News - 10.02.2021

Mikhail Ben Rabah: Les quatre impératifs de l’après Covid-19

Mikhail Ben Rabah: Les quatre impératifs de l’après Covid-19

Un jour, le fichu virus disparaîtra et fera partie de l’histoire. Toutefois, la plus grande erreur est de faire en sorte qu’il tombe aux oubliettes et retourner à la vie «normale» comme si de rien n’était. Seuls les états, les organisations et les individus qui en tireront les vraies leçons pourront espérer une convalescence et une relance économique et sociale. En effet, la pandémie disparue, il ne s’agit guère de retrouver le cours normal des choses mais d’instaurer une «nouvelle normalité» qui fera de nous des êtres et des entités plus résistants à tout genre d’événements désastreux. Il s’agit au fait d’un processus continu d’apprentissage et de capitalisation de connaissances et d’expérience pour accroître notre capacité à répondre, à se rétablir et à prospérer après une crise majeure (to respond, recover and thrive – en anglais).

Les recherches qui ont été menées depuis l’avènement de la pandémie ont recensé pas moins de quatre leçons à retenir et qui impliqueraient le lancement immédiat de grands chantiers de réforme. Certains s’y sont mis déjà bien avant la pandémie.

1. Un système performant de santé publique partout et en tout temps

La pandémie a démontré que la santé publique est l’affaire de tous les pays sans exception. Nous avons appris qu’un individu vivant dans l’endroit le plus reculé du monde et ayant attrapé un vilain virus pourrait contaminer toute la planète. Vous pouvez disposer d’un système de santé des plus performants du monde mais ceci n’empêcherait pas de subir les conséquences d’un système défaillant dans un pays lointain. Les systèmes de santé publique de tous les pays devraient être mis à niveau de sorte à pouvoir:

Détecter à temps la genèse d’une menace d’épidémie et y faire face rapidement et efficacement. Le retard accusé par le gouvernement chinois à admettre le risque d’une pandémie et les soupçons de manque de transparence quant à sa politique de communication avec l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ont aggravé la situation. La communauté internationale, via son dispositif organisationnel, devrait œuvrer à repenser les sanctions infligées aux gouvernements laxistes, non transparents et peu coopérants quand il s’agit d’affaires de santé. Au fait, il ne s’agit pas de redevabilité d’un état envers son peuple mais envers toute la population mondiale.

Prendre rapidement et efficacement en charge les franges les plus vulnérables de la population et mettre en œuvre à temps des plans d’urgence sanitaire.

Digitaliser le maximum de services ayant trait à la prise en charge des patients, le monitoring de tout le système d’information sanitaire, l’approvisionnement en médicaments et matériel de soins, etc.

L’OMS a un grand rôle dans ce chantier en facilitant d’une part le transfert de compétences en matière de gestion de crises sanitaires vers les pays encore à la traîne et en coordonnant la levée d’importants fonds pour appuyer la mise à niveau des systèmes de santé publique dans ces pays. Les bailleurs de fonds devraient ainsi repenser leurs priorités d’aides aux gouvernements. 

2. Une surveillance plus étroite de la chaîne alimentaire

Nous avons encore appris grâce à cette pandémie qu’une grande partie de ces maux planétaires trouvaient à l’origine dans des contacts suspects entre l’humain et l’animal. Et ces contacts sont surtout pour une finalité alimentaire. Quand des maillons de la chaîne alimentaire (chasse, élevage, abattage, circuits de distribution) échappent au contrôle vigilant des autorités compétentes, tout peut arriver. Il est donc indispensable de normaliser davantage la relation humain-animal dans toutes ses dimensions et d’instaurer un système de surveillance performant pour remédier à tout écart. Encore une fois, les pays ne se conformant pas à des règles strictes à cet égard pourraient encourir de lourdes sanctions internationales. Un laxisme provoquant une pandémie n’est-il pas plus grave que la fabrication ou la détentions d’armes de destruction massive ?

3. Des gouvernements plus agiles et anticipatifs

Une récente étude du géant mondial du conseil «Deloitte» intitulée «La réponse des gouvernements à la Covid-19: de la pandémie vers un futur meilleur» a évoqué de nouveaux impératifs pour les gouvernements afin qu’ils soient plus résistants à tout genre de crise future.

Des gouvernements plus agiles en adoptant une législation plus souple. Plusieurs états se sont trouvés prisonniers de leur propre législation pendant la pandémie et ont donc peiné à répondre rapidement aux besoins urgents en découlant. Chaque texte de loi, chaque teste réglementaire devrait désormais prévoir des dispositions spéciales à adopter en temps de crise. Certains pays ont par exemple prévu un dispositif spécialpour la passation des marchés publics ou encore la réaffectation rapide des agents publics vers les services vitaux. Des gouvernements plus agiles signifie aussi une digitalisation massive des processus de management et des services rendus au public.

Des gouvernements capables d’anticiper la survenue de crises ou d’événements qui risqueraient de mettre en péril la continuité de l’activité économique et sociale. Grâce aux technologies de pointe, notamment l’intelligence artificielle, il est désormais possible de simuler tout genre de scénario en se basant sur une multitude de données et de signes précurseurs. Anticiper c’est aussi répondre rapidement et efficacement.

Des gouvernements prêts à œuvrer ensemble. La pandémie nous a appris qu’il est parfois impossible d’œuvrer en solo. Les anglo-saxons appellent ça « execution by network »ce qui signifie que chaque gouvernement doit disposer d’un réseau d’experts (individus et/ou entités) en interne et en externe disponibles le jour « j » pour œuvrer ensemble afin de résoudre les problèmes rencontrés. Prenez l’exemple du vaccin. Les pays qui bénéficieront en premier de la potion magique ne sont pas forcément les plus riches mais plutôt ceux qui ont réussi à monter un système de réseautage efficace depuis les premières recherches sur le vaccin.

4. Un environnement du travail et un mode de vie différents

L’environnement du travail s’est métamorphosé durant la pandémie. Plusieurs organisations ont migré définitivement vers le télétravail et ont même abandonné leurs locaux physiques. Certes, une telle option semble radicale et non toujours rentable, voir même «inhumaine». Ce qu’il faut plutôt retenir c’est que chaque organisation doit être capable de s’adapter rapidement et de migrer vers le «tout-digital» par intermittence si nécessaire. Nos modes de vie seront aussi impactés à jamais en privilégiant la relation homme-machine et en évitant les grands rassemblements. L’enseignement à distance n’est plus aussi un phénomène de mode mais fait désormais partie de notre quotidien.

Il semble qu’ils (qui «ils» justement?) nous ont appris à fuir nos semblables et à être plus confortables en présence des machines que des humains. Ceci semble surréaliste mais ce futur qui se dessine devant nous n’a rien d’imaginaire ou de farfelu.

Mais qu’en est-il chez nous ? Même si beaucoup sont conscients de cette métamorphose que connait le monde, peu ou rien n’a été fait en Tunisie pour être au diapason du «Grand Changement». Il est temps de s’y mettre,faute de quoi on se trouvera à la marge d’un nouveau monde qui nous ne ressemblera pas.

Mikhail Ben Rabah - CIA, CFE, CRMA

Gestionnaire principal de l'audit gouvernemental
Chef de la division de l'évaluation
Contrôle général des services publics
Présidence du gouvernement

 

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