Israël Palestine : A-t-on enterré la paix ?
Par Mohamed Larbi Bouguerra - Annoncé en janvier à Washington par Donald Trump et Netanyahou- en absence totale des Palestiniens- le plan d’annexion vise essentiellement à dépouiller ces derniers de leur terre.
Il pourrait entrer en vigueur ce jeudi 2 juillet. Mais sa contestation est générale. Trump et Netanyahou veulent mettre la communauté internationale devant le fait accompli.
En effet, suivant l’accord passé en mai entre Netanyahou et son nouvel et faible associé Benny Gantz, leur gouvernement de la carpe et du lapin pourrait se prononcer aujourd’hui sur la mise en œuvre du plan concocté par Trump pour remodeler le Moyen-Orient. Israël annexerait toute de la vallée du Jourdain où vivent 2,8 millions de Palestiniens en plus des colonies d’implantation illégales au regard du droit international en Cisjordanie occupée où se sont incrustés 450 000 Israéliens. A l’heure où tant d’Israéliens quittent le pays « désespérés par sa dérive fascisante. (Shany Littman, « ces Israéliens qui quittent leur pays », Courrier International, n° 1547, 25 juin-1er juillet 2020, p. 44-47)
« Opportunité historique » glapit Netanyahou qui veut réaliser le rêve sioniste aidé par l’ambassadeur américain en Israël David M. Friedman, un sioniste pur jus. Netanyahou aurait promis à son père cette réalisation et veut venger la mort de son frère lors de l’assaut à l’aéroport d’Entebbe. Mais il y a d’abord et surtout la politique et son désir de remodeler le Moyen-Orient pour le compte de son protecteur de toujours : l’oncle Sam. Et faire oublier toutes ses turpitudes sur lesquelles la justice se penche actuellement : corruption, abus de confiance, corruption.
Les Palestiniens rejettent en bloc ce plan qui va avaler tout cru les territoires palestiniens et donner le coup de grâce final à « la question palestinienne » et le droit à l’autodétermination.
L’idéologue Netanyahou veut donner sens au symbole – dit-on- du drapeau « bleu-blanc » d’Israël et ses deux bandes bleues : de la Méditerranée au Nil ? Qui sait où s’arrêtera I’Etat sioniste-sans frontières et sans constitution : du Nil à l’Euphrate ? Les princes Mohamed Ben Salman (MBS) et Mohamed Ben Zayed Al Nahyane (MBZ) des EAU, devraient surmonter un instant leur haine de l’Iran pour accorder à ce symbole un instant d’attention. Pour ne rien dire du maréchal Sissi!
Le leurre d’un état palestinien?
Trump et son gendre Jared Kushner à l’origine de ce plan ont pris soin de mentionner la création possible d’un Etat palestinien mais les cartes sont impitoyables : elles montrent qu’il s’agit d’un leurre. Jérusalem est entièrement réservée à Israël et les Palestiniens iront à Abou Dis, un petit faubourg sans importance, loin du majestueux Masjid al Aqsa, sa glorieuse coupole et sa charge historique. Cet Etat lilliputien – qui met pourtant en fureur les colons- ressemblerait plutôt à un archipel. Israël s’est réservé la possibilité, grâce au réseau routier prévu, d’isoler ses différents îlots en quelques heures. Quant aux colons, rien ne gênera leurs déplacements sur les voies qui leur sont réservées et interdites aux Palestiniens. Vous avez dit apartheid ?
Dans un message au sommet des chrétiens évangélistes, Netanyahou se targuait d’une « solution réaliste » car « Israël seul a le contrôle de toutes les questions de sécurité sur terre et dans les airs, à l’ouest du Jourdain. » Et il avait le culot d’ajouter : « C’est bon pour Israël, c’est bon pour les Palestiniens, c’est bon pour la paix. »
Le gouverneur de Jéricho, Jihad Abou al Assal rétorque : « Il nous prend pour des pions. Il croit qu’il peut faire ce qu’il veut de nous pour atteindre ses buts. Ce qu’il vise en réalité, c’est l’institution d’un système d’apartheid. » (The New York Times, 24 juin 2020)
L’annexion Est Illégale
Que Netanyahou et Trump réalisent aujourd’hui ou plus tard leur funeste initiative, Mme Michelle Bachelet, le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, assène : « L’annexion est illégale. Point final. Toute annexion. Qu’il s’agisse de 30% de la Cisjordanie ou de 5%. ». Des voix s’élèvent partout dans le monde pour dire « Ça suffit ». Ainsi, à l’initiative de l’ex-président de l’Agence juive mondiale et ancien président de la Knesset (parlement israélien), Avraham Burg, plus d’un millier de parlementaire de toute l’Europe ont exprimé leur rejet de l’initiative américano-israélienne et des personnalités généralement peu enclines à critiquer Israël se sont joints à ces parlementaires.
