Ahmed El Karm, Président du conseil d’administration de Tunisie Leasing & Factoring: Les finances et l’art en passion
On ne quitte pas le Groupe Ben Yedder. Tous ceux qui y ont apporté leurs compétences savent apprécier la valeur de la fidélité récompensée. Après le départ à la retraite, il y a toujours un poste d’administrateur ou de président de conseil d’administration qui leur est réservé dans une filiale ou une autre. A 70 ans bouclés en février dernier, Ahmed El Karm, qui a servi le groupe à de hautes fonctions pendant 27 ans, remet les rênes de la présidence du directoire d’Amen Bank à Néji Ghandri pour passer à Tunisie Leasing et Factoring. Porté président du conseil d’administration, il y succède au fondateur, Ahmed Abdelkéfi, pionnier du leasing tunisien qui s’y était lancé en 1984. Sans discontinuité pendant plus de 37 ans, il a su en faire un champion tunisien et africain.
En fait, Ahmed El Karm reste toujours membre du Conseil de surveillance d’Amen Bank en tant que représentant de PGI.
Ahmed El Karm connaît bien le secteur pour avoir géré l’absorption d’Amen Lease, et la participation du groupe dans Tunisie Leasing et Factoring. Il connaît aussi et surtout le tissu économique, les entreprises et les secrets du marché. Rien ne changera dans ses habitudes quotidiennes : briefings matinaux, visite de clients, sur le terrain, à Tunis et dans les régions, concertations avec les confrères et les autorités, prise de parole dans les médias, des séminaires et des conclaves. Un tribun très recherché et bien écouté.
La banque, Ahmed El Karm l’a pratiquée sous tous les angles depuis le premier jour de sa carrière professionnelle. Cet enfant de Tataouine, économiste de formation (maîtrise obtenue en 1972), puis diplômé de l’ITB (1976), caressait l’espoir de se bâtir une belle carrière à la force du poignet. Rejoignant la Banque centrale de Tunisie en novembre 1972, il fera son apprentissage du monde des finances en gravissant les échelons un à un. Direction des études économiques, section de la prévision et de la politique monétaire, service de contrôle des banques de dépôt et de développement, organisation et formation et participations: il aura fait le tour de cette prestigieuse institution et prouvé sa compétence.
Sa maîtrise rapidement acquise des fondamentaux et sa belle plume, aussi raffinée en arabe qu’en français, le pousseront à intégrer le cabinet du gouverneur. Un bref passage l’amènera à rejoindre le cabinet du ministre de l’Equipement et du Transport, puis de diriger celui du directeur du cabinet présidentiel et de la Réforme administrative, mais rapidement Ahmed El Karm préfèrera regagner sa maison d’origine.
Une bonne pioche
C’est à la Banque centrale que Rachid Ben Yedder ira le chercher en février 1993. Il était alors, depuis trois ans, directeur général des changes et du commerce extérieur à la Banque centrale de Tunisie, après avoir été longtemps directeur du cabinet du gouverneur de la BCT. Visionnaire, soucieux de renforcer la gouvernance de la CFCT Bank qu’il s’apprêtait à transformer en Amen Bank, Si Rachid devait pourvoir au poste de vice-président alors occupé par Si Mahmoud Babbou, légitimement admis à faire prévaloir ses droits à la retraite. Mais aussi la volonté de prendre du recul par rapport à l’exécutif et l’opérationnel. Uni par plus d’un lien profond (la famille, l’Espérance, le rachat de la CFCT, la rigueur en douceur, etc.), le duo formé par Si Rachid et Si Mahmoud avait longtemps réfléchi à la relève et œuvré à sa mise en place. Karim Ben Yedder, fraîchement rentré de France après avoir réussi ses études en finance à Paris-Dauphine, avait devant lui tout le temps de faire le tour de la banque et de monter ses marches, avec toute une équipe de jeunes recrues.
Ahmed El Karm s’avèrera une bonne pioche et toujours d’un bon conseil. Rapidement imprégné des valeurs du groupe qui confortent les siennes, jouissant de la pleine confiance des actionnaires, il ralliera autour de lui les équipes, et se mettra totalement à l’écoute des clients et du marché. Entretenant en plus de bonnes relations avec les autorités, mais aussi l’université, les médias et la société civile.
En démineur, développeur
Les écueils ne manqueront pas. Pas facile de succéder à Si Rachid et à Si Mahmoud à la fois, de consolider la position de la Banque et du groupe, de dénouer des dossiers délicats, d’œuvrer au développement et à l’expansion, de faire aboutir de grands chantiers comme le décrochage de marque, la construction du nouveau siège, sur l’avenue Mohamed-V, de faire éviter des foudres et de déjouer des manœuvres extérieures...
Par sa subtilité, sa finesse d’esprit et son magistère du verbe, il y réussira. Ses pairs banquiers et financiers le porteront à la présidence de leur corporation, l’Association professionnelle des banques et des établissements financiers, Apbt (2015-2019), à une période très sensible. Ils trouveront en lui un bon dirigeant et un interlocuteur apprécié par les pouvoirs publics.
Costume sombre, sourire aux lèvres, des yeux pétillants derrière les lunettes et l’esprit vif, Ahmed El Karm est partout présent, honorant les invitations qu’il reçoit. Toujours la petite phrase prête, l’explication pédagogique bien rodée et un espoir à souffler, il ne laisse personne indifférent.
L’amoureux des arts
Il n’y a pas que les chiffres et l’argent qui l’intéressent. Sa véritable passion est ailleurs. Le jardin caché d’Ahmed El Karm, c’est celui des arts, de la musique et de la culture. Beaucoup ne savent pas qu’à l’origine, c’est un homme de lettres, féru de lecture, mais aussi d’écriture. On lui prête même des dons de poésie et de roman. Mais également un vrai amateur de peinture et d’art contemporain, collectionneur avisé. Depuis longtemps, fréquentant assidument les galeries d’art, il s’efforçait d’y investir ses maigres économies de jeune banquier, avant d’y mettre plus tard plus que son épargne.
Mais, Ahmed El Karm ne se contente pas de résumer son rapport à la culture à des acquisitions. Ce qui l’intéresse le plus, ce sont les relations qu’il entretient avec des peintres, des sculpteurs, des romanciers, des poètes et des mélomanes. Adel Megdiche figure parmi ses proches amis. Appréciant son talent, il a mis à sa disposition un vaste atelier à la Charguia pour lui permettre de peindre de grandes fresques. Ses toiles trônent majestueusement au hall du siège d’Amen Bank.
Partir, sans quitter: Ahmed El Karm gardera toujours sa place, centrale, au sein du groupe Ben Yedder. Il continuera à servir et sera utile pour tous.
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