Pr Chédlia Fendri - Tout ce qu'il faut savoir sur les vaccins: Historique, situation et perspectives
Par Pr Chédlia Fendri - Les vaccins sont destinés à protéger un individu, à titre préventif individuel et/ou collectif, contre une maladie en stimulant son système immunitaire. Il s’agit d’administrer à un individu en bonne santé une forme atténuée ou inactivée d’un agent infectieux (ou certains de ses composants) afin de déclencher une réaction immunitaire permettant d’éviter une contamination ultérieure. Le résultat est l’apparition de cellules «mémoires» capables de reconnaître immédiatement l’agent pathogène s’il venait à infecter l’individu par la suite.
Historiquement, le monde a connu une pléthore de maladies infectieuses graves souvent mortelles alors que les populations étaient démunies de soins préventifs ou curatifs adéquats. Ces situations ont poussé les scientifiques à la réflexion et à la recherche de protocoles vaccinaux, d’abord empiriques, puis de plus en plus sophistiqués et adaptés à ces maladies.
Les vaccinations empiriques
1. La Tunisie est-elle prête ?
2. Les révélations du ministre de la Santé, Dr Faouzi Mehdi
3. Nous sommes en contacts étroits avec les labos et le Covax
Interview du Pr Hachemi Louzir
4. La problématique des vaccins contre le Covid-19
Par Pr Amor Toumi
5. La vaccination en santé publique
Par Dr Abdelwahed El Abassi
6. Une réglementation très précise
Par Pr Amor Toumi
7. Essais cliniques des vaccins : Quelles spécificités ?
Par Pr Mehdi Dridi
8. Historique, situation et perspectives
Par Pr Chédlia Fendri
9. Quelle logistique ?
Par Dr Nesrine Boujenoui
10. Les Tunisiens sont-ils Antivax ?
Elles concernent surtout deux maladies épidémiques dès l’antiquité: la peste et la variole:
la peste a été décrite dans tous les pays au cours de l’histoire avec des dégâts considérables. Yersin a découvert le microbe responsable (Yersinia pestis), l’épidémiologie et la physiopathologie de la maladie ainsi que le traitement antibiotique actif correspondant. Il existe un vaccin depuis 1999, réservé seulement aux sujets exposés car il est difficile à utiliser.
La variole: maladie virale décrite pour la première fois en Chine au 4e siècle, entraînant une première approche vaccinale chinoise : la « variolisation ». Celle-ci consistait à utiliser des croûtes de lésions varioleuses que l’on faisait inhaler aux sujets à protéger. Ceux qui survivaient étaient immunisés.
Edward Jenner (1749-1823), un chercheur anglais, s’intéressa à la vaccination des bovins. En effet, les trayeuses attrapaient la variole bovine à partir des pustules apparaissant sur les trayons des vaches, sans pour autant faire une maladie grave et mourir. De plus, elles étaient immunisées contre la variole humaine. En 1840, le gouvernement britannique encouragea alors le nouveau protocole de vaccination à partir du liquide vésiculaire.
Les vaccinations fondées sur l’agent pathogène atténué (virus, bactérie, parasite): Louis Pasteur, lors du choléra des poules dû à une bactérie (Pasteurella multocida), constata que l’inoculation de vieilles cultures de la bactérie n’est pas mortelle alors que des cultures jeunes de la même souche les tuaient. Les poules ayant survécu à l’inoculation avec les vieilles cultures s’avéraient ensuite résistantes. C’est ainsi qu’est né le « vaccin atténué ». C’est grâce à cette méthode d’atténuation par vieillissement que Louis Pasteur a imaginé puis développé le vaccin contre la rage en 1885. Ces vaccins vivants atténués provoquent une infection avec peu ou pas de symptômes. C’est le cas des vaccins contre la tuberculose (BCG), la varicelle, le vaccin combiné rougeole-oreillons-rubéole (ROR). Ils donnent souvent une réponse immunitaire excellente. Néanmoins, le risque infectieux de ces vaccins n’est pas nul et ils ne doivent pas être administrés à des personnes présentant un déficit immunitaire ou aux femmes enceintes.
