Dr Chadli Dziri: Un respect particulier à mon "Maître", le Professeur Saaddedine Zmerli
Celui qui a beaucoup influencé ma carrière
Dans la famille des universitaires, il y a des professeurs parmi lesquels certains deviennent patrons, mais rares ceux qui sont reconnus comme maîtres. Un universitaire peut être les trois à la fois : professeur, patron et maître. Je partage l’avis de Jean Marie Hay, mentionné dans son éditorial paru dans le «Journal de Chirurgie», de décembre 1998, qui dit que le maître n’est pas simplement un instituteur. Le maître, comme chez l’artiste ou l’artisan, c’est le créateur, le compositeur, alors que le patron est plutôt l’interprète, l’organisateur. Le maître vous arme l’intellect pour penser l’avenir et le créer, c’est un véritable coach. Le patron insiste sur les réalisations immédiates et a tendance à figer l’avenir. Le maître a des rapports affectifs avec ses élèves, le patron a des rapports de «maître» à esclave. Se fâcher avec son patron, c’est une faute grave car on risque de mettre en péril sa carrière.
Le professeur Saadeddine Zmerli est un maître…. notre maître
Je ne ferai pas au Professeur Saadeddine Zmerli un hommage traditionnel en disant qu’il fut un grand patron, un grand maître dont la notoriété est nationale, maghrébine et internationale, qu’il avait l’habileté chirurgicale, qu’il a introduit en Algérie et en Tunisie l’endoscopie urologique et l’urodynamique, qu’Il fut avec ses collègues maghrébins l’un des fondateurs des premières journées médicales maghrébines qui eurent lieu à Casablanca en mai 1965 ou qu’il a réalisé le 6 juin 1986, la première greffe rénale qui a ouvert la porte à toutes les autres greffes d’organe. Tout cela est vrai, mais je voudrais mettre en exergue certains points forts qui ont retenu mon attention.
Comme étudiant sur les bancs de la faculté de Médecine de Tunis et avec tous mes amis, nous étions subjugués par ses cours magistraux où le message pédagogique était toujours pertinent, précis et clair, il passait avec élégance, charme et humour. L’amphithéâtre était plein, c’était un spectacle pédagogique animé par des anecdotes des sketches des scénarios certes fictifs mais ils servaient comme support pédagogique.
Je ne peux pas ne pas rappeler certaines comme l’histoire de Marius écrasé par une charrette qui lui a causé une contusion du rein avec hémorragie interne qui a été contrôlée par l’ablation chirurgicale du rein, Marius était sauvé de son hémorragie interne mais décéda trois jours après, l’autopsie avait révélé que Marius n’avait qu’un seul rein d’où il faut toujours vérifier la présence d’un deuxième rein fonctionnel.
Et l’histoire du néphrologue qui a suspecté un cancer du rein et s’est mis à demander des artériographies pour confirmer le diagnostic alors qu’il suffisait de faire une radiographie du thorax qui devait arrêter les frais car elle a montré des métastases pulmonaires en lâcher de ballon, ces anecdotes datent de 1974…
Dans mon cursus de chirurgien généraliste, j’ai fait un stage comme résident, du 1er octobre 1981 au 31 mars 1982, dans le service d’urologie qu’il dirigeait à l’hôpital Charles Nicolle. J’ai pu apprécier le professeur en salle d’opération quand il montrait une grande patience en nous aidant à acquérir de la dextérité manuelle. Je me rappelle toujours, notamment, de l’opération où il me tenait la main pour mener à bien l’ablation d’un adénome de la prostate.
Ses staffs étaient un lieu de rencontres scientifiques où les dossiers étaient analysés avec minutie et rigueur, le résident devait présenter l’observation oralement. Ses staffs offraient aux assistants qui se présentaient au concours d’agrégation l’occasion d’apprendre l’art de la communication orale. C’est ainsi qu’on voyait passer des Assistants Hospitalo-universitaires de différentes spécialités urologues, chirurgiens, anesthésistes réanimateurs voire cardiologues, quant à nous résidents, on apprenait l’art de transmettre un message pédagogique pertinent.
En septembre 1984, soit deux ans et demi après avoir quitté le service d’urologie, j’ai été assistant hospitalo-universitaire en chirurgie générale à l’hôpital universitaire de Menzel Bourguiba et je m’apprêtais à partir en France pour un stage de perfectionnement. Il a appris la nouvelle, il m’a convoqué dans son bureau et m’a remis une lettre de recommandation sans l’avoir sollicité au préalable car il connaissait le chef de service de mon terrain de stage (service de chirurgie générale de l’hôpital Henri Mondor Créteil – France). Cette lettre n’était que sa carte visite sur laquelle il a inscrit des mots, me concernant, que je n’ai jamais pu connaître jusqu’à ce jour. Cette lettre était de petite taille mais elle avait un effet important car je débarquais pour la 1ère fois dans un service parisien de chirurgie, je ne connaissais personne.
Le professeur Michel Julien, chef de service, certes m’a bien reçu, mais quand il a lu la lettre son accueil ilest devenu très chaleureux et s’est mis à se rappeler les bons souvenirs lorsqu’il était interne des hôpitaux de Paris avec son ami tunisien qu’il a appelé «Saadoun ». Il m’a dit «c’est bien, vous êtes l’élève de Zmerli » puis ajouta « Ah! C’était le bon vieux temps ». Ainsi, j’ai pu au cours de ce stage côtoyer les internes et les chefs de clinique du service et c’est alors que j’ai compris la qualité de la formation que nos maîtres de la faculté de médecine de Tunis nous ont réservée.
Qu’elles sont les trois choses essentielles qu’il vous a enseignées?
1. La rigueur
2. La dextérité manuelle
3. L’art de communiquer et d’enseigner
Quelles sont les qualités que vous recherchez dans votre équipe?
• Discipline
• Disponibilité
• Rigueur
Quelles sont les trois qualités principales que tout Patron devrait avoir?
1. Il doit être toujours à l’écoute
2. Il doit agir en tant Manager - Coach
3. Il doit être Pragmatique «Intérêt du malade prime»
En quelques mots, quels conseils avez-vous à donner pour un Patron afin qu’il soit une source d'inspiration pour ses disciples?
Il doit se comporter en tant que Maître.
Les Prises de décision médicale doivent toujours, quand cela est disponible, tenir compte des règles de la médecine basée sur les niveaux de preuves.
Dr Chadli Dziri, MD, FACS,