Saeb Erekat : Arrêtez les fanatiques de l'annexion, imposez des sanctions à Israël
Par Dr Saeb Erekat. Secrétaire général de l'OLP et le négociateur palestinien en chef - La seule réponse internationale à l’impudent plan Trump-Israël doit être une action concrète pour mettre fin tant à l'annexion de la Cisjordanie par Israël qu’à l'apartheid total.
Le projet colonial d'Israël en Palestine n'a jamais été conçu pour une présence israélienne temporaire. Cinquante-trois ans après avoir occupé la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza, Israël poursuit aujourd'hui son annexion de jure de plusieurs autres parties intégrantes de la Palestine occupée, dans la foulée de son annexion de Jérusalem occupée.
Une telle démarche confirme l'arrogance d'Israël et son non-respect d'une multitude de résolutions des Nations unies, notamment la résolution 242 du Conseil de Sécurité, adoptée en novembre 1967, qui stipulait l'inadmissibilité de l’acquisition des terres par la force.
Le bilan d'un demi-siècle de violations systématiques des droits nationaux et des droits de l'homme des Palestiniens par Israël témoigne de son engagement en faveur de l'expansion coloniale et non de la réalisation de la paix. Le reste du monde dispose maintenant d'une autre brassée de preuves explicites.
Le plan américano-israélien est une violation flagrante des principes fondamentaux du droit international et de l'ordre public. Il prouve que la "Vision pour la paix" de Donald Trump a réellement pour but de transformer l'occupation israélienne de la Palestine en une annexion permanente, tout en déniant au peuple palestinien son droit inaliénable à l'autodétermination.
Le plan d'annexion du président Trump est une feuille de route effrontée et brutale visant à imposer la réalité d'un seul État avec deux systèmes, un régime d'apartheid à part entière donc, violant les piliers fondamentaux de liberté, de justice et d’égalité.
Dans ce contexte, l'annonce par les dirigeants palestiniens que la Palestine est déliée de tous les accords signés avec Israël n'est pas tombée du ciel. La Palestine est restée attachée aux principes du processus de paix au Moyen-Orient tout au long du dernier quart de siècle. Mais Israël a quand même saisi toutes les occasions pour faire capoter la réalisation de la paix, transformant ce processus en un échec total.
En conséquence, la récente décision de la Palestine est un rejet de cet échec et une affirmation que notre nation ne peut pas et ne veut pas payer le coût de l'occupation israélienne, ni celui des politiques illégales et des violations de ses obligations en vertu des accords signés. Il est temps de changer de cap ; il est temps que la communauté internationale demande des comptes à Israël.
Il ne sera plus possible de défendre les violations et les politiques illégales d'Israël à l’encontre de la terre et du peuple de Palestine, qui sont, en fait, une violation de l'article II de son accord d'association avec l'Union européenne, le principal partenaire commercial d'Israël. Cet article conditionne l'applicabilité de l'accord au respect des droits de l'homme.
Que signifient les "valeurs communes" de certains officiels de l'UE lorsqu'ils défendent Israël qui attaque systématiquement un ordre mondial fondé sur des règles ? Il est absurde de condamner le projet de colonisation d'Israël tout en accueillant ses services et ses produits sur les marchés internationaux, fruits provenant principalement de l'apartheid israélien.
La communauté internationale peut mettre fin à l'annexion, mais seulement si elle applique les mêmes mesures concrètes qu'elle a continuellement refusées d'adopter. Mettre fin à l'annexion commence par imposer des sanctions contre un pays qui n'a jamais respecté ses obligations les plus fondamentales vis-à-vis des résolutions des Nations unies, des accords signés et des traités internationaux.
Contrairement à ce qu'Israël lui-même prétend, son entreprise de colonisation n'est ni permanente ni irréversible. La famille des nations ne doit pas céder au racisme, à l'incitation et à la violence d'Israël. Au contraire, elle devrait mettre fin à sa culture sans précédent de l’impunité.
Des politiques de responsabilisation contre l'occupation israélienne sont essentielles. Mais des pays tels que l'Allemagne, la Hongrie, l'Australie, le Brésil, le Canada et les États-Unis font exactement le contraire : ils empêchent la Cour pénale internationale d'enquêter sur les crimes commis en Palestine occupée.
Il est facile de considérer cet effort pour ce qu’il est : une approbation des politiques illégales d'Israël qui lui ont permis d'étendre ses colonies qui comptent plus de 600 000 colons aujourd'hui.
Ceux qui plaident pour "plus de carottes" dans les relations avec le nouveau gouvernement israélien doivent encore reconnaître ce que les "carottes" précédentes ont créé au cours des cinquante-trois dernières années : un régime d'apartheid. La base de données publiée par les Nations unies, qui répertorie les entreprises profitant de l'occupation israélienne, doit être prise au sérieux. Ces entreprises devraient changer de cap ou faire face à des boycotts et à des conséquences juridiques. Et Israël devrait subir des sanctions.
Les pays, alliances et blocs doivent systématiquement revoir tous les accords signés avec Israël afin de s'assurer qu'ils ne contribuent pas à l'occupation de la terre et à la domination des vies palestiniennes.
Par exemple, de nombreux accords de libre-échange d'Israël prévoyant des exonérations fiscales pour les produits des colonies, devraient être suspendus. Il en va de même de la présence de plusieurs organisations chrétiennes sionistes et autres "organisations caritatives" qui financent les colonies israéliennes dans des pays tels que les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, le Canada ou l'Australie dont le Fonds national juif (JNF), Ateret Kohanim et le Fonds pour la terre d'Israël.
Ces organisations devraient être tenues pour responsables par les gouvernements des pays où elles sont basées. Les "organisations caritatives" ne devraient pas être autorisées à financer l'entreprise illégale d'Israël depuis leur sol.
Le plan d'annexion israélo-américain n'est pas seulement le résultat d'un groupe de fanatiques qui ne tiennent pas compte du droit international et des droits des Palestiniens. Il est la conséquence de décennies d'impunité. Nous avons contacté des gouvernements du monde entier pour leur demander d'agir afin de mettre fin à l'annexion d'Israël.
Nous avons contacté les principaux acteurs internationaux pour demander la tenue d'une conférence internationale afin de faciliter un processus de paix constructif et significatif fondé sur la mise en œuvre du droit international et des résolutions pertinentes des Nations unies.
Cette semaine, les pays européens vont marquer les quarante ans de la publication de la Déclaration de Venise, qui appelle à la fin de l'occupation israélienne et au respect des droits des Palestiniens. Après des décennies de signes avant-coureurs, il est grand temps de poursuivre la seule voie qui reste pour avancer vers une paix juste et durable, y compris la reconnaissance de l'État de Palestine et l'imposition de sanctions à l’encontre d’Israël et de son occupation.
Saeb Erekat
Le Dr Saeb Erekat est le secrétaire général de l'OLP et le négociateur palestinien en chef. Twitter : @ErakatSaeb
Haaretz (en anglais) du 8 juin 2020
Traduit par Mohamed Larbi Bouguerra