Les représentants diplomatiques russes et chinois ont participé le 22 juin à Jéricho, à une manifestation du Fatah contre le projet unilatéral israélien de s’emparer de la Cisjordanie.
Dans un entretien accordé à l’Humanité (1er juillet 2020, p. 4-5), Avraham Burg, oppose des arguments et des principes moraux à l’annexion et critique la passivité de l’Europe : «…Le monde a besoin de plus de dialogues, pas d’arrogances supplémentaires. Je pense que l’annexion, en dehors du fait qu’elle est fondée sur un postulat politiquement faux, nuit aux mesures politiques nécessaires pour le monde, la région et les communautés nationales palestiniennes et juives…Il est interdit, et ce devrait être interdit pour tous les Etats de contrôler la vie quotidienne (et même heure par heure, minute par minute) de millions de personnes sans les laisser voter pour leur représentation. Israël dénie les droits démocratiques des Palestiniens. Par conséquent l’annexion est une mauvaise mesure. »
A la question de savoir s’il est possible de stopper Trump et Netanyahou, Burg répond : « Bien sûr. C’est très simple. Il suffit de dire non ! si l’Europe explique qu’elle a été très tolérante jusque-là, mais que l’annexion est le pas de trop qu’elle n’acceptera pas, qu’il y aura des conséquences, quelles qu’elles soient, Israël ne le fera pas. Benyamin Netanyahou peut jouer ce jeu parce que l’Europe est faible et apologétique. »
Le regretté chancelier autrichien Bruno Kreisky disait : « Sans Hitler, Israël n’existerait pas. »
Immenses en effet sont les responsabilités historiques européennes dans la situation qui prévaut au Moyen-Orient. L’Europe a longtemps considéré cette zone comme une aire coloniale qu’elle a mise en pièces et exploitée des siècles durant. Il y a aussi les accords Sykes-Picot de 1916 et Avraham Burg d’ajouter : « En tant qu’Israélien, je n’aimerais pas que l’UE ait un double standard vis-à-vis d’Israël à cause d’un sentiment de culpabilité. Le même standard qui est applicable à tous les pays du monde au regard des valeurs européennes : démocratie, égalité pour tous, sécurisation de l’espace public, équité dans la distribution des ressources publiques et ne jamais ignorer le droit humain individuel au sein de droits collectifs.
La même politique et les sanctions contre la Russie envahissant la Crimée doit être appliquée à Israël. »
A entendre Rahman Bicharat, 71 ans, un habitant du village bédouin d’El Hadidia qui n’est accessible que par une route rocailleuse et poussiéreuse, on loin de ces principes : « Ils pratiquent l’annexion à notre égard depuis1967. Ils nous refusent tous les besoins nécessaires à la vie : l’eau d’abord et l’électricité ensuite ainsi que l’interdiction de bâtir, si généreusement accordée aux colons. Les voilà qu’ils veulent à présent nous expulser de nos terres. » (Lire Adam Rasgon, « Palestinians in Jordan Valley fear annexation would choke off their villags » The New York Times, 24 juin 2020).
Espérer que Joe Biden face opposition à Trump sur cette initiative mortelle pour la paix ? Pour cela, l’ancien vice-président et candidat à la Maison Blanche doit d’abord abandonner l’ambiguïté et appuyer fermement l’aile du parti démocrate qui rejette l’annexion et les politiques aventuristes d’Israël.
Pour l’heure, le mot « paix » serait devenu une insulte en Israël ! La force prime le droit ?
Mohamed Larbi Bouguerra