Hatem Kotrane: Vers une nouvelle gouvernance pour sauver la République
A l’impossible nul n’est tenu ! L'expression viendrait d'un adage juridique en latin : ad impossibile nemo tenetur.
Personne ne peut avoir l’obligation de réaliser un acte si celui-ci n’est pas réalisable.
Partant, d’éminents constitutionnalistes tunisiens, ont cru pouvoir en faire application pour venir en aide au Chef du Gouvernement, Hichem Mechichi, face aux difficultés engendrées par le Président de la République. Celui-ci avait refusé de donner effet au remaniement ministériel partiel ayant visé 11 ministres sur un ensemble de 25, auxquels confiance avait été pourtant aussitôt accordée la nuit de mardi 26 janvier par l’Assemblée des représentants du peuple, en dépit de l’avertissement du Président de la République qui, avait lors de la réunion du Conseil de sécurité nationale tenue la veille, insisté sur l’impossibilité pour certains ministres impliqués dans des affaires de corruption ou de conflit d’intérêt de prêter serment.
Le droit administratif pourrait ainsi venir vaincre l’inertie, voire l’obstination du Président de la République, refusant de permettre la passation de serment des ministres nouvellement nommés, alors que cette procédure selon nombre de ces constitutionnalistes ne relevait pas du pouvoir discrétionnaire du chef de l’Etat, mais d’ « une compétence liée », qui le placerait dans l’obligation de permettre l’accomplissement de cette formalité substantielle selon les termes exprès de l’article 89 de la Constitution.
Ainsi donc, l’on pourrait emprunter la voie suivie notamment par la jurisprudence en droit administratif comparé, où le juge a pu parfois considérer, compte tenu des circonstances de l'espèce, une décision comme non entachée de vice de procédure malgré l'inobservance de règles substantielles : c'est le cas si le manquement à la règle était en l'espèce insusceptible d'avoir eu une influence sur la décision prise si le respect des règles était en l'espèce impossible, ou si l'observation des règles était, en l'espèce, inutile si la procédure prescrite a été remplacée par une procédure au moins équivalente.
D’autres constitutionnalistes, notamment le professeur Amine Mahfoudh, cité par l’agence TAP, réfutent en bloc cette thèse de l’acte impossible qui peut servir en droit administratif mais qui n’aurait aucun droit de cité en droit constitutionnel ! Le serment prêté par les ministres devant le Président de la République “n’est pas une procédure formelle mais constitue bien une règle fondamentale”. Et devant le refus du Président de la République d’autoriser la passation du serment, aucun ministre nouvellement désigné et ayant acquis la confiance de l’ARP, ne pourra valablement être investi des fonctions de ministre sans avoir été nommé par le Président de la République et prêté serment devant lui. Aucune autre procédure ne pourra y suppléer.
L’acte impossible vaut dans toutes les matières de droit, y compris donc en droit constitutionnel!
Notre opinion, si nous pouvions nous autoriser à nous immiscer dans cette confrontation de thèses qui oppose si frontalement, une fois de plus, d’éminents collègues – et néanmoins amis – constitutionnalistes- serait de rappeler que ce débat n’est point l’apanage des juristes de droit constitutionnel ou ceux du droit administratif. Tous les juristes, notamment les civilistes et autres juristes de droit privé – comme le rédacteur de ces quelques lignes – connaissent la règle inscrite à l’article 64 du Code des obligations et des contrats qui garantit qu’aucune des parties liées par un contrat ne peut être obligée d’exécuter une prestation impossible : « Est nulle l'obligation qui a pour objet une chose ou un fait impossible, physiquement ou en vertu de la loi. ».
Les historiens du droit remonteront à bien plus loin dans l’histoire pour rappeler que la thèse de l’acte ou du fait impossible constitue une règle générale de droit et appartiendrait au domaine de la théologie et de la philosophie. Saint Thomas d’Aquin (v. 1224-1274) utilisait souvent la locution dans ses œuvres et sous sa forme latine: Nullus tenetur ad impossibile (Nul n’est tenu à l’impossible).
L’acte impossible ne peut être soulevé en cas de responsabilité directe de celui qui s’en prévaut !
