Tunisie - Covid-19 : Comment se protéger des effets anxiogènes du confinement
Par Ridha Bergaoui - Devant la situation sanitaire grave dans laquelle se trouve la Tunisie suite à la pandémie de la covid-19, le gouvernement vient de décider, pour la semaine allant du 9 au 16 mai, l’arrêt du travail et le confinement général. Cette période du confinement correspond également à la fin du mois de Ramadan et les fêtes de l’Aïd.
Le confinement limite nos libertés
L’arrêt du travail, en l’absence de tout soutien social prévu par l’Etat aux secteurs touchés par le confinement général (autres que sécuritaire, sanitaire et alimentaire), le confinement a des conséquences économiques et sociales graves. De nombreuses personnes, qui travaillent dans le privé et dans le secteur informel, vont se retrouver au chômage forcé et privés de leur source de revenu. En cette période de fêtes où les dépenses familiales sont importantes (habillement, gâteaux, jouets…), le manque de revenu, surtout pour les familles défavorisées et nécessiteuses qui ne disposent pas d’épargne, pourrait être tragique.
L’interdiction des déplacements interrégionaux va priver les gens de se retrouver et passer, comme chaque année, la fête de l’Aïd en famille, de revoir leurs proches et profiter de cette ambiance festive particulière aussi bien pour les grands que les petits. Cette privation va entrainer un sentiment de frustration et de tristesse.
Tristesse également de se voir privé de ses libertés de déplacements, de ne pas sortir et d’être obligé de rester enfermé chez soi.
Finalement, le confinement entraine trois privations : la privation de travailler et d’avoir des ressources pour vivre, privation de fêter en famille l’Aïd et privation de se déplacer librement.
Une ambiance générale délétère et déprimante
Le confinement actuel imposé vient suite à un confinement antérieur, un long couvre feu et des mesures restrictives diverses dictées par les autorités depuis plus d’une année afin de lutter contre la covid-19.
Il vient également suite à une mauvaise gestion de la pandémie (manque de vaccins, retard et lenteur de la vaccination, saturation des structures hospitalières, menaces de manque d’oxygène et du personnel soignant…) en même temps qu’une crise économique grave avec un taux de chômage record, un manque de trésorerie publique et la difficulté de se faire prêter par les organismes financiers internationaux.
Il se superpose également à une crise politique grave avec des conflits des prérogatives et des pouvoirs entre les trois principaux responsables politiques du pays. L’ambiance politique générale est lamentable, partis et représentants de l’ARP sont rejetés par la population qui les accuse surtout d’œuvrer à s’enrichir et passer leurs intérêts personnels avant l’intérêt des citoyens et du pays.
Des conséquences de la décision du confinement
Sur le plan socio-économique, les conséquences se sont manifestés déjà dés l’annonce du confinement. Nombreuses organisations ont déclaré le rejet de la décision et la désobéissance. Des protestations se sont déclarées dans plusieurs régions contre la fermeture des marchés. De nombreux commerces autres qu’alimentaires sont ouverts et des nombreux magasins de certains métiers ont continué à travailler. La circulation dans les rues ne s’est pas arrêtée. Taxis, louages et taxis collectifs sillonnent les routes comme avant, des voitures privées également.
Cette tendance à la désobéissance est d’autant plus grave que le citoyen ressent le sentiment de ras-le-bol, d’injustice et d’inégalité des chances. En effet dans toutes les décisions prises par le gouvernement, c’est surtout les plus démunis qui en subissent les conséquences. La folle envolée des prix et la détérioration sensible du pouvoir d’achat du citoyen est flagrante.
Deux indicateurs importants sont révélateurs de cette situation de moins en moins supportable. D’une part un taux de pauvreté de 21% de la population. D’autre part le Tunisien est parmi les citoyens les plus malheureux du monde. La Tunisie se classe à la 128éme position sur 153 pays dans le rapport sur le bonheur de l’OCDE, 2020.
Pour un confinement moins anxiogène
Durant ce confinement, il y a ceux qui continueront à travailler de chez eux grâce à Internet (télétravail) et ceux qui suivront leurs cours à distance. Ceux qui sont à la recherche d’emploi, vont continuer à le faire à distance en rafraichissant leur CV, envoyer des lettres de motivation… Pour ces gens, le confinement ne change pas beaucoup de leurs habitudes.
