Mourad Daoud - Tunisie: Coup de force, coup d'après?
Les cinéphiles connaissent "Match Point", un film de Woody Allen où le scénario tourne autour de la métaphore de cette balle de tennis suspendue dans l'air pile au-dessus du filet.
De quel côté retombera-t-elle ? Tout un destin en dépend.
La situation actuelle en Tunisie rappelle pour beaucoup cette balle. Sauf qu'en Tunisie, on la voit redescendre doucement, très doucement. Et que le joueur, maître absolu du jeu, a encore la possibilité d'influencer sa trajectoire.
Au "coup de force" (l'expression est empruntée au Monde) survenu le 25 juillet, les youyous dans la rue ont rivalisé avec les joyeux commentaires sur les réseaux sociaux pour célébrer la curée qui s'annonce et l'espoir qui renaît.
Rares, même parmi ceux qui subissent le couperet, ceux qui nient la légitimité de l'enthousiasme exprimé par les masses tant la situation était devenue catastrophique à tous les niveaux.
Les derniers mois ont offert au Tunisien le spectacle d'une classe politique enlisée dans des querelles ridicules et d'un pouvoir exécutif faible car morcelé et tiraillé.
Il était alors naturel que le coup du maître ait été perçu comme salvateur. Enfin un capitaine à bord ! Et on évitera l'allusion au besoin patriarcal que certains supposent ancré dans notre ADN.
Mais quel coup jouer après le coup de force ? La balle est toujours suspendue au-dessus du filet.
Soit la tactique établit rapidement les bases d'une reconstruction efficace et légaliste donnant des signaux positifs à l'intérieur et à l'international. Soit les actions populistes surferont encore un moment sur la vague de popularité avant que le navire ne sombre.
En attendant et en tout état de cause, il serait mauvais de soigner le mal par le mal et d'épuiser l'appareil de l'État en vengeance aveugle ou règlement de compte mesquin.
Ni les lois de la nature ni celles de la République ne laisseront la balle suspendue trop longtemps. Ce sera alors au joueur de profiter de ce laps pour sortir son coup de maître car le public ne supportera pas que la balle ne retombe du mauvais côté.
Mourad Daoud