Les vaccins inactivés: ils renferment des microbes entiers qui ont été tués par la chaleur ou des traitements chimiques. C’est le cas du vaccin injectable contre la poliomyélite, et celui contre l’hépatite A. Ces vaccins ne présentent donc aucun risque infectieux, mais ils sont souvent responsables de réactions importantes (douleurs, rougeurs et gonflement au point d’injection, fièvre, douleurs musculaires et articulaires).
Les vaccins constitués de fragments de microbe purifiés suffisants pour apprendre au système immunitaire à reconnaître le germe entier. C’est le cas des vaccins contre le pneumocoque, le méningocoque, le vaccin grippal inactivé à virion fragment, ou encore la coqueluche.
D’autres vaccins contiennent des toxines d’origine bactérienne, traitées par la chaleur ou chimiquement (les anatoxines). C’est le cas des vaccins contre le tétanos et la diphtérie. Ils sont peu immunogènes et nécessitent donc plusieurs injections et des rappels pour une immunisation à long terme.
Les vaccins fabriqués par génie génétique: leur fabrication contourne les aléas et les inconvénients des vaccins atténués et les difficultés de préparation des vaccins inactivés. L’antigène est produit à partir d’un gène du microbe que l’on fait s’exprimer dans des cellules en culture. C’est le cas des vaccins contre l’hépatite virale B obtenus grâce à un ADN recombinant et du vaccin contre le papillomavirus humain.
Les différents vaccins décrits contre le Covid-19 semblent également fabriqués par génie génétique (vaccins à ARN, qui reposent sur une modification génétique du virus et non plus sur un virus atténué, certains utilisant comme vecteur le virus de la rougeole, d’autres un virus à l’origine de rhumes banals). Ce que regrettent des chercheurs en santé publique est que certains de ces vaccins protègeraient l’individu vacciné de l’apparition des symptômes, et non de la transmission du virus dans la population générale.
L’OMS a fait beaucoup pour promouvoir les vaccins. En 1958, des campagnes de vaccination contre la variole ont été organisées dans tous les pays exposés. En 1978 (20 ans plus tard), la variole a été déclarée éradiquée. La poliomyélite, la rougeole, le tétanos prennent le même chemin. Dans la seconde moitié du 20e siècle, de nombreux pays imposent la vaccination contre certaines maladies, souvent selon un calendrier vaccinal préconisé à partir de la petite enfance. D’où le débat entre les partisans de la liberté vaccinale et ceux qui l’imposent, débat qui se poursuit encore aujourd’hui. A titre d’exemple, en 1998, dans la revue médicale The Lancet, une étude fait le lien entre le vaccin contre la rougeole et l’autisme. Le journal est réputé sérieux, du coup on s’affole.
Mais en 2004, certains auteurs de l’article se désolidarisent des résultats publiés. Une nouvelle analyse montre que les résultats ont été falsifiés en raison de conflits d’intérêts majeurs. En 2010, la revue supprime l’article de ses archives.
Autre cheval de bataille des anti-vaccins: les adjuvants, et en particulier les sels d’aluminium présents dans certains vaccins. Il est vrai que certaines pathologies sont liées à l’exposition chronique aux sels d’aluminium mais il s’agit d’expositions chroniques à des doses sans commune mesure avec celles présentes dans les vaccins. Et enfin, la campagne orchestrée en 2001 à propos du vaccin contre l’hépatite B qui serait responsable de l’apparition de la sclérose en plaques ou de sa rechute en provoquant une démyélinisation. De nombreux travaux, dont les conclusions d’un rapport publié par l’Institut de médecine des États-Unis d’Amérique, ne corroborent pas ces hypothèses.
En conclusion, les vaccins ont changé la perception des maladies infectieuses et le danger qui en découle. Cependant, il faut du temps pour fabriquer un vaccin en raison de nombreux facteurs: la compréhension de la physiopathologie de ces maladies, le coût, la connaissance de l’art, la maîtrise des essais cliniques et, enfin, la balance bénéfice/risque pour la population comme c’est le cas actuellement pour le vaccin anti-Covid-19.
Chédlia Fendri
Professeur hospitalo-universitaire en microbiologie clinique