Exclusif - Les révélations de Thouraya Jeribi, ministre de la Justice et des Droits de l’Homme (Vidéo)
Par Fatma Hentati - «L’indépendance de la justice ne signifie pas auto-gouvernance pour les juges». D’une voix ferme mais courtoise, la ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Thouraya Jeribi, est sans concession. « Il est important de distinguer, explique-t-elle à Leaders, entre le fonctionnement de la justice et l’organisation du système judiciaire. Ce dernier comprend non seulement les magistrats, mais aussi les greffiers, les agents publics, les huissiers et les huissiers-notaires experts.»
«L’indépendance de la magistrature, affirme la ministre, n’est pas un privilège pour les juges mais un moyen indispensable pour garantir une justice équitable, neutre et impartiale. Toutes les décisions se rapportant à la carrière des magistrats doivent inéluctablement reposer sur le mérite, l’intégrité, la compétence et l’efficacité puisque le juge ne doit obéir qu’à la loi, sa conscience et son intime conviction en conformité à l’ordonnancement juridique en vigueur.»
Revendiquant pleinement l’étendue de ses pouvoirs, elle rappelle que «légalement et effectivement, le ministre de la Justice est le président du parquet en vertu de l’article 23 du code de procédure pénale et l’article 15 de la loi relative à l’organisation judiciaire, au Conseil supérieur de la magistrature et au statut de la magistrature.» Même si elle rappelle qu’en respect de l’indépendance de la justice, nulles instructions spécifiques ne peuvent être données au parquet. «Le ministère, souligne Mme Jeribi, agit à présent à travers des notes générales au parquet, ce qui permet de tenir compte de la nécessité d’une politique pénale cohérente et harmonieuse sur l’ensemble du territoire, tout en respectant les impératifs de l’indépendance de la justice.» Et de reconnaître que « la question du degré de l’effectivité de ces notes, compte tenu du fait que la nomination et l’évaluation des membres du parquet ne dépendent nullement du ministère de la Justice », reste posée.
Tour à tour, répondant aux questions de Leaders, la ministre de la Justice et des Droits de l’Homme indiquera, au titre de la lutte contre la malversation, que plus de 1 100 affaires ont été traitées par le pôle judiciaire économique et financier. De plus, l’expérience des procès à distance sera élargie, dans la droite ligne de l’introduction des TIC, la numérisation des tâches, l’adoption de la signature électronique et autres (plus de 5 000 ordinateurs acquis, et une infrastructure technologique déployée).
Par ailleurs, l’expérience des bureaux de probation favorisant l’accompagnement des détenus en vue de leur réinsertion sociale et professionnelle, étendue à 13 autres établissements de détention, les peines alternatives qui ont bénéficié à plus de 2 300 condamnés acceptant d’accomplir des travaux d’utilité publique, sont encouragées. De même, l’amélioration des conditions de détention porte sur l’augmentation de l’espace dédié à chaque détenu, la construction de nouvelles unités et la modernisation des autres.
Reste la grande question de la Cour constitutionnelle qui tarde à être formée. La ministre Jeribi rappelle qu’un projet a été soumis à l’ARP depuis 2018 portant amendement de quelques articles de la loi organique de 2015, quant à l’absence du quorum nécessaire.
«Si le blocage persiste au sein du parlement, déclare la ministre, je considère personnellement que nous serons dans la situation des «formalités impossibles». Cette théorie appliquée par la jurisprudence permet de passer outre. Clairement, je propose que le Conseil supérieur de la magistrature et le président de la République prennent l’initiative de désigner chacun quatre membres, ce qui fera au total neuf membres, puisque l’ARP avait réussi à élire un seul membre. Et puisque le quorum exigé est de deux tiers des membres, la Cour constitutionnelle pourrait démarrer ses travaux en attendant l’élection par le parlement des trois membres restants.»