Moncef Rajhi - Lutte anti Covid-19: la distanciation sociale
[Les femmes et les personnes âgées sont plus susceptibles d'adopter la distanciation, d’après une étude(1)]
L'incidence de la maladie Covid-19, a considérablement augmenté depuis décembre 2019. Le 11 mars 2020, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré le Covid-19 «pandémie».
«La transmission du virus se fait par des individus symptomatiques et asymptomatiques, taux de transmission le plus élevé que d’autres de la même famille ce qui le rend très contagieux » précisent les spécialistes. En l’indisponibilité de traitement pharmaceutique ou vaccin efficace, l’objectif principal est d’empêcher l’alourdissement des systèmes de santé par l’instauration de mesures réduisant le taux de transmission de la pandémie aux différentes échelles espace et temps au niveau de la population.
Les autorités (nationales et internationales) de santé publique ont proposé plusieurs mesures pour contenir ou atténuer la transmission du virus. Ces mesures vont des stratégies de confinement du virus (par exemple, la quarantaine complète de la population à différentes échelles allant à une région entière, à l'atténuation de la transmission par divers degrés de mesures conçues pour maintenir la distance physique entre les individus associées à une hygiène personnelle rigoureuse (p. ex., se laver les mains fréquemment et soigneusement, éviter de toucher les yeux, le nez et la bouche, tousser et éternuer dans le coude)) et porter des masques faciaux en public.
Ces mesures généralement nommées mesures sociales. Elles sont aussi adoptées et appliquées entre autres en Chine, au Canada, aux États-Unis, aux pays européens, en Australie, puis progressivement dans tous les pays à solides, émergentes et faibles systèmes socioéconomiques.
Pour les pays qui adoptent un «scénario d'atténuation» les principales stratégies utilisées comportent : des mesures de distanciation sociale, y compris éviter les déplacements, limiter les contacts physiques avec des personnes en dehors de leur foyer et maintenir une distance de 2 mètres entre soi et les autres en public. Des mesures plus strictes et plus à supporter sont : la mise en quarantaine complète et l’isolement, mesures recommandées pour les personnes à haut risque de contracter le virus, telles que les personnes âgées.
«Les mesures de distanciation sociale (ordonnances de «rester à la maison» ou de «s'abriter sur place») imposent des changements importants au mode de vie de la population générale et qu'elles pourraient être nécessaires pendant des mois ou des années à venir, il est important de comprendre ce qui facilite ou empêche le respect de ces mesures, afin que les interventions de santé publique puissent être développées en temps opportun »précise l’étude.
La réussite de ces mesures dépend de la réponse et de la disposition des personnes à s’y adhérer et à s’y adapter en conformité avec les normes pré établies durant toute la période que dure de maintien de ces mesures d’une part, d’autre part il est important d'identifier les obstacles et les facilitateurs à l'observance de la distanciation sociale, les autorités de santé publique en tireraient des enseignements pour les campagnes de sensibilisation. C’est une question à laquelle une étude a essayé de répondre en analysant des échantillons d’enquête de convenance d'adultes anglophones de l’Amérique du Nord et de l’Europe, (étude(1) publiée dans numéro récent de «PLOS ONE»).
L’étude a visé trois objectifs : décrire les taux de motivations (obstacles et facilitateurs) pour l'éloignement social; décrire les taux d'engagement aux recommandations de distanciation sociale; et étudier la relation entre les caractéristiques sociodémographiques, les variables psychologiques et les motivations pour l'éloignement social et l'engagement aux recommandations de distanciation sociale.
Le modèle numérique conçu pour prédire les scénarios de distanciation sociale prolongée et intermittente, a suggéré que des périodes multiples ou prolongées de distanciation sociale pourraient être nécessaires à l'avenir, certaine forme de ces mesures
Pour la distanciation sociale, les auteurs ont définis trois contraintes: de «facilitations ou facilitateurs», de «obstacles» et de «interpersonnelles», détaillées chacune comme suit:
• Les deux principaux facilitateurs au niveau individuel les plus approuvés étaient «Je veux me protéger» (84%) et «Je veux éviter de propager le virus à d'autres» (83%); les facteurs interpersonnels comprenaient «Je veux protéger les autres» (86%) et «Je sens responsabilité de protéger notre communauté» (84%), les facteurs au niveau organisationnel comprenaient« mon lieu de travail / école a recommandé que nous pratiquions la distanciation sociale » (54%) et« mon lieu de travail / école mène des opérations à distance »(51%); et les facteurs au niveau communautaire comprenaient «les restaurants de ma région sont fermés pour manger sur place» (95%) et «les centres communautaires et les installations de loisirs de ma région sont fermés» (94%).
• Les interpersonnelles comprenaient: «j'ai des amis ou la famille qui a besoin de moi pour faire des courses à leur place» (25%), et «je socialise avec les gens pour éviter de me sentir seul» (6%);
• les deux principaux obstacles au niveau individuel étaient: «Je ne fais pas confiance aux messages de mon gouvernement sur la pandémie (13%) ,et «Je me sens stressé quand je suis seul ou isolé»(13%);
• Les interpersonnelles comprenaient: «j'ai des amis ou la famille qui a besoin de moi pour faire des courses à leur place» (25%), et« je socialise avec les gens pour éviter de me sentir seul » (6%);
• Les obstacles au niveau de l'organisation comprenaient: «mon travail ne peut pas être fait à distance» (16%) et «mon lieu de travail m'oblige à entrer au travail» (11%);
• Et les obstacles au niveau communautaire comprenaient: «Il y a beaucoup de gens qui marchent dans les rues de ma région» (31%) et «Il n'est pas possible de faire des achats en ligne et de recevoir des livraisons dans ma région» (11%).
