Radhi Jazi: Le recours incontournable
Par Moncef Zmerli - Né à Nabeul en 1927, Radhi Jazi a rejoint le Collège Sadiki où il effectua ses études secondaires sanctionnées par le Diplôme de Sadiki (1946), puis par le baccalauréat (1947). Cette formation de haute facture, assurée par le Collège Sadiki, a permis de former des cadres parfaitement bilingues qui constitueront l’ossature de la Tunisie indépendante. Radhi Jazi a alors opté pour la pharmacie et obtiendra son diplôme d’Etat à Paris en 1954. Il créera l’année suivante une pharmacie d’officine à Houmet-Souk (Djerba) qu’il quittera en 1961 pour s’installer à Tunis, avenue de la Liberté.
En 1966, il soutiendra une thèse de doctorat en pharmacie à la faculté de Pharmacie de Strasbourg ayant pour titre : « Contribution à l’étude de l’histoire de la pharmacie arabe : falsification et contrôle des médicaments pendant la période arabe ». A partir de cette date commence son engouement pour la pharmacie et la médecine arabes et particulièrement pour la période kairouanaise. Il se passionne pour la lecture et la recherche de manuscrits, particulièrement des IXe et Xe siècles. Il devient ainsi l’un des meilleurs spécialistes de l’histoire de la pharmacie et de la médecine arabes et surtout de notre pays.
L’éminent pharmacien et le sage confrère
Durant sa période d’exercice officinal, soit 52 années, il a accueilli dans son officine en tant que maître de stage plus de 70 étudiants en pharmacie et aura largement contribué à transmettre le savoir et les bonnes pratiques officinales.
En 1972, devant les difficultés rencontrées par les pharmaciens tunisiens, presque exclusivement officinaux à cette époque, dans leur exercice et leurs rapports avec l’administration et la Pharmacie centrale de Tunisie avec entre autres la création des « pharmacies de sociétés », une assemblée générale extraordinaire s’est tenue et a abouti à une motion de défiance envers le Conseil de l’Ordre et a procédé à l’élection d’un comité provisoire de 5 membres avec Radhi Jazi comme président. Ce fut le départ d’une carrière d’activités professionnelles tant en Tunisie que sur le plan arabe et international.
Le comité provisoire s’attela à la tâche et est parvenu, dans le cadre d’une nouvelle collaboration avec le ministère de la Santé publique, à faire promulguer la loi de 1973 organisant les professions pharmaceutiques.
Élu président du Conseil de l’Ordre en octobre 1973, il s’attachera avec la nouvelle équipe ordinale, composée entre autres de Aziza Ouahchi, Moncef Zmerli, Néfissa Miled, Radhi Dargouth, à restructurer la profession et à étoffer la législation pharmaceutique. De nombreux textes juridiques sont alors adoptés et mis en application parmi lesquels nous citerons le Code de déontologie pharmaceutique, la loi fixant les conditions d’exploitation d’un laboratoire d’analyses médicales, le décret créant les pharmacies de catégorie B de nuit, l’arrêté autorisant les pharmacies d’officine à pratiquer des injections. Ce conseil a mis en place avec le ministère des Affaires sociales l’Ecole des aides-préparateurs et avec la Société des sciences pharmaceutiques l’Ecole des préparateurs. De même, il a organisé un service de garde en été avec fermeture annuelle et mi-temps à Tunis, qui sera suivie par de nombreuses autres communes. Toutes ces réalisations ont été effectuées grâce à l’esprit d’équipe et de confraternité qui a prévalu entre les membres du Conseil de l’ordre ainsi qu’avec le soutien de l’ensemble du corps pharmaceutique. Ce mandat à la tête de l’Ordre aura marqué son époque. Radhi Jazi ne se représentera pas aux élections de 1976 et cédera ainsi sa place à Mme Aziza Ouahchi.
En 1980, Si Radhi est élu président de la Société des sciences pharmaceutiques et pendant les 8 années de sa présidence, de nombreuses réalisations vont marquer la profession :
Programme annuel de formation continue
Cofondateur de l’unique revue pharmaceutique tunisienne, Essaydali de Tunisie, avec Moncef Zmerli (juin 1981)
Edition d’affiches pour l’information du public…
Organisation des Journées pharmaceutiques tunisiennes : les premières en 1984 avec une participation arabe et maghrébine importante. A la fin de son dernier mandat à la tête de la SSPT, en 1988, il est nommé président d’honneur.
