Le président de la BAD, Dr Adesina ‘’disculpé de toutes les allégations portées à son encontre'' - Récit d'un bras de fer avec des proches de Trump
Blanchi ! ‘’Entièrement exonéré !’’ Le président de la Banque africaine de Développement (BAD), Dr Akinwumi Adesina gagne une première manche importante dans le bras de fer que lui oppose les Etats-Unis d’Amérique, ouvertement et par lanceurs d’alertes interposés. Des ‘’dénonciations’’ internes et des campagnes de presse relayées sur les réseaux sociaux l’accusent de népotisme en faveur de ses compatriotes nigérians dans des nominations à de hauts postes et de violation du règlement intérieur de la Banque ainsi que de sa charte d’éthique. Le timing de cette attaque n’est pas fortuit. Il intervient à quelques semaines seulement de la réélection ou non du président actuel de la BAD, ce qui explique sa férocité.
Saisi par une plainte introduite le 19 janvier 2020 par un groupe de lanceurs d’alerte, le Comité d’Ethique des conseils d’administration de la BAD et du Fonds Africain de Développement (FAD), présidé par le Japonais Yano Takuji, a ‘’disculpé le président de toutes les allégations portées à son encontre’’. Le bras de fer continue, cependant, mais l’entourage du Dr Adesina garde confiance quant à sa réélection très prochainement pour un second mandat.
Le texte intégral du rapport vient d’être adressé à tous les États-membres par la présidente des Gouverneurs de la BAD, Nialée Kaba. Dans sa lettre de transmission, Mme Kaba écrit : ‘’sur la base des résultats du rapport du dit Comité, je suis d’avis que nous en adoptions les conclusions en déclarant que le Président est entièrement exonéré de toutes les allégations formulées à son encontre. » Et d’ajouter : ‘’Je vous demande en conséquence de vous joindre à moi pour rétablir la paix et la sérénité au sein de la Banque, et pour soutenir ainsi les efforts qu’elle est emmenée à déployer pour aider les pays membres à affronter la crise mondiale actuelle.’’
Élu pour un (premier) mandat de cinq ans, le 28 mai 2015 (succédant à Donald Kaberuka, Rwanda), Dr Akinwumi Adesina, (ancien ministre du Nigeria) qui avait pris ses fonctions officiellement le 1er septembre 2015, devait rempiler sans crainte pour un second mandat, fort des multiples réussites accomplies par la BAD sous son leadership. L’élection devait initialement se dérouler ce printemps lors de la réunion d’un conseil des gouverneurs et précéder les assemblées générales annuelles qui se tiennent habituellement fin mai (après celles du Printemps du FMI et de la Banque mondiale à Washington DC.). Initialement prévues du 25 au 29 mai, elles se tiendront du 25 au 27 août 2020, à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
La torpille lancée par des fidèles de Trump
Un grand boulevard était alors largement ouvert devant ‘’Akin’’ rapidement devenu, avec ses nœuds papillons élégants et son sourire charmeur, la coqueluche des médias et adoubé par les grands de ce monde. C’est alors qu’un règlement de compte est déclenché en torpillage. La première une salve d’attaque est lancée depuis Washington. L’Administration Trump s’emploie à l’accabler, par la voix de Steven Dow, un fidèle du président américain, directeur exécutif à la BAD, et farouche antichinois déclaré, d’une série d’accusations. Elle lui prête tour-à-tour, un rapprochement prononcé avec la Chine favorisant le renforcement de son implantation sur le continent africain, le peu d’enthousiasme qu’il témoigne à son vaste programme de contre-offensive chinoise, intitulé Prosper Africa, une grande proximité avec l’Afrique du Sud et des désignations de complaisance et de favoritisme à des fin électorale.
Une habile gestion de crise
Prompt à réagir dès la toute première étincelle détectée, le président de la BAD a annoncé qu’il saisira lui-même le Comité d’Éthique de la BAD et du FAD. Sortie sur la place publique, ce bras de fer alimentera une longue controverse dans les médias africains et occidentaux ainsi que la presse financière. Les enjeux en sont en effet sérieux.
Face à ses détracteurs irréductibles, le président de la Banque adopte une stratégie ''agressive'' de gestion de crise. Prenant le taureau par les cornes, il met en avant le son mandat de cinq ans la tête du Groupe de la Banque et mobilise le soutien des chefs d’État africains en sa faveur. Sa gestion habile des conséquences économiques et financières du Covid-19 et les mesures d’appui immédiatement prises au profit des pays concernés lui servira d’atout majeur supplémentaire
Quelles chances effectives de réélection pour Dr Adesina?
‘’L’acharnement des proches de Trump contre Dr Adesina ne fait qu’attiser davantage la mobilisation de ses supporters’’, souligne un connaisseur des palais africains et de la BAD. Les chefs d’État africains sont pour leur plupart très attachés à la souveraineté de la décision du continent, sensibles à l’opinion publique dans leurs pays qui n’est pas très enthousiasmée par l’actuel locataire de la Maison blanche et même hostile à son style iconoclaste, ajoute-t-il. Plus encore, laisser la main libre aux pays non-régionaux (non-africains) actionnaires de la BAD, c’est leur remettre les clefs de cette institution et la mettre dans le giron de leurs propres ententes’’, prévient-il.
La bataille s’annonce alors serrée et animée. ‘’Les candidats qui seront poussés contre Adesina ne manquent pas. Ils seront utilisés pour semer la division dans les rangs, souligne un africaniste. Une politisation accrue de la BAD la détournera de son rôle fondamental de la plus grande institution financière multilatérale au service de l’Afrique’’, craint-il.
Des chefs d’État montent au créneau
Volant au secours du ‘’banquier du continent’’, des dirigeants africains félicitent le président de la Banque africaine de Développement pour son leadership visionnaire dans la crise du Covid-19. D’une même voix, le président sud-africain et président de l'Union africaine, Cyril Ramaphosa, et la lauréate du prix Nobel de la paix et ancienne présidente du Libéria, Ellen Johnson Sirleaf, lui ont publiquement rendu hommage. Le président Ramaphosa a exprimé sa gratitude pour l'engagement de la Banque de 26 millions de dollars en faveur des Centres africains de contrôle et de prévention des maladies, pour son soutien dans l'acquisition de fournitures médicales essentielles en Afrique, et pour les instruments financiers que la Banque a fournis pour aider les pays membres à faire face à la pandémie.
La Banque africaine de développement (BAD) a en effet récemment lancé un lien social "Fight Covid-19" de 3 milliards de dollars, avec des offres dépassant les 4,6 milliards de dollars, soit le plus important emprunt social libellé en dollars jamais lancé sur les marchés internationaux des capitaux et de la plus grande référence en dollars américains jamais émise par la Banque. La Banque a également lancé une facilité de réponse à la crise de 10 milliards de dollars pour soutenir l'Afrique et faire face à la pandémie.
Sur le même élan, la présidente Sirleaf a déclaré que ‘’les dirigeants de l'Afrique, et j'ose dire du monde entier, ont reconnu les changements importants que vous avez apportés à la Banque - réorganisation de la gestion et restructuration des opérations de la Banque autour des High 5 qui représentent une réponse aux besoins de développement les plus critiques de l'Afrique". Elle a particulièrement salué le succès de la reconstitution du capital de la Banque, porté à un niveau record, pour le porter de 115 milliards de dollars, à 208 milliards de dollars, soit la plus importante de l'histoire de la Banque.
Verdict final imminent ! A moins que...
Taoufik Habaieb