Hommage a un soldat hors normes: le général Youssef Baraket, ancien chef d’Etat-major et Général des forces armées tunisiennes
Par Colonel(r) Mohamed Kasdallah - La grandeur d’une nation se mesure au respect qu’elle porte aux siens et la façon dont elle les accompagne lorsqu’ils disparaissent, consciente pourtant, qu’ils ne seront plus là pour lui imposer de s’incliner face à la force qu’ils inspirent. Lorsqu’un hommage fédère des centaines de personnes dans l’émotion et la reconnaissance, que les âmes se mettent en berne le temps d’un adieu, les choses prennent tout leur sens et on dit d’un pays qu’il vient de faire une démonstration de sa grandeur.
Cette réflexion m’a été inspirée par la disparition d’un des bâtisseurs de l’Armée Nationale et l’un de ses plus hauts gradés: Le Général de Corps d’Armée Youssef Baraket, décédé et enterré le 04 avril 2021 dans l’indifférence totale des têtes qui nous gouvernent particulièrement Le Commandant suprême des forces armées. Quant aux médias du pays, ils n’ont pas pipé mot; la mort d’un militaire fut-il de haut rang constitue le cadet de leurs soucis. Pourtant, la disparition de cet illustre Officier c’est un pan de l’histoire de notre armée qui s’écroule.
En rendant ici un hommage à ce grand patriote, je veux rendre hommage au tunisien authentique d’hier qu’il incarne et à la Tunisie de demain qu’il aurait peut-être contribué à inspirer car je souhaite de tout cœur que les nouvelles générations prennent exemple sur lui, sur les valeurs qu’il a incarnées, portées et défendues au détriment de l’intérêt personnel plutôt que sur la racaille qui nous a souvent dirigés.
Ce qui captive chez le défunt c’est l’homme lui-même, son ressenti des choses, sa modestie, sa droiture et ses qualités qui ont toujours été associées à la rigueur et à la discipline. Lors d’un témoignage – débat organisé en 2016 au siège de l’Association des Anciens Officiers de l’Armée et évoquant les évènements qui ont eu lieu dans la nuit du 06 au 07 novembre 1987, il a insisté sur la primauté du civil sur le militaire et sur la loyauté de l’armée envers la nation. Pendant cette nuit –là, il a été contraint d’accompagner lui-même, alors chef d’état-major de l’armée de terre, le régiment de chars qui était en manœuvre jusqu’à Menzel Jémil pour s’assurer de tout dérapage et éviter toute déviation du personnel.
Que peut-on en tirer? Ce témoignage nous a remués mais il a aussi stimulé nos réflexions sur nous-mêmes, notre sujet de toujours. Il nous a poussés à aller plus en avant dans l’explication autour de laquelle on tourne depuis soixante ans sans vouloir la saisir en entier. Il s’agit de notre raison d’être dans la société. Mais cela est une autre histoire.
Reste un regret, j’aurais aimé que le général aille au-delà du sept novembre et de nous parler de ce qu’il a vu, pensé et ressenti sous le règne de la présente classe politique. Je suis sûr que ce n’est pas pour cette Tunisie qu’il s’est sacrifié. Ce n’est pour elle que sont tombés ses frères d’armes et ce n’est pas elle qu’il veut montrer comme exemple.
Des hommes comme le Général Baraket, n’ont jamais recherché les honneurs et les cérémonies, ils les honnissent et ne souhaitent rien de plus que de passer le flambeau à la jeunesse tunisienne. Ils sont l’ADN du peuple tunisien auquel ils étaient fiers d’appartenir, humbles, dignes et patriotiques jusqu’à l’os. Leur seule raison d’être: servir la patrie et donner l’exemple aux générations suivantes afin d’achever ce qu’ils n’ont pas eu le temps à réaliser.
C’est à nos disparus et à ceux qui partiront sans être célébrés que je j’ai pensé en suivant l’adieu fait au Général Baraket.
Puisse la flamme transmise par le défunt, éclairer la marche des futures générations sur une longue route difficile au long de laquelle il ne sera pas offert de repos. Qu’elle symbolise aussi dans nos cœurs, l’honneur de notre métier d’officier et la fidélité à notre drapeau.
Que sa famille, qui est aussi la nôtre, reçoive ici mes hommages les plus sincères, mes condoléances les plus attristées et ma reconnaissance éternelle... . Allah Yarhmou
Colonel(r) Mohamed Kasdallah
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