Dr Radhi Jazi a participé à la formation de plusieurs générations de pharmaciens puisqu’il était chargé de cours à la faculté de Pharmacie de Monastir en droit et législation pharmaceutiques (1978-1988) et de cours sur l’histoire de la pharmacie (1998-2001). De même il a été chargé de cours (législation des toxiques) à l’Institut supérieur de la magistrature de 1993 à 2000.
Radhi Jazi a exercé en officine jusqu’en 2007, date à laquelle il céda sa pharmacie à son fils Khaled.
Un rayonnement arabe et international
En 1978, après l’adoption de nouveaux statuts de l’Union des pharmaciens arabes, Radhi Jazi en est élu président, poste qu’il occupera pendant 5 années, de 1978 à 1983. Là aussi, et dans des conditions difficiles dans les relations interarabes suite aux accords de Camp David, Radhi Jazi fera l’unanimité autour de lui en menant sa tâche avec beaucoup de doigté. Il donnera un nouvel élan à l’UPA et permettra la création d’échanges et de liens entre les diverses organisations pharmaceutiques arabes. Il réussira entre autres à imposer la présence de son organisation aux réunions périodiques du Conseil supérieur des ministres arabes de la Santé.
Radhi Jazi a eu de très nombreuses activités sur le plan international puisqu’il a été élu membre correspondant de l’Académie nationale de France depuis 1982, membre de l’Académie internationale de l’histoire de la pharmacie (1987), vice-président de la Société internationale d’histoire de la médecine (2000-2002), vice-président de l’Académie arabe de pharmacie…
L’érudit
Féru d’histoire de la pharmacie et de la médecine arabes, Radhi Jazi a participé, en collaboration avec d’éminents connaisseurs en la matière tels que Mohamed Souissi, J.Chikha et surtout Farouk Asli, à la publication d’ouvrages selon des manuscrits inédits de l’École médicale de Kairouan (IXe et Xe siècles), concernant Ahmed Ibn al-Jazzar :
• Zad al-mousssafir
• Traité des parfums et des essences
• Traité de la médecine des pauvres et des déshérités
• Traité de la médecine des personnes âgées
• Et A. Omrani concernant Ishaq Ibn Omrane : Traité de la mélancolie.
Tous ces ouvrages ont été publiés par «Beit al-Hikma ».
Il a procédé durant toute sa carrière à de très nombreuses publications dans des revues tunisiennes (Essaydali de Tunisie), maghrébines et internationales aussi bien en langue arabe qu’en français et donné de très nombreuses conférences et communications tant en Tunisie qu’à l’étranger.
Distinctions et décorations
Grâce à toutes ces activités, Radhi Jazi a bénéficié de nombreuses distinctions et décorations. Nous citerons entre autres:
• Officier de l’Ordre de la République
• Chevalier de l’Ordre National du Mérite (France)
• Médaille d’Or du «Pharmacien Arabe»
• Médaille d’Or du «Pharmacien maghrébin».
• Médaille de la Santé Publique.
• Médaille du Conseil National de l’Ordre de Tunisie pour ses 50 ans d’exercice.
• Membre depuis 2012 puis membre honoraire de l’Académie des belles-lettres Beit al-Hikma…
et bien d’autres distinctions.
Dr Radhi Jazi a marqué sa génération et a été pendant une quarantaine d’années l’une des figures les plus en vue dans le monde pharmaceutique tant en Tunisie qu’à l’international où il était particulièrement apprécié. De par sa disponibilité envers ses confrères et ses conseils judicieux, il était toujours à l’écoute des autres et prêt pour rendre service. Sa parfaite connaissance de la profession et de sa législation a fait de lui un recours incontournable pour obtenir le bon conseil, régler certains points obscurs ou conflits. Son caractère affable et sa simplicité lui ont toujours attiré l’amitié et la sympathie des gens auxquels il inspirait toujours le respect.
Repose en paix, Si Radhi, tu auras mérité de la profession.
Moncef Zmerli
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