Sadok Besbès, le syndicaliste oublié
Il vient de s’éteindre, dans l’anonymat et l’ingratitude. Sadok Besbes, 90 ans, militant du Néo-Destour, journaliste à Dar Essabah, syndicaliste, membre du bureau exécutif de l’Ugtt, condamné, avec Habib Achour et leurs coéquipiers à 8 ans de prison lors des évènements du 26 janvier 1978, est parti doucement. La prison et la torture en tant que détenu politique, il les avait déjà éprouvées sous l’occupation française, suite au soulèvement du 18 janvier 1952. Son compagnon d’infortune et de chambrée fut alors le jeune étudiant destourien Ahmed Chtourou. Il sera son avocat en 1978 devant la Cour de sûreté de l’État.
Rejoignant Habib Cheikhrouhou au lendemain de la fondation d’Essabah en 195I, avec une poignée de jeunes militants, il se consacrera à la couverture après l’indépendance de la cause algérienne, des activités du Gpra et du FLN. Sadok Besbes bénéficiera de sa proximité avec Ahmed Tlili, à la fois leader syndicaliste et trésorier du parti destourien, pour mieux analyser la situation et recueillir les meilleures informations. Dans ce même élan, il constituera un syndicat du personnel d’Essabah, et en fera tache d’huile dans les autres médias publics et privés, constituant une fédération de l’information au sein de l’Ugtt et œuvrant pour la conclusion de la première convention collective sectorielle, étendue aux métiers graphiques et l’imprimerie.
Sadok Besbes sera élu en 1977 membre du bureau exécutif de la centrale ouvrière dans l’équipe d’Achour avec Taieb Baccouche, Abdelaziz Bouraoui, et autres figures historiques, s’investira dans la résistance contre les oukases du gouvernement et sera arrêté le 26 janvier 1978. Bénéficiant d’une grâce présidentielle en mars 1980, il ne purgera ainsi que deux années de détention sur les huit qu’il devait endurer. Réélu au congrès de Gafsa en 1981, nommé directeur du journal Echaab, succédant à Hassen Hamoudia, et chargé de l’information, il n’y restera pas longtemps. Reprenant de nouveau son chemin de croix, en s’opposant à la direction de l’Ugtt, il participera avec d’autres syndicalistes, en 1983, à la constitution d’une centrale rivale, l’Union tunisienne des travailleurs… Avant d’effectuer finalement son retour au bercail, place Mohamed-Ali.
L’Union internationale des travailleurs arabes, basée à Damas, lui était familière. Sadok Besbes était très actif dans ses instances et ses manifestations. Soucieuse de renforcer sa direction, elle le sollicitera pour un poste de conseiller résident. Le militant qui s’était opposé à la colonisation et a soutenu Nasser et le panarabisme dans les années 1950, et le syndicaliste irréductible s’y accomplira. Sans chercher honneurs et décorations, Sadok Besbes a vécu dans l’abnégation et le patriotisme. Allah Yerhamou.