Un ouvrage collectif de témoignages et d'analyses : Tunisie Dix ans et dans Dix ans
Que faut-il retenir le plus des dix dernières années vécues par la Tunisie depuis le 14 janvier 2011 ? Quelle a été jusque-là notre pratique de la démocratie: simple succession d’élections ? Et comment devrions-nous nous rattraper au cours de la nouvelle décennie qui s’amorce ? Autant de questions débattues dans un nouveau livre intitulé : « Tunisie, Dix ans et dans Dix ans » paru aux éditions Leaders.
Ouvrage collectif sous la direction de Taoufik Habaieb, publié dans le cadre d'une initiative lancée par Leaders et la Konrad-Adenauer-Stiftung, il est préfacé par Hakim El Karoui. Le livre réunit vingt-quatre figures tunisiennes de premier plan qui se sont toutes investies dans cette transition démocratique, à différentes positions institutionnelles ou militantes. Parmi elles figurent notamment Mustapha Kamel Nabli, Yadh Ben Achour, Mustapha Ben Jaafar, Sophie Bessis, Emna Mnif, Selma Mabrouk, Fadhel Moussa, Yassine Brahim, Ahmed Ounaies, Abdelaziz Kacem, Hédi Bouraoui, Kamel Jendoubi, Ahmed Friaa, Abderrazak Zouari, Elyès Jouini, Anis Marrakchi, Fadhel Abdelkéfi, Riadh Zghal, Mohamed Nafti, Ridha Ben Mosbah, Khadija Moalla, Ouided Bouchamoui, et Mohamed Derbel.
« Dix ans après les semaines glorieuses qui se sont déroulées le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011, l’heure est au bilan mais aussi à la projection dans l’avenir, écrit Hakim El Karoui, en préface. C’est tout l’enjeu des témoignages recueillis dans ce livre, témoignages de responsables politiques nés de la Révolution, témoignages aussi de personnalités appelées demain à jouer un rôle majeur dans la Tunisie démocratique, libre et toujours debout, malgré les cicatrices économiques et sociales laissées par les difficultés institutionnelles, les blocages de l’administration, les difficultés à construire un espace de délibération démocratique et les errances humaines, trop humaines de certains responsables politiques. »
Tunisie, Dix ans et dans Dix ans
Ouvrage collectif sous la direction de Taoufik Habaieb
Editions Leaders, janvier 2021, 240 pages, 25 DT
Note de lecture
Une décennie de gâchée ? Le jugement serait excessif, injuste. L’attente était, certes, grande et multiple. La frustration, profonde et plurielle. La désillusion et le désespoir à l’affût. Loin d’être une promenade des sens dans les jardins parfumés de l’éden, le parcours d’une révolution s’accomplit, au mieux, en soubresauts traumatiques, s’attardant dans la durée. C’est là le coût de l’affranchissement, le prix de la démocratie. Mais l’essentiel, c’est la trajectoire. L’aboutissement. L’avenir.
Comment ne pas rater ne serait-ce qu’une seule journée de la nouvelle décennie post-2011 qui commence en Tunisie ? Cela suppose un bon aiguillage et une programmation thématique, dans le temps, d’une avancée consensuelle, les rangs serrés en toute cohésion, vers l’avenir choisi.
• Hakim El Karoui
• Fadhel Abdelkéfi
• Yadh Ben Achour
• Dr Mustapha Ben Jaafar
• Ridha Ben Mosbah
• Sophie Bessis
• Ouided Bouchamaoui
• Hédi Bouraoui
• Yassine Brahim
• Mohamed Derbel
• Ahmed Friaa
• Kamel Jendoubi
• Elyès Jouini
• Abdelaziz Kacem
• Selma Mabrouk
• Anis Marrakchi
• Emna Menif
• Khadija Taoufik Moalla
• Fadhel Moussa
• Mustapha Kamel Nabli
• Mohamed Nafti
• Ahmed Ounaïes
• Riadh Zghal
• Abderrazak Zouari
Pour pouvoir s’élancer, ce nouveau départ s’appuie, nécessairement, sur l’analyse de la séquence précédente. Dans son accélération imprévisible, l’histoire récente de la Tunisie est en effet à soumettre à un décryptage serein, sans parti pris, ni prisme déformant. Bien qu’il soit encore tôt d’en dresser le bilan, de premiers enseignements majeurs sont à retenir.
