News - 01.06.2020

Kamel Bouslama: Le feuilleton peu glorieux de l’hydroxychloroquine « Intelligent » peut-être, «artificiel » sûrement!»

Kamel Bouslama: Le feuilleton peu glorieux de l’hydroxychloroquine… «Intelligent » peut-être, «artificiel » surement!»

Par Dr Kamel Bouslama. Professeur en Médecine Interne. Tunisie

On ne doit jamais élaborer une théorie avant d’avoir réuni les faits
On risque de tordre les faits pour qu’ils s’adaptent à la théorie, au lieu de tordre la théorie pour qu’elles s’adaptent aux faits.
Sherlock Holmes

A l’évidence les auteurs de l’article publié dans la prestigieuse revue scientifique britannique le lancet(1), ignorent l’axiome de Sherlock Holmes.

Quand les quatre auteurs du Lancet, récupèrent des big data enregistrées pour une raison comptable et qu'ils veulent leur faire dire comment marchent les traitements, c'est tordre les faits et faire avouer à la statistique ce qu'on veut qu'elle dise.

Cette étude rétrospective, d’apparence colossale, a inclus plus de 96 000 patients dans 671 hôpitaux sur 6 continents. Sans trop entrer dans les détails, l’article interdisant la prescription de l’hydroxychloroquine dans le Covid-19 est un ramassis de contre-vérités. Je ne prétends pas être un expert pour juger de l’efficacité ou de la sécurité du produit et loin de moi le chauvinisme méditerranéen défendant ardemment le Pr Raoult, je ne suis ni «hydroxychloroquino fanatique», ni «hydroxychloroquino-sceptique» mais «hydroxychloroquino-avertis».

Quand on s’éloigne de la réalité du terrain en se positionnant derrière le clavier pour dépouiller des big datas issus de l‘intelligence artificielle, il n’est pas étonnant de confondre un hôpital asiatique avec un hôpital Australien, un Africain avec un Afro-américain. Les données de mortalité sur le continent Africain sont surprenantes sans oublier les Médecins canadiens qui découvrent avec stupeur un taux de prescription important de chloroquine peu disponible dans leur pharmacopée.

Les patients du groupe contrôle sont plus jeunes, moins de tares et sont moins graves puisqu‘ils n‘ont eu recours à l‘oxygène que dans 7% des cas contre 20% pour tous les bras de chloroquine (donc des malades plus graves) … Des données de mauvaise qualité donnent des résultats de mauvaise qualité, très critiquables; « intelligents » peut-être mais « artificiels » surement.

Ce florilège de contradictions a poussé de nombreux experts dans une lettre ouverte au prestigieux Lancet à demander d‘avoir en toute transparence accès aux données utilisées. Nos éminents auteurs, spécialistes des statistiques, se sont interdit de noter la moindre contradiction. Il est vrai qu’admettre le sérieux tout relatif de leurs travaux, serait une atteinte à leur rigueur scientifique.

Bien pire pour leur tiroir-caisse…Ils se sont empressés de se réfugier derrière une présumé clause de confidentialité entre la société Surgisphère qui s‘occupe de la gestion des données et les hôpitaux !

L’étude est estimée à plus de 50 millions d‘euros. Comme si trop de transparence tuait la transparence et il est peu probable que les données publiées vont aller en s’éclaircissant..

Il est vrai que le « traitement des pauvres, hydroxychloroquine » a été sans cesse malmené, par certains dès le départ par des biais méthodologiques, qu’ils justifient à juste titre ou à tort par le contexte d‘urgence sanitaire planétaire et par d‘autres par des conflits d‘intérêts. En effet, de nombreuses voix dont celle de l’infatigable Dr Raoult ont dénoncé le « comportement perfide » de certaines firmes pharmaceutiques, en soulignant que « perfide », c’est encore trop gentil. Gilead, un laboratoire qui vend des antiviraux très onéreux a fait une progression boursière spectaculaire.

Le drame dans ce débat « pseudoscientifique » ne s’est pas limité à une simple divergence d’opinion dans la continuité de ce feuilleton peu glorieux de l’hydroxychloroquine où chaque jour apportent de nouveaux rebondissements. Cette fois ci, plusieurs institutions dont l’Organisation Mondiale de la Santé se sont empressées de tomber dans ce traquenard de la plus révoltante des manières et avec une célérité déconcertante. Certes, seuls les imbéciles ne changent pas d’avis, mais là l’OMS, encore une fois a dû consulter une mauvaise voyante. Dans la foulée, notre Ministère de la Santé, le Haut Conseil de santé publique (HCSP) et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en France viennent officiellement d’interdire l’hydroxychloroquine dans la lutte contre le Covid-19. Si ce médicament accessible, peu coûteux, inscrit sur la liste des médicaments essentiels de l’OMS, largement prescrit depuis 1955 dans le traitement du paludisme et dans de nombreuses affections pour ses propriétés inflammatoires et immun modulatrices a déchainé autant de passions et où le principal concerné, le patient, est superbement ignoré, qu’en sera-t-il des enjeux que va susciter la vaccination !

Cette cacophonie « pseudo médicale » est plus que prévisible quand s’intriquent politique, science et business. Quand un éminent scientifique chope le virus de la politique, boosté par des politiciens et non des moindres, qui militent ardemment pour leur réélection en se découvrant subitement des vocations de scientifiques et de chercheurs qui ne cherchent en réalité qu’à remplir les urnes. Quand les politiciens et le conflit d’intérêt s’en mêlent, l’Evidence-Based Medicine (EBM) ou la médecine fondée sur les faits ne s’en relèvera pas. Pendant des décennies, on s’est acharné à poser les bases d’une médecine fondée sur des preuves, nous voilà de retour à une “opinion based-medicine” ou médecine reposant sur des opinions, voire à une “insult based-medicine ou (médecine reposant sur des injures) entre les fans et les détracteurs du professeur Didier Raoult. Ce dernier n’avait-il pas qualifié la publication du Lancet d’une étude « foireuse ».

Cette pandémie a dévoilé des insuffisances dans tous les domaines, elle doit nous inciter à plus de vigilance, de clairvoyance et d’exiger des scientifiques de la transparence.

La transparence est un perpétuel combat. Beaucoup de scientifiques risquent de tomber aux champs de déshonneur du « Lancet Gate ».

Dr Kamel Bouslama
Professeur en Médecine Interne. Tunisie

(1) https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736 (20)31180-6/fulltext