Une des règles d’or de la théorie de l’impossibilité est qu’elle est incompatible avec l’idée de faute ou de responsabilité de celui qui s’en prévaut ! Ainsi, en est-il, par exemple, de la force majeure par laquelle une personne demande à être exonérée de sa responsabilité en invoquant la survenance d’un fait imprévisible, insurmontable et extérieur à sa volonté. Mais, en la circonstance, comme le prévoit l’article 283 du Code des obligations et des contrats : « N'est point considérée comme force majeure la cause qu'il était possible d'éviter, si le débiteur ne justifie qu'il a déployé toute diligence pour s'en prémunir. N'est pas également considérée comme force majeure la cause qui a été occasionnée par une faute précédente du débiteur. ».
Ramenée au débat qui divise au plus haut sommet de l’Etat, la question est alors de savoir si le Chef du Gouvernement est en mesure de se prévaloir, lui-même, de la thèse de l’impossibilité pour soustraire ses ministres à la procédure de passation du serment. A-t-il lui-même accompli tout ce qu’il fallait pour se prémunir de la réaction du Président de la République, alors que ce dernier l’avait publiquement prévenu et préalablement informé de son opposition totale à la nomination de personnes suspectées dans des affaires de corruption ou de conflit d’intérêts. La réaction du Président de la République – quelle que soit par ailleurs sa pertinence ou sa conformité aux prérogatives qui lui sont reconnues par la Constitution – est du même coup une réaction prévisible, attendue, ce qui contredit toute référence à la thèse de l’impossibilité. Si on ajoute à cela que les difficultés rencontrées ne sont pas tout à fait insurmontables ni extérieures à la volonté du Chef du Gouvernement, on saisit à quels points on est en dehors de la thèse de la force majeure, ni même de l’acte impossible !
Un débat rendu compliqué par la surenchère doctrinale, exploitée à des fins de ralliement politique!
Comment pallier cette situation, celles d’un conflit d’avis juridiques entre les plus éminents constitutionnalistes, qui ne s’opère plus dans les cercles scientifiques des Facultés de droit et des associations académiques, mais qui est exposé, non sans récupération politique, par les ténors du conflit de leadership au plus haut sommet de l’Etat eux-mêmes, au risque de réduire la portée de l’une des recommandations les plus intéressantes, avancée hier par mon collègue et néanmoins ami, le professeur Slim Laghmani, celle d’une instance arbitrale qui serait spécialement créée pour résoudre ce conflit d’interprétation constitutionnelle. « Il y a bien des arbitrages entre Etats pourquoi n’y aurait-il pas d’arbitrage pour régler un litige entre des pouvoirs constitués ?».
La difficulté, toute la difficulté, est que la plupart des éminents professeurs de droit constitutionnel ont déjà été mêlés par l’une des deux parties au conflit, le Chef de l’Etat et le Chef du Gouvernement. Comment, dans ces conditions, pourront-ils être proposés comme arbitres parties, alors que l’un des principes majeurs en matière d’arbitrage, tant en droit privé qu’en droit public, est que l’arbitre ne doit pas avoir déjà été sollicitée par l’une des parties au conflit, sans quoi il risquerait d’être l’objet d’une récusation pour manquement au devoir d’impartialité, d’objectivité ?
Le chef de l’Etat n’a-t-il pas déjà annoncé sa position sur ce point ? Intervenant hier devant des députés choisis par lui-même et qui, pour la plupart, lui sont publiquement acquis, Kaïs Saïed a affirmé : « Je ne suis pas là pour interpréter les rêves de certains ou pour expliquer les songes d’autres. L’ignorance est un grave problème, notamment, pour ceux qui prétendent le savoir. A ces gens-là je dis : le peuple est face à vous, et j’en fais partie, la Constitution est derrière vous, et je veille à son application, où est donc l’échappatoire !». (Il reprend une fameuse expression du stratège militaire omeyyade Tarek Ibn Ziad qui a joué un rôle important dans la conquête de l’Espagne).
Et le chef de l’Etat d’ajouter que si certains veulent l’affronter en matières de loi, ils n’ont qu’à le faire en présentant leurs arguments précisant tout de même que le président de la République est le seul habilité à trancher sur les articles de la loi.