Cette lecture synthétique permettra de répondre à une série de questionnements. Est-ce bien une révolution que vit la Tunisie ? Où en sommes-nous au juste ? Avec quels enjeux et quels risques ? Quelles seront les prochaines convulsions ?
La question centrale est de savoir si la graine semée d’une promesse démocratique prendra dans le terreau et germera ? Unique lueur d’espoir aujourd’hui dans le monde arabe, la révolution tunisienne a été miraculeusement sauvée de l’avortement extérieur féroce, grâce à son effet de surprise qui avait pris tout le monde de court, et à son attachement au socle constitutionnel. Elle est préservée par son exigence de démocratie. Mais quelle démocratie ? A quelles conditions pour s’ancrer irréversiblement ?
Enseignements et mandat démocratique partagés autorisent à baliser la voie d’un futur tant voulu par les Tunisiens.
Les questions sociales, économiques et financières sont pressantes au quotidien. Dans un contexte très critique, profondément dégradé, obéré par la pandémie et ses suites, elles s’en trouvent exacerbées. Aucun début de solution cependant sans débats convergents à engager autour des problématiques stratégiques de fond.
La relation de la religion avec l’Etat, le financement de la vie publique, partis, associations et médias gouvernementaux, l’indépendance de la justice et de l’administration, l’avenir des entreprises publiques et la redistribution sociale des richesses viennent en première position de la liste. Suivent alors la réforme du système politique et l’affranchissement de l’Etat de toute mainmise.
Exposé à de graves fragilisations, l’Etat subit sans cesse l’assaut de ceux qui oeuvrent à sa déconstruction, s’attaquant à ses institutions, sapant ses fondamentaux, dénigrant ses symboles, reniant ses valeurs.
Il n’y a pas que le prestige de l’Etat qui est saccagé. C’est la cohésion sociale qu’on veut disloquer.
Une congrégation d’extrémistes religieux et de malfrats de tout acabit, associés à des populistes de divers horizons et à des nostalgiques exaltés, s’acharne pour capter le pouvoir. Persister dans l’illégalité, accumuler des richesses, protéger ses positions, échapper à la justice, s’imposer au-devant de la scène politique, maîtriser les médias et les instrumentaliser, déterminer la décision et s’auréoler d’une fausse noblesse indue : chacun est mû par ses propres intérêts.
Face à la dispersion des forces démocratiques, à la démission de certains et au dessèchement d’une pensée lucide et profonde, mise en débat, comment réunir les Tunisiens autour d’un projet commun? La réponse porte, d’abord, en elle d’autres questionnements, alors que foisonnent les initiatives politiques de dialogue. Quel mandat, sous quelle gouvernance, autour de quelles problématiques clés, dans quelles conditions pratiques, selon quel calendrier, et avec quelle force de loi ?
Des enseignements de la première décennie post-2011 est née l’idée de cet ouvrage collectif. Intitulé : "Tunisie, Dix ans et dans Dix ans", il se propose d’introduire un débat souhaité pluriel et fécond. Des personnalités tunisiennes de diverses familles de pensée —sans exclusion — et tranches d’âge, toutes acteurs et témoins de la décennie écoulée, à différentes positions institutionnelles ou militantes, ont été sollicitées pour y contribuer. Trois questions leur ont été posées: les enseignements majeurs, les conditions d’une démocratie et les perspectives d’avenir, en laissant le style de réponse ouvert à tout un chacun.
En dehors de quelques rares regrets attribués à des délais serrés, toutes ont accepté de s’y inscrire à leur manière. C’est ainsi que vingt-quatre coauteurs-clés participent librement à cet ouvrage collectif, conçu et élaboré durant les dernières semaines de 2020. La densité des textes, la richesse de leur contenu et la pertinence des analyses et projections nous interpellent. Elles pourraient constituer des éléments utiles d’un grand débat national qu’attend la Tunisie dès ce début de l’année 2021 de sa deuxième décennie démocratique.
Taoufik Habaieb
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