Ce que Barack Obama dit de la Tunisie dans son livre-évènement ‘’Une terre promise’’
Mohamed Bouazizi y est ! Il figure en effet dans l’évènement littéraire de l’année. La parution simultanée, mardi 17 novembre aux Etats-Unis d’Amérique et dans 22 autres pays du premier tome des mémoires de l’ancien président Barack Obama tient le monde en haleine. Rien que pour les Etats-Unis, le premier tirage porte sur 3 millions d’exemplaires. Il aura fallu en faire imprimer un million en Allemagne et les acheminer par bateau pour répondre aux précommandes enregistrées. La version française, publiée chez Fayard, est déjà à 200.000 exemplaires.
Un grand succès éditorial est annoncé avec comme objectif de battre le record accompli par Michelle Obama dont le livre « Devenir » a caracolé à plus de 7 millions d’exemplaires. Pour avoir une idée sur l’ampleur de ces deux livres, leurs droits d’auteurs avaient été négociés à un montant de 65 millions de dollars perçu en avances sur la quote-part des ventes.
En 848 pages de ce premier tome, couvrant la période de 2008 à 2012, le 44ème président des Etats-Unis revient en détail sur les principaux évènements vécus, les grandes décisions prises et les moments exceptionnels, de bonheur, d'inquiétude, d’hésitation et de détermination qui ont été les siens. La Tunisie du mois de janvier2011, y figure. Dans Septième partie intitulée « Sur une corde raide », le chapitre 25 nous en livre une première évocation.
« Le même mois, en Tunisie, écrit Barack Obama, un vendeur de fruits désespéré s’est immolé par le feu devant le siège du gouvernorat de Sidi Bouzid. C’était un acte de protestation, produit de la détresse et de la fureur d’un citoyen face à un gouvernement qu’il savait corrompu et indifférent à ses besoins. L’homme, Mohamed Bouazizi, 26 ans, n’avait pas la réputation d’être un militant et ne s’intéressait même pas spécialement à la politique. Il appartenait à une génération de Tunisiens n’ayant connu que la stagnation économique et le joug du dictateur Zine El-Abidine Ben Ali. Harcelé à répétition par des inspecteurs municipaux, après s’être vu refuser une audience devant le juge, il avait fini par en avoir marre. D’après un témoin, au moment de s’immoler, Bouazizi a crié – à tout le monde en général et à personne en particulier : « Comment est-ce que vous voulez que je gagne ma vie ?
La souffrance de ce marchand de fruits a déclenché aux quatre coins du pays des manifestations contre le gouvernement tunisien et, le 14 janvier 2011, Ben Ali a fui avec sa famille en Arabie Saoudite. En parallèle, des mouvements similaires, principalement animés par des jeunes, naissaient en Algérie, au Yémen en Jordanie et à Oman, premiers bourgeons de ce qui allait devenir le Printemps arabe. »
Le président Obama reviendra également dans le discours qu’il devait prononcer sur l’état de la nation, sur la résonnance de cette immolation et de l’élan populaire qu’elle a déclenché, dans le reste de la région. « Après la formidable mobilisation des Tunisiens qui était parvenue à renverser un dictateur, la population à travers le pays semblait en ébullition, portée par l’espoir d’un réel changement. La situation était toutefois complexe, et l’issue incertaine. Pour finir, nous avons décidé d’ajouter une phrase, simple et directe, à mon discours : « Ce soir, je veux le dire clairement : les États-Unis d’Amérique sont aux côtés du peuple tunisien et soutiennent l’aspiration de tous les peuples à la démocratie. »
Evoquant l’effervescente situation en Egypte, il révèle son entretien avec son homologue Hosni Mubarak." Lorsque j’avais soulevé la possibilité que les manifestations qui avaient débuté en Tunisie se propagent à son pays, Moubarak s’était contenté de me répondre que « l’Égypte n’est pas la Tunisie."
Le livre de Barack Obama est exceptionnel à plus d’un titre. Le récit de ses 4 premières années de présidence à la tête de la première puissance mondiale est en effet de première main. On y trouve foule de révélations et de multiples explications qui éclairent cette période, ses soubresauts et ses crises. La qualité rédactionnelle est, elle aussi, remarquable. Obama est un écrivain de talent, comme il l’avait déjà démontré dans ses deux livres précédents : ‘’Les rêves de mon père’’ et ‘’L'audace d'espérer’’, mais aussi dans ses discours depuis qu’il s’était engagé en politique. Pour ses mémoires, le concours de collaborateurs et fines plumes aura été sans doute précieux. D’ailleurs, il n’a pas manqué de les remercier. Mais, le style de Barack Obama, raffiné, son âme, sincère et fluide, et sa sérénité toujours gardée, y sont indélébiles.
A lire...
Une terre promise
De Barack Obama
Editions Fayard), sortie le 17 novembre 2020, 32 euros