Exclusif – Ce dont Nizar Yaïche et Kais Saïed ont débattu pendant trois heures (Vidéo)
Les pronostics sont ouverts ? Pourquoi le président Kais Saïed a-t-il reçu mercredi après-midi l’ancien ministre des Finances, Nizar Yaïche et de quoi se sont-ils entretenus pendant près de trois heures ? De la reconstruction de la Tunisie, soufflent à Leaders des habitués du sérail. Depuis qu’il a quitté ses fonctions, en septembre dernier, Nizar Yaïche, très inquiet de la dégradation continue de la situation économique et financière, ne s’est pas croisé les bras. Edifié par les indicateurs réels qu’il connaît bien, et « frustré » de n’avoir pas pu faire aboutir ses projets, il s’est mis au travail pour esquisser un projet de sauvetage et de réformes. Ni programme de gouvernement, ni tremplin politique, mais des éléments de base à débattre, d’urgence, en dialogue national pour sceller un pacte national. C’est-à-dire, une démarche nationale portée, avec l’appui de Carthage, par l’UGTT, l’UTICA, l’UTAP, les Ordres nationaux, d’autres organisations et compositions de la société civile ainsi que des experts et des personnalités indépendantes.
En six mois, le dossier a été finalisé, avec le concours d’une centaine d’experts spécialisés consultés chacun dans son domaine et ensemble. Au total pas moins de 500 mesures, articulées autour de 25 axes, centrés sur l’économie, le social, la justice et les services publics, notamment, ont été préconisées. Elles couvrent une large panoplie de thématiques jusqu’à l’informel, le decashing, le système monétaire, l’économie de rente, l’implication du système bancaire, le transport et la logistique, le développement régional, l’économie sociale et solidaire, les douanes, le contrôle des prix, le rationnement et la compensation, l’e-justice, et l’épanouissement des jeunes...
Les 100 premières mesures, dans les 100 prochains jours...
Toutes ces mesures sont priorisées en trois niveaux : le niveau zéro, immédiat, comprend près de 100 mesures d’une extrême urgence dans les 100 prochains jours, ce qui enverra un message fort au FMI et à de nombreux bailleurs de fonds. Le deuxième niveau, est à six mois et le troisième se place à 2 ans, voire 3 ans au plus. L’ensemble émane en fait d’une vision d’ensemble qui embrasse les aspects géopolitiques, les nouveaux équilibres des forces dans le monde, le positionnement de la Tunisie dans le monde nouveau qui se recompose, avec ses alliances et ses flux d’échanges, l’ancrage avec l’Europe et l’implication en Afrique...
Le président Kais Saïed y a trouvé une riche matière à réflexion. Entouré de sa directrice de cabinet, Nadia Akacha et de son conseiller économique, Hassen Bendhief (ancien haut fonctionnaire à la Banque centrale), il a tenu à rentrer dans le détail, chapitre par chapitre. Cela devait lui prendre quasiment toute l’après-midi, mais il s’y était consacré, interrogeant Nizar Yaïche sur sa démarche, le bienfondé de chaque mesure et le calcul de son impact, les modes opératoires envisageables et les alternatives possibles.
Une plateforme en intelligence artificielle
La deuxième séquence sera réservée à la mise en débat de cet avant-projet. Soucieux d’élargir la participation des Tunisiens, notamment des jeunes, à l’enrichissement des idées avancées, Nizar Yaïche a pensé à la mise en place d’une plateforme digitale ouverte. Le concept repose sur la visite virtuelle, en 2D et demie, d’un salon d’idées et de projet, où les thématiques sont chapitrées en halls, pavillons, et stands exposant des mesures mises en débat. Le recours à l’intelligence artificielle permet une série de consultations instantanées. Il suffit de taper sur un mot clef pour obtenir des références utiles, aller directement au Journal officiel pour trouver les textes législatifs et réglementaires appropriés et autres liens.
Chaque visiteur peut y accéder dans la langue de sa préférence, en arabe ou en français, pour poser des questions, poster des commentaires, formuler des propositions. Cette plateforme, conçue par Nizar Yaïche, a été développée par deux sociétés tunisiennes qui se sont portées volontaires et bénévoles.
Actuellement, sur un point très avancé, elle sera livrée en code source aux services de la Présidence de la République qui assureront son déploiement et son administration.
Saïed trouve son compte... et son homme ?
Pareille application ne pouvait que recueillir la satisfaction du chef de l’Etat et son approbation. Elle réalise en effet sa volonté politique de marquer son magistère en talonnant le gouvernement et d’élargir le débat. Elle exprime en outre son intérêt pour le numérique et l’intelligence artificielle.
Mission accomplie, alors, pour Nizar Yaïche, maintenant qu’il a présenté son dossier et s’apprête à livrer la plateforme digitale ? Pas si sûr que ça. « La Tunisie a besoin de tous ses enfants, qu’ils soient en postes officiels de responsabilité, ou ailleurs », avait bien souligné Kais Saïed.