Soit ! En l’absence d’une Cour constitutionnelle, le Président de la République est bien celui qui « veille au respect de la Constitution» (Article 72 de la Constitution). Mais a-t-il le monopole de l’interprétation, alors que le pays regorge d’éminents constitutionnalistes qui, pour la plupart, sont dotés d’une grande autorité scientifique ! Et puis, déjà, le Président-enseignant de droit constitutionnel ne se trompe-t-il pas lorsqu’il prétend que « …le conflit concerne la prestation de serment. Il ne s’agit pas d’une simple procédure. Il suffit d’examiner le fond du serment. Mes reproches concernent d’abord le passage devant le Parlement, puisque le règlement intérieur de l’assemblée ne s’élève pas au rang d’une loi… ».
Ce faisant, Kaïs Saïed, à l’instar du professeur Amine Mahfoudh qui nie toute valeur constitutionnelle au règlement intérieur de l’ARP, passe sous silence l’article 97 de la Constitution, dans son dernier alinéa, selon lequel : « L’Assemblée des représentants du peuple peut retirer sa confiance à l’un des membres du Gouvernement, suite à une demande motivée, présentée au président de l’Assemblée par un tiers au moins des membres. Le retrait de confiance a lieu à la majorité absolue. ».
Comment, dans ces conditions, l’ARP peut-elle retirer sa confiance à l’un des ministres avant de la lui avoir accordée préalablement ? Le principe du parallélisme des formes et des procédures n’implique-t-il pas que le passage par l’ARP des nouveaux ministres concernés par le remaniement ministériel partiel soit, du même coup, rendu obligatoire et que le Règlement intérieur de l’ARP trouve, ici, un sens réel, comme source subsidiaire, pour donner une application utile aux dispositions de la Constitution elle-même ?
Un débat essentiellement politique
Il est de notoriété qu’un système politique se structure autour de plusieurs phénomènes. S’il connait des difficultés, une crise au plus haut sommet de l’Etat, le droit – dans toutes ses branches – y tient-il une place et laquelle ? Sauf erreur, le système politique se structure sur autre chose que la production du droit ou sa non production.
La crise au plus haut sommet de l’Etat est bien politique et le droit – et les juristes y mêlés - n’ont fait qu’exaspérer sa teneur essentiellement idéologique, voire politicienne.
Elle nous rappelle les propos développés dans un article paru au journal La Presse du 27 mai 2018, intitulé « La Tunisie si difficile à gouverner ?» où l’auteur de ces lignes avait alors rappelé que la Constitution du 1er juin 1959, alors même qu’elle a été jugée responsable de cinquante-cinq ans de régimes personnels qui ont gouverné la Tunisie, lui aura tout de même permis de bénéficier d’une relative stabilité.
Or, depuis la révolution, les nouveaux acteurs politiques n'ont cessé de se méfier et continuent à l'être tellement les uns des autres qu’ils ont fini par mettre tous les obstacles pour éviter que l’un d’entre eux puisse véritablement gouverner.
La nouvelle Constitution elle-même y est, certes, pour beaucoup en partageant le pouvoir exécutif entre le Président de la République et le Chef du Gouvernement, à qui il est confié l’essentiel des tâches et prérogatives qui relevaient quasi-exclusivement, sous la Constitution de 1959, du Président de la République, y compris celle de déterminer la politique générale de l’État et de veiller à sa mise en œuvre, la présidence du Conseil des ministres — sauf dans les domaines de la défense, des relations extérieures et de la sécurité nationale —, la cessation de fonction d’un ou de plusieurs membres du gouvernement ou l’examen de sa démission — en concertation avec le président de la République en ce qui concerne le ministre des Affaires étrangères ou le ministre de la Défense —, la création, la modification ou la suppression des établissements publics et d’entreprises publiques et services administratifs, ainsi que la détermination de leurs compétences et de leurs attributions (Articles 91 à 94 de la Constitution).
Quant à la cessation des fonctions du Gouvernement, elle est normalement provoquée soit par sa démission présentée par écrit par le Chef du Gouvernement au Président de la République qui en informe le Président de l’Assemblée des Représentants du Peuple, soit par suite de l’initiative du Chef du Gouvernement demandant à l’Assemblée des Représentants du Peuple un vote de confiance sur la poursuite de l’action du gouvernement, soit par suite d’une motion de censure, votée contre le gouvernement, suite à une demande motivée, présentée au Président de l’Assemblée des Représentants du Peuple par au moins le tiers de ses membres et requérant l’approbation de la majorité absolue des membres de l’Assemblée (Articles 97 et 98 de la Constitution).
