Fadhila Gargouri : quel rôle de la Cour des comptes dans cette période de pandémie
Par Fadhila Gargouri. Présidente de chambre. Cour des comptes - La pandémie mondiale de coronavirus a exigé à notre pays de lancer des initiatives importantes financées par des fonds publics pour assurer la survie de la population vulnérables et des petites entreprises. Face à cette situation, les fraudeurs et les escrocs se réveilleront plus vite que la plupart d'entre nous. Ce seront eux qui repèreront les failles dans les programmes de subventions à la hâte mis en place pour les nécessiteux, ou les initiatives pour se procurer des fournitures importantes de moyens de protection pour le personnel hospitalier. Ils trouveront des moyens de développer des cartels pour faire grimper les prix des produits devenus nécessaires pour la prévention, pour voler les médicaments des hôpitaux et les vendre dans les circuits parallèles et réorienter le financement des nécessiteux vers les comptes bancaires des mafieux.
Les auditeurs publics doivent se réveiller tout aussi rapidement et se battre pour s'assurer que les fraudes sont minimisées. Il y aura des pertes, dans une certaine mesure c'est le prix d'une réponse rapide, et notre pays doit réagir rapidement, mais les auditeurs publics pourraient être en mesure de réduire les possibilités de fraude et de corruption.
Dans ce contexte, la Cour des comptes doit contribuer à renforcer les contrôles financiers en cette période difficile. Elle devrait disposer de solides réseaux pour partager rapidement des informations et organiser des téléconférences et des webinaires pour discuter des principaux domaines à risque auxquels le gouvernement est susceptible d'être confronté, en particulier dans le domaine de la santé et dans les nouvelles initiatives majeures visant à protéger les entreprises et les personnes vulnérables. Ces réseaux sont, également, nécessaires pour que la Cour puisse échanger avec les ISC similaires les bonnes pratiques et les exigences (culturelles, organisationnelles et de communication) du contrôle des deniers publics à distance par le biais des nouvelles technologies et des outils de l’intelligence artificielle.
La Cour des comptes a l’expertise dans les achats et sache quels contrôles devraient être mise en place et opérationnels pour déceler la fraude et la sanctionner, et elle a le pouvoir d'accéder aux systèmes informatiques et d'exiger de consulter les documents. Bien sûr, il sera plus difficile pour la Cour d'exercer ses pouvoirs pendant que son personnel n’est pas libre de ses déplacements (exigences du confinement), mais de plus en plus, même dans les contextes les plus difficiles, le personnel a accès à ces ressources - et si ce n'est peut-être pas maintenant, certains de ses partenaires dont notamment la société civile pourraient être en mesure de se déplacer assez rapidement pour l’aider à obtenir les informations et outils dont elle a besoin pour qu’elle fasse le travail attendu par le contribuable. C’est également le moment où la Cour des comptes devrait créer des opportunités pour discuter (par le biais de nouveau moyens de communications adaptés aux exigences de la situation) avec ses partenaires, des risques auxquels sont confrontés les ministères des finances, de la santé, des collectivités locales et des contrôles nécessaires à faire.
La Cour des comptes exhorte le gouvernement à mettre en place les meilleures pratiques en matière de marchés publics, en particulier pendant cette urgence sanitaire. La Cour des comptes devrait répondre aux souhaits d’encourager les audits en temps réel des processus de marchés publics, précisément en raison du caractère exceptionnel de la situation et de l'ampleur de l'urgence. Faut –il que la Cour des comptes change de sa politique d’intervention ? Peut que ce n'est pas le moment pour la Cour de se concentrer uniquement sur les audits une fois que l'argent a été dépensé et perdu, mais de s'impliquer tôt pour s'assurer que les possibilités de pertes sont réduites au départ.
C'est aussi le moment d'émettre, ou de rediffuser, des conseils de bonnes pratiques à des personnes clés du secteur public, pour leur rappeler les domaines de risque et les contrôles qui sont nécessaires. Il sera important de partager avec eux des exemples concrets de la façon dont les fraudeurs et les fonctionnaires corrompus ont contourné les meilleurs contrôles. Il convient de rappeler aux commissions parlementaires et aux partenaires des organisations de la société civile les principaux risques à surveiller et les contrôles nécessaires.
Une action courageuse et opportune de la Cour des comptes (beaucoup de ses interventions en témoigne ses valeurs) peut faire la différence dans la vie des citoyens et leurs donner la certitude que même dans les moments de crises, la responsabilité financière publique est importante et les instruments de sa protection sont possibles au vue de la bonne volonté.
Fadhila Gargouri
Présidente de chambre
Cour des comptes
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heureusement que la Cour des comptes vienne à s'exprimer et à sonner l'alarme pour contrer les mafieux de tout ordre .Plaise au Gouvernement d’emboîter le pas à cette initiative et de mettre ses moyens pour assainir la vie des citoyens au plan sanitaire et économique