Toute stratégie de paix durable qui ignore les droits des Palestiniens est vouée à l’échec!
Par Taoufik Ayadi - Pour plusieurs stratèges israéliens la question palestinienne est tombée dans les oubliettes depuis plusieurs années avec la mort de Yasser Arafat en 2004 et particulièrement avec les derniers accords de normalisation des relations entre Israël et certains pays arabes, les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc. Cependant depuis le début du mois de mai 2021, la cause palestinienne est revenue au centre de l’actualité internationale suite à l’agression sanglante des forces d’Israël contre les palestiniens qui a entrainé jusqu’au 17 mai 2021 à 14H00 près de 200 morts palestiniens parmi les quels 58 enfants et 34 femmes avec un nombre de blessés qui s’élève à 1235, d’après la chaine de télévision «Palestine today». Un bilan humain important auquel s’ajoute les dégâts matériels énormes dans la bande de Gaza sous les tirs de l’armée d’Israël depuis plus d’une semaine.
La plupart des observateurs et sources d’information sur les lieux affirment que la réaction israélienne est extrêmement démesurée comparée à l’action de l’adversaire qui ne cherchait qu’à défendre ses droits légitimes à exister et à exercer ses rites religieux. Ces évènements ont provoqué une vague de manifestations de soutien au peuple palestinien partout dans le monde et prouvent plus que jamais que la paix au Moyen-Orient ne peut être construite sans le règlement du conflit central de cette région du monde; le conflit entre la Palestine et Israël, quelque soit le nombre des pays et des monarchies arabes qui pourraient normaliser leurs relations avec Israël dans l’avenir.
Dans ce contexte douloureux de montée des tensions, de violence et d’escalade dans les territoires palestiniens quelles sont alors les principaux évènements qui ont généré et marqué la crise actuelle? Par quoi se caractérisent les positions et les réactions à l’échelle internationale? Et quelles sont les enseignements que l’on peut tirer, "à chaud"?
Les principaux évènements qui ont généré et marqué la crise
La première étincelle de cette crise remonte à la fin du mois d’avril 2021 lorsque des extrémistes israéliens en manifestation à Jérusalem ont crié «mort aux arabes». Ces manifestations et ces slogans, très peu médiatisées, ont provoqué de violents affrontements entre des palestiniens et des policiers impliquant plus d’une centaine de blessés en quelques jours.
Les choses se sont aggravées avec les manifestations des palestiniens en soutien aux familles qui devaient être expulsées de leurs maisons à Jérusalem-Est au profit de colons juifs. Les autorités israéliennes ont considéré que les causes de ces manifestations sont dues à un différend foncier qui relève des compétences de la justice; selon la loi israélienne les juifs qui disposent de titres fonciers antérieurs à 1948 ont le droit de demander la restitution de leurs biens alors que les palestiniens ne peuvent pas jouir de ce droit. Les palestiniens comme le reste du monde, à part les alliés d’Israël, considèrent que l’objectif pour suivi par cette loi et cette stratégie est de faire de Jérusalem une ville entièrement juive en les expulsant de leurs maisons.
Les affrontements qui ont eu lieu au début de mai sur l’esplanade des mosquées de Jérusalem-Est entre les palestiniens et la police israélienne ont provoqué aussi plus de 300 blessés en majorité des palestiniens. Les choses ont empiré lorsque les israéliens n’ont pas respecté l’ultimatum donné par le Hamas aux forces de l’ordre de se retirer de l’esplanade des mosquées. Les roquettes tirées depuis le territoire de Gaza par le Hamas avant la fête de «l’Aïd el fitr» sur des cibles situées à Jérusalem et à Tel-Aviv ont causé 5 morts du côté des israéliens selon des sources israéliennes et occidentales.
Ensuite Israël a mobilisé son armée avec des moyens lourds qui a accentué ses frappes dans la bande de Gaza causant un important nombre de morts palestiniens (ci-dessus cité, près de 200) et la destruction de l’infrastructure de plusieurs sites. Aujourd’hui les sources israéliennes parlent de 10 morts de leur côté.
