News - 11.04.2021

Mohamed Ennaceur et le combat constant pour une République sociale volontariste et consensuelle (Vidéo et Album photos)

Mohamed Ennaceur et le combat constant pour une République sociale volontariste et consensuelle

Par Hatem Kotrane. Professeur émérite à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis.

1. La Tunisie a-t-elle sacrifié son modèle social depuis l’avènement de la deuxième République? Quel sens peut-on encore donner aujourd’hui aux valeurs de solidarité, de justice sociale, de négociation collective, de contrat social en somme, si ancrées dans  l’œuvre menée par Si Mohamed Ennaceur durant près d’un demi-siècle aux plus hautes  responsabilités au service de l’Etat, qui sont ouvertement proclamées dans le Préambule et aux articles 12, 35, 36 et 40 de la Constitution du 27 janvier 2014  et qui trouvent pourtant des difficultés à être réinscrites, aujourd’hui, dans la réalité ? 

2. L’interrogation est légitime et traverse l’ouvrage «Deux République, une Tunisie» où l’illustre auteur – et néanmoins ami –  nous rappelle que la 1ère République et sa Constitution du 1er juin 1959, alors même qu’elle a été marquée par cinquante-cinq ans de régimes pour le moins personnels, qui ont gouverné la Tunisie, lui aura tout de même permis de bénéficier d’une relative stabilité grâce surtout à une politique sociale que Si Mohamed Ennaceur a largement contribué à défendre et à mettre en place, aux différentes responsabilités qu’il a assumées, et qui a toujours présenté la caractéristique d’une politique assez volontariste, marquée par les phases d’interventionnisme de l’Etat qui ont influencé durablement la législation comme l’attitude des différents acteurs.

3. Volontariste, la politique sociale a vite été surtout – et c’est sa seconde caractéristique – une politique consensuelle, de dialogue social. Si Mohamed Ennaceur nous rappelle sur ce point qu’il a été justement nommé, sur proposition de Feu Hédi Nouira, ministre des Affaires sociales à partir du 14 janvier 1974 en vue de mettre en œuvre la nouvelle politique contractuelle amorcée par l’adoption de la Convention collective cadre, signée à Tunis le 20 mars 1973 entre le Gouvernement, l'Union Générale Tunisienne du Travail et l’Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat et qui a été, vite, relayée par des conventions collectives nationales sectorielles couvrant la plupart des activités du secteur productif, avec un rôle souvent actif de l’Etat amenant les partenaires sociaux à la conclusion d’un Pacte social tendant à réaliser une sorte d’équilibre entre des intérêts parfois nécessairement divergents.

4. Voilà l’œuvre constante de Si Mohamed Ennaceur comme ministre des Affaires sociales, œuvre entre temps mise en veilleuse suite  à la dégradation du climat politique et social et à sa démission, le 25 décembre 1977, un mois avant les tristes évènements du 26 janvier 1978. Mais œuvre qui sera reprise plus tard  à la suite de sa nomination, le 7 novembre 1979, au même poste de ministre des Affaires sociales, marquant l’amorce d’une certaine décrispation politique et d’une reprise de la politique sociale.

5. Mais c’est surtout cette même foi en la politique consensuelle qui amènera, plus tard, Si Mohamed Ennaceur à jouer un rôle actif comme premier Président à exercer à plein temps à la tête du Conseil économique et social depuis octobre 1985, à fonder, presque aussitôt après, l’Association tunisienne de droit social et, surtout, à occuper, bien plus tard, presque 25 ans après et à nouveau,  pour la 3ème fois, ce même poste de ministre des Affaires sociales.

Fait tout à fait insolite et exceptionnel, marquant le lien entre deux Républiques et, surtout, cette même foi en une seule Tunisie, tout autant sociale et consensuelle que Si Mohamed Ennaceur marquera de son empreinte en jouant un rôle pionnier lors de la signature du nouveau contrat social entre le Gouvernement, l’UTICA et l’UGTT, le 14 janvier 2013 au siège de l’Assemblée nationale constituante, comportant, parmi ses cinq principaux axes, un axe intitulé «l’institutionnalisation du dialogue social tripartite», finalement mis en place à la faveur de l’adoption par l’Assemblée des représentants du peuple, dont il était par la suite élu Président, de la loi n° 2017-54 du 24 juillet 2017 portant création du Conseil national du dialogue social et dont le fondement essentiel est de redynamiser le dialogue social et de redonner, ainsi, un sens réel et tangible à la démocratie et aux droits de l’homme, jusque-là contournés dans le champ politique et qui gagneraient en réalité à être étendus aux domaines économique et social, dimensions vitales de l’activité humaine ! 

6. Puissions-nous alors perpétuer l’œuvre d’un homme d’Etat, d’un grand serviteur de la cause des droits de l’homme au plan national et international,  qui a très tôt saisi toute l’importance de l’engagement social, en vue d’institutionnaliser le dialogue social dont la réussite dépend, aujourd’hui plus que naguère, de sa capacité à intégrer en son sein tous les acteurs économiques et sociaux, à endiguer les conflits sociaux et à permettre, surtout, à la jeunesse de ce pays de réinscrire la Tunisie unie, solidaire, sociale  et résolument tournée vers la modernité, éternellement dans sa confiance !

Deux Républiques, une Tunisie
de Mohamed Ennaceur
Editions Leaders, mars 2021, 684 pages, 88 photos, 38 DT
En librairies et sur
www.leadersbooks.com.tn

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Hatem Kotrane
Professeur émérite à la Faculté des sciences juridiques,
politiques et sociales de Tunis.

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