C’est ainsi que naquit l’ONU…
Par Mohamed Habib Salamouna - A la fin de 1943, dans son quartier général d’Alger, le général Eisenhower travaille sur le plan d’invasion de l’Italie, où les forces alliées sont retranchées au sud de Rome. A l’est de la Méditerranée, la guerre évolue mal pour les Anglais. La situation rappelle au commandant des forces alliées en Afrique du Nord l’offensive en Tunisie bloquée par les allemands à Bizerte, en décembre 1942, puis la victoire finale, en mai 1943.
A l’époque, cependant, l’armée Rouge a l’initiative sur tous les fronts de l’Est. Les Soviétiques ont amassé 530 divisions et, en octobre 1943, sont sur le point d’isoler 500 000 soldats allemands battant en retraite entre la mer d’Azov et le Dniepr.
La 6 novembre, l’armée Rouge entre dans ce reste de Kiev. Pendant ce temps, à Moscou, le secrétaire d’Etat américain, Cordell Hull, et les ministres des affaires étrangères anglais, Antony Eden, et russe, Viatcheslav Molotov, poursuivent leurs discussions au palais de Spirdonovka. C’est au cours de l’une de leurs réunions que Hull obtient l’appui de Molotov sur le projet d’établissement de l’Organisation des nations unies.
Le secrétaire d’Etat américain devait exalter à Washington, au cours d’une réunion conjointe des deux chambres du Congrès, le triomphe de la Charte atlantique adoptée par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne en août 1941 et des principes de la sécurité collective incarnés dans le projet des Nations unies. Son enthousiasme était débordant lorsqu’il déclara devant les élus américains que c’était la fin des sphères d’influence, des alliances, des équilibres de puissance qui avaient marqué tragiquement l’histoire de l’Europe.
Ce qu’il faut surtout retenir de ces événements, c’est qu’aux heures les plus sombres de l’alliance occidentale contre l’armée de Hitler, au moment où l’Europe était à feu et à sang, il fut des hommes qui, non seulement surent donner à leurs armées le courage de surmonter les épreuves et les souffrances pour arracher la victoire, mais firent aussi preuve d’une vision stratégique qui leur permit de percevoir les structures d’un nouveau système de coopération internationale et de sécurité collective.
Et c’est ainsi que naquit l’ONU, le 24 octobre 1945, sur les décombres de la plus grande conflagration que le monde ait jamais connue. Elle reflétait les réalités de l’époque et il ne pouvait en être autrement. Mais ses fondateurs tenaient aussi à inscrire dans sa charte la vision d’un monde meilleur que celui qu’ils voyaient se consumer devant leurs yeux. Un monde fondé sur la coopération régionale et internationale, un monde pacifié où les Etats recouraient de moins en moins à la violence pour régler leurs conflits.
C’est cette expérience de coopération que nous vivons tous les jours depuis soixante-quinze ans. A l'occasion de la Journée internationale Nelson Mandela, le 18 juillet 2020, le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, déclarait que « ce qui importait, ce n’était pas le passé des Nations unies, mais leur rôle à l’avenir », et qu’il comptait durant le reste de son mandat « travailler avec les Etats membres pour redéfinir ce rôle afin de préparer la Maison de verre à affronter d’autres menaces qui pèsent sur l’humanité. »
Le débat est ouvert. Il faut espérer qu’il sera imprégné des réalités du jour et, en même temps, porteur d’une vision d’avenir.
Mohamed Habib Salamouna
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