Les réactions à l’égard de la crise
Le premier ministre israélien Netanyahou a félicité la fermeté avec laquelle ses forces de l’ordre et son armée ont réagi à l’encontre des palestiniens et leurs tirs de roquettes. En affirmant «Nous les soutenons dans cette juste lutte», pour lui cette réaction est indispensable à la stabilité de Jérusalem.
Le chef de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas a fermement dénoncé l’action des forces d’Israël en la qualifiant «d’agression barbare». Tandisque le chef du Hamas Ismaïl Hanieh a confirmé à plusieurs reprises que «la résistance palestinienne ne peut pas rester les bras croisés».
Les observateurs indépendants (et non influencés) dans les territoires palestiniens et dans le monde soutiennent que la réaction israélienne est extrêmement démesurée comparée à l’action de l’adversaire. C’est ce qui explique les pertes en vies humaine du côté palestinien, sans compter les dégâts matériels énormes dans la bande de Gaza.
Face à l’escalade en Palestine la Tunisie, qui est depuis le 1er janvier 2020 membre non-permanent du Conseil de Sécurité pour la période (2020-2021), a demandé la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU pour le 10 mai 2021 pour cause de la situation dégradée à Jérusalem-Est. C’est à partir de cette date que les appels au calme à l’échelle mondiale ont commencé à se multiplier, alors que les forces israéliennes ont accentué démesurément leurs frappes sur Gaza.
Le Conseil de sécurité s’est réuni dimanche dernier le 16 mai 2021 pour la troisième fois sur le conflit israélo-palestinien depuis une semaine sans arriver à une déclaration commune ou une solution pour permettre la fin des hostilités à cause du blocage de la part des USA.
Jusqu’à nos jours la réaction de la «communauté internationale» est jugée très timide. Du côté des pays occidentaux, les observateurs soutiennent que si les mêmes types d’évènements et de violence se sont produits dans d’autres coins du monde la réaction et les prises de positions seraient complètement différentes, faisant ainsi allusion à la position des USA et de l’Union Européenne vis-à-vis du différend entre la Russie et l’Ukraine concernant le Donbass et leurs appels intenses à Moscou de retirer ses forces en manœuvre dans la Crimée début du mois d’avril 2021.
Les enseignements tirés
Tout d’abord cette crise a démontré que les accords d’Israël de normalisation de ses relations avec certains pays arabes avant et récemment en 2020 (avec les Emirats arabes unis, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc) est une stratégie inefficace pour enterrer la cause palestinienne, tant que le droit de ce peuple à vivre dans un Etat indépendant et souverain reste ignoré.
Même si certains régimes politiques des pays et des monarchies arabes s’accordent avec le régime israélien, les peuples arabes restent toujours du côté des palestiniens d’où la fragilité des accords qu’Israël avec le soutien des USA cherche à multiplier mettant ainsi les Etats arabes en porte à faux avec leurs peuples.
En outre il faut aussi noter le silence et le manque d’engagement de certains paysdémocratiques qui étaient traditionnellement en pointe sur la défense de la cause palestinienne, c’est surtout les cas des pays de l’Union Européenne comme la France. Les causes principales reviennent à deux facteurs; tout d’abord le manque de dynamisme diplomatique de la direction palestinienne sous le leadership de Mahmoud Abbas comparé à l’époque de Yasser Arafat et bien sûr la stratégie soutenue de la part d’Israël à écarter la question palestinienne de l’actualité internationale et à l’isoler de sa dimension arabe. Mais cette stratégie est vouée à l’échec à moyen et à long terme, car la question palestinienne est le centre de gravité de tout projet de paix durable au Moyen-Orient.
Taoufik Ayadi
Consultant et formateur indépendant en géopolitique et stratégie
Capitaine de vaisseau major (r)