• Parmi les obstacles les moins reconnus au niveau individuel figuraient:
«Je crois que la meilleure stratégie pour gérer cette pandémie est de laisser le virus suivre son cours» (3,9%), «Je pense que le gouvernement exagère l'impact de cette pandémie» (3,8% ), «Je pense que je ne peux pas propager le virus si je ne suis pas malade» (1,9%),
et «j'ai entendu dire que la distanciation sociale n'est pas efficace pour réduire la transmission du virus» (1,1%).
• Les obstacles inter personnelles les moins approuvées comprenaient: «Je crois que mes actions ne peuvent pas empêcher les autres de contracter le virus» (3,2%) et «Je pense que c'est correct de sortir et de rencontrer des gens en petits groupes» (2,9%).
L’analyse statistique de l’échantillon a permis de retenir les enseignements qui peuvent servir comme support dans l’élaboration des protocoles de gestion de la pandémie.
Il n'y avait pas d'adhérence parfaite aux mesures de prévention de la part de la population d’un pays (100%) pour aucun des comportements de distanciation sociale évalués.
Une conformité ou adhérence > = 90% a été trouvée pour éviter les endroits bondés, un engagement de 80 à 89% a été trouvée pour éviter les rassemblements non essentiels, éviter de sortir dans des endroits, éviter les salutations de contact étroit, éviter le contact avec des personnes à haut risque et éviter de voir des amis en personne.
Le respect de garder une distance de 2 mètres des autres a été approuvé par: 66%, et le fait de rester à la maison en cas de maladie a été approuvé par 46%. Les taux d'approbation les plus bas (6 à 8%) ont été signalés pour les comportements liés à la commande de plats à emporter et à la livraison de nourriture.
Les principaux obstacles à la distanciation sociale comprenaient le fait de se sentir stressé quand il était seul, de socialiser pour éviter la solitude, de devoir faire des courses pour sa famille ou ses amis, de ne pas pouvoir travailler à distance et de voir de nombreuses personnes dans la rue dans la zone de résidence.
« il est possible qu'à mesure que les mesures de distanciation se relâchent, les taux d'engagement aux recommandations de distanciation sociale diminuent, provoquant à nouveau un pic de l'incidence du Covid-19. En fait, étant donné que 25% de notre échantillon ont signalé des symptômes compatibles avec le Covid-19 mais que seulement 3% avaient été testés, il est impératif que les initiatives de santé publique se concentrent sur des tests à plus grande échelle et la recherche des contacts associée à des recommandations continues pour l'éloignement social et une bonne hygiène » mentionnait l’étude
Sur le respect des recommandations de distanciation sociale, nous avons constaté que les femmes étaient plus susceptibles que les hommes et les personnes plus âgées (> 45 ans) étaient plus susceptibles que les personnes plus jeunes (18–24 ans) pour éviter de socialiser en personne et maintenir une distance de sécurité en public.
Les résultats ont révélé que:
• Les hommes sont moins adhérents (~ 30 à 40% de non-observance) aux recommandations de distanciation sociale par rapport aux femmes (~ 15–30% de non-observance), qui concordent avec une autre enquête internationale qui a révélé que les femmes étaient plus conformes aux règles de mise à l'abri sur place. Cette constatation peut s'expliquer par des différences sexo spécifiques dans le comportement de communication d'informations sur la santé, où les femmes sont plus susceptibles de rechercher activement des informations sur la santé et de s'y intéresser ainsi que la tolérance au risque et les comportements qui sont généralement plus faible chez les femmes.
• Les communications de santé publique sur la distanciation sociale devraient intégrer des lignes directrices plus nuancées pour s'engager socialement en toute sécurité avec les autres, tout en maintenant une distance physique appropriée normes, en utilisant un langage non blâmant et non stigmatisant et en ciblant des groupes spécifiques tels que les hommes et les jeunes.
• «l'engagement aux recommandations de distanciation sociale était relativement élevé pour la plupart des comportements, mais pas près de 100%. L'étude a identifié les principaux obstacles modifiables et les facilitateurs d'engagement à la distanciation sociale: les facilitateurs les plus forts comprenaient le fait de vouloir se protéger, de se sentir responsable de protéger la communauté et de pouvoir travailler/étudier à distance; les obstacles les plus importants comprenaient le fait d'avoir des amis ou de la famille qui avaient besoin d'aide pour faire des courses, afin d'éviter de se sentir seul et de voir beaucoup de gens dans la rue.
Les interventions d’améliorer l'engagement aux mesures de distanciation sociale devraient associer des stratégies au niveau individuel ciblant les principaux obstacles à la distanciation sociale identifiée ici, avec des mesures institutionnelles efficaces et des interventions de santé publique. Les campagnes de santé publique devraient continuer à mettre en évidence les attitudes de compassion envers la distanciation sociale».
Moncef Rajhi
Ing. Génér. Met/Clim/Expt CC
(1) “Barriers and facilitators of adherence to social distancing recommendations during Covid-19 among a large international sample of adults” Adina CoroiuID1 *, Chelsea Moran2 , Tavis Campbell2 , Alan C. Geller1