institut Supérieur des beaux-arts de Tunis. Cette fois c’est la bonne ! Mohamed Ben Soltane achève avec succès son Master, pour le plus grand bonheur de son père, et s’engage dans des études doctorales où ses réflexions portent sur la reconnaissance des artistes africains en occident.
Des scènes inspirées de notre quotidien
En chercheur, Mohamed Ben Soltane analyse avec lucidité la situation des artistes arabes et constate que le dynamisme des Algériens et des Marocains qui disposent de puissants réseaux relationnels européens n’existe pas en Tunisie où la plupart des artistes restent cantonnés aux frontières nationales. Quant aux Egyptiens, ils ont également réussi à s’imposer en développant des projets de collaboration entre les galeries d’exposition égyptiennes et occidentales.
En parlant d’art contemporain, le jeune artiste rappelle que le temps des toiles accrochées sur les murs des galeries est révolu. Dans l’esprit développé par Dream City, les expositions se transforment en projets intégrateurs de plusieurs arts dont le numérique constitue, de plus en plus, le fil conducteur. Ainsi, dans l’un de ses projets, Mohamed Ben Soltane a travaillé sur des bande-dessinées, alors que dans un autre il a exploité les annonces de demande en mariage publiées dans les journaux. Il a également sublimé les façades lézardées de la ville, ses tags et ses graffitis. Dans une autre de ces expositions, ce sont des mains reproduites tout simplement par photocopieuse qui ont dégagé une force, une poésie et une présence inattendues dans la chapelle de l’IHEC de Carthage. Dans ses toiles aux noms évocateurs d’Ennasr et Mellassine, l’artiste met en scène des personnages exubérants dans des environnements minimalistes. Impressionnants …
Mohamed Ben Soltane ne finira pas de nous étonner avec des œuvres inspirées de notre quotidien à qui il insuffle une fraîcheur sans cesse renouvelée qui ne manque pas de nous interpeller. A suivre …
Anissa Ben Hassine