Voilà un système qui se voulait cohérent, garantissant un équilibre apparent entre les différents pouvoirs par l’aménagement de conditions strictes de remise en cause de la stabilité des institutions, y compris le Gouvernement.
Comment en est-on arrivé à un système où les deux plus hautes instances du pouvoir exécutif mènent un conflit de leadership, devenu quasi insoluble au point se remettre en question la Constitution de la « IIe République » et montre pourquoi l’instabilité gouvernementale en est la principale tare avec toutes les conséquences graves pour la gouvernance de la Tunisie.
Comment en est-on arrivé à un système où les ambitions et les rivalités de personnes conduisent, au surplus, à un émiettement continu des partis politiques : pour accéder au pouvoir exécutif, il ne sera pas nécessaire d’arriver à la tête d’une grande formation politique mais de jouer sur ses réseaux en recourant à l'intrigue !
Comment pallier cette situation?
Comment pallier cette situation, celles d’un conflit de leadership au plus haut sommet de l’Etat, comme nous l’écrivions dans un précédent article publié par Leaders du 9 octobre 2020, où les pouvoirs du Chef du Gouvernement sont contestés par le Président de la République qui l’a pourtant choisi ?
Comment expliquer autant de contradictions et, surtout, y pallier afin d’avoir des institutions constitutionnelles fortes, mais tout autant intimement soudées, en mesure de gouverner de façon complémentaire et harmonieuse, surtout en ces moments où la Tunisie reste plongée dans une anomie sociale, suite à la pandémie du « COVID-19 » qui aggrave, jour après jour, une situation économique désastreuse qui appellerait pourtant les tunisiens et à leur tête leurs gouvernants à faire montre d’unité et de solidarité ?
Car, nous ne le répéterons jamais assez, les Tunisiens ne peuvent plus supporter :
• De voir leur pays sombrer dans les ténèbres avec l’aval de toutes les hautes instances de l’Etat dont l’histoire retiendra probablement, de leurs manœuvres et pratiques de gouvernance, qu’elles n’auront finalement servi ni la République ni les valeurs proclamées par la Constitution ;
• L’attitude de bon nombre d’acteurs politiques et de figures indignes de la confiance, tant au niveau du Gouvernement que de l’Assemblée des Représentants du Peuple, qui donnent un exemple, jour après jour, de ce que la malhonnêteté et l’indécence peuvent faire de pire à la politique et dont le comportement, face aux risques majeurs qui guettent le pays, leur vaudra probablement, aux prochaines échéances électorales, voire même avant, solde de tout compte ;
• L’impact, surtout, de tant d’incertitudes sur la jeunesse de ce pays qui continue à être abusée par tant de figures qui ne constituent pas précisément un exemple !
Une nouvelle gouvernance pour sauver la République!
Comment résoudre ce conflit de leadership au sommet de l’Etat et faire cesser ces manœuvres et pratiques de gouvernance aussi nuisibles que chèrement payées sans pour autant suivre la voie d’extrémistes appelant à renverser la République au profit d’une nouvelle dictature ?
La voie constitutionnelle est-elle encore possible dans l’état actuel de la Constitution?
L’initiative de la révision de la Constitution, qu’elle émane du Président de la République ou du tiers des membres de l’Assemblée des représentants du peuple (Article 143 de la Constitution), doit obligatoirement être soumise, outre la Cour constitutionnelle –en l’état encore inexistante–, à l’Assemblée des représentants du peuple qui l’examine en vue d’approuver à la majorité absolue, d’abord le principe de la révision elle-même, pour passer ensuite à son adoption à la majorité des deux tiers des membres, étant rappelé que le Président de la République peut, après approbation des deux tiers des membres de l’Assemblée, soumettre la révision au référendum; la révision étant alors adoptée à la majorité des votants (Article 144 de la Constitution).
On mesure la difficulté de parvenir à une révision constitutionnelle pourtant rendue plus que jamais nécessaire en vue de mettre en place une nouvelle gouvernance plus cohérente, impliquant notamment une meilleure coordination des actions des autorités chargées du pouvoir exécutif, à savoir le Président de la République et le Chef du Gouvernement!