Pour tous les autres, surtout ceux qui sont habitués à une vie active et une mobilité quotidienne importante, passer toute une semaine à la maison, n’est ni facile ni agréable. Le confinement risque d’être source de tension, de stress, d’agressivité et de violences. Pour s’en sortir au moindre frais, il faut savoir gérer d’une part tout ce temps libre et d’autre la cohabitation en famille.
Ne rien faire, dormir et se lever tard et passer la journée en pyjama ne sera pas le bon choix. S’accrocher à son Smartphone des heures pour suivre l’actualité, regarder des vidéos et discuter sur les réseaux sociaux n’est pas non plus la bonne solution pour profiter de cette pose que représente le confinement.
S’occuper utilement et faire tout ce qu’on avait mis en stand-by serait plus bénéfique à tous points de vue. Parmi les activités intéressantes qu’on peut pratiquer durant ce confinement:
• Cuisiner, préparer des gâteaux et essayer de nouvelles recettes
• Faire du jardinage, si on dispose d’un petit espace
• Bricoler, réparer et faire de petits entretiens
• Faire de la couture, du crochet…
• Faire le tri dans sa garde-robe, la cuisine, la cave
• Lire des livres, voir des films, écouter de la bonne musique
• Jouer avec les enfants et toute la famille des jeux de société
Enfin, le confinement ne veut pas dire se couper du reste du monde. Les nouvelles technologies permettent aujourd’hui d’entrer en contact avec nos amis, parents et proches et d’avoir de leurs nouvelles.
Apprendre à s’écouter et se reconstruire
Le confinement est une occasion pour méditer, réfléchir, prendre le temps de s’écouter, se reposer et se reconstruire. De nos jours, on n’a pas le temps de s’ennuyer et de réfléchir. Le travail, les déplacements, les commissions, et s’occuper des enfants… ne nous laissent pas de temps libre. Dés qu’on a un moment pour soi, on se jette sur Internet et particulièrement les réseaux sociaux, pour y passer parfois des heures à regarder, commenter, envoyer des messages et même discuter avis des amis.
Le confinement représente un moment d’arrêt dont on peut profiter pour réfléchir à sa situation, voir ce qui va et ce qui va moins bien et envisager les possibilités pour l’avenir afin de repartir sur de bonnes bases et améliorer sa situation professionnelle, familiale ou sociale.
Laisser vagabonder librement notre esprit permet de renouveler notre façon de penser, de prendre du recul et de nous recentrer sur nous même.
Rester positif pour supporter le stress
Le confinement est à l’origine de stress, d’agressivité et de violences. Cet état est nuisible pour la santé. Il augmente la sécrétion des hormones du stress, les risques des accidents cardiovasculaires et favorise les énergies négatives et la déprime.
Pour surmonter le stress il faut surtout rester positif et relativiser. Internet est plein de pages pour apprendre à être positif. Il est important surtout de :
• Fuir les médias, réseaux sociaux et éviter de coller aux mauvaises nouvelles
• S’éloigner autant que possible des personnes négatives et arrêter de se plaindre
• Apprécier les petits moments de bonheur seul ou en famille
• Passer le plus de temps avec ses parents et proches et ceux qu’on aime, le bonheur est plus accessible en groupe
• Apprendre à être positif, développer ses qualités et remédier à ses défauts.
Conclusion
Le confinement peut avoir des conséquences, socio-économiques et psychologiques, graves. C’est un stress supplémentaire qui s’ajoute à ceux que nous sommes en train de vivre au quotidien ces dernières années suite à l’accumulation de crises multiples : politique, économique, sanitaire...
Se plaindre, gémir et colporter les mauvaises nouvelles ne fait que nous démoraliser encore plus et nous mener à la dépression. La solution c’est s’occuper par des activités utiles et intéressantes, relativiser et rester positif. On peut profiter également pour nous mettre en cause, réfléchir et prendre des décisions pour l’avenir.
Certains prétendent que nous sommes tous égaux devant le bonheur et que pour être heureux il suffit de le vouloir. Sans nous lancer dans les théories du bonheur, nous pouvons toutefois affirmer que le bonheur ce sont les petits moments du quotidien qui nous font plaisir. Ces moments sont nombreux mais la plupart d’entre nous n’y prêtent pas attention et se focalisent sur les mauvais moments de la journée. Pour être heureux, nous devons nous habituer, malgré nos tracas et nos soucis matériels quotidiens, à voir le verre à moitié plein et non à moitié vide.
Ridha Bergaoui
Professeur universitaire