L’article 80 de la Constitution sur l’état de péril imminent : une voie infructueuse et inappropriée !
L’autre voie constitutionnelle, que d’aucuns seraient enclins à appeler à mettre en œuvre en recourant à l’article 80 de la Constitution, est tout aussi infructueuse. En effet, et à supposer que la Tunisie serait entrée dans un « état de péril imminent menaçant la Nation ou la sécurité ou l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics », les possibilités ouvertes au Chef de l’Etat s’avèrent tout à fait limitées. Indépendamment des difficultés liées à l’absence de la Cour constitutionnelle dont l’information est requise en de pareilles circonstances, le recours à l’article 80 précité apparait tout à fait inapproprié, car même si le Chef de l’Etat est expressément habilité ainsi à adopter des mesures qu’impose l’état d’exception portant, entre autres, suspension du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, ces mesures qu’impose l’état d’exception requièrent la consultation préalable du Chef du Gouvernement et du Président de l’Assemblée des Représentants du Peuple et doivent elles-mêmes avoir pour objectif de garantir, dans les plus brefs délais, le retour au fonctionnement régulier des pouvoirs publics, sans égard au fait que durant cette période, « l’Assemblée des représentants du peuple est considérée en état de session permanente… » !
Une seule et dernière voie resterait alors possible! Restaurer le prestige de l’Etat en vue du bien-être social
Sauf à espérer une nouvelle révolution réellement populaire, permettant au peuple de reprendre l’initiative de son destin et de donner un exemple de ce qu’il peut faire de mieux pour défendre, dans l’unité, ses aspirations à la liberté, au développement et à la dignité, une seule et dernière voie reste alors possible, celle où le Président de la République, Chef de l’Etat et symbole de son unité, tenu de garantir son indépendance et sa continuité (Article 72 précité de la Constitution), prend lui-même conscience de l’ampleur de la difficulté créée par cette même Constitution et décide, après consultation des forces vives de la Nation, y compris les partis politiques, les organisations nationales au premier rang desquelles les organisations syndicales représentatives des travailleurs et des employeurs, les instances nationales indépendantes, les organisations de défense des droits de l’homme et à leur tête la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme, les organisations des enfants et des jeunes – à qui l’avenir appartient – de convoquer lui-même un Dialogue national en vue de sauver l’essence même de la République et de son texte fondateur.
D’aucuns y verraient un coup d'État ! Or, il n’en est rien ! Il ne s’agirait point d’un renversement du pouvoir par une personne investie d'une autorité, de façon illégale et brutale. Un Président de la République, de surcroît lorsqu’il a été élu à plus de 70% des voix des électeurs à la dernière élection présidentielle, pourrait être enclin à répondre au devoir historique et impérieux lié à sa haute charge et emprunter des voies exceptionnelles, voire extraconstitutionnelles, permettant de sauver l’essence même de la République et de sa Constitution !
En est-il capable ? Qui d’autre est en mesure d’y pourvoir?
C’est pourtant la voie à suivre en vue de parvenir à :
• Restaurer les piliers de l’Etat et contrer toutes les tentatives de saper les principes de la République, établir un espace citoyen ouvert à tous pour protéger l’Etat et ses institutions de toutes les forces de l’extrémisme, de la corruption, du populisme et du corporatisme, et préparer une vision globale d’une politique de la République qui résiste au chaos et propose des stratégies et des programmes pour promouvoir l’Etat civil dans divers domaines et réformer les politiques et les institutions. Un espace qui intègre Toutes et Tous sans surenchère idéologique ni dépendance vis-à-vis des intérêts internes et externes.
• Construire une culture de politique démocratique participative visant à élever le statut de l’action politique en tant qu’engagement à changer la société, d’une société fondée sur l’ignorance, la privation et la marginalisation sociale et économique à une société visant à parvenir à l’inclusion sociale et au développement inclusif tout en défendant la souveraineté nationale et en protégeant les ressources naturelles du pays et l’environnement.
C’est, en tout cas, à ce prix que notre pays pourra, à la faveur d’un dialogue national responsable, sortir des ténèbres et que la jeunesse tunisienne pourra réinscrire éternellement la Tunisie dans sa confiance!
Hatem Kotrane
Professeur émérite à la Faculté des Sciences juridiques,
politiques et sociales de Tunis