Mohamed Kasdallah : Militaire, as-tu fait ce qu’il fallait pour mériter une place dans la société ?
Sans prétendre à l’exhaustivité, cette contribution se veut être une invitation exclusive aux militaires de tout grade, toute spécialité, jeunes et moins jeunes, d’active ou à la retraite, de s’engager dans la vie publique qui n’est autre qu’une manière différente mais concrète de servir son pays et une contribution collective au rayonnement de l’Armée. C’est une question existentielle pour le militaire, celle de sa place dans la société.
Car elle est au fond sa raison d’être: comment, une fois remis à la vie civile civile, s’ériger en défenseur intransigeant de son pays, en protecteur de ses citoyens, en garant de liberté et de démocratie, au profit d’une entité au sein de laquelle on n’aurait pas su trouver sa place?
Pour bien saisir de quoi veut-on traiter au juste, il faudra préciser la signification donnée aux mots société et place. Doit-on opposer société civile et société militaire ? S’il s’agit de considérer la société dans son ensemble, faut-il penser que le militaire puisse réellement y tenir une place à part ?
La société ce sont en fait tous les espaces des relations que l’on peut entretenir à l’extérieur de l’institution militaire. De la place du militaire parmi les élites du pays, de son rang dans la fonction publique, de son influence auprès des médias, de ses relations avec le monde éducatif, avec le monde administratif, le monde sportif…etc.. Car la société c’est un peu tout cela.
La place à tenir par le militaire n’est pas un dû; elle n’est pas offerte; elle n’est pas un droit; et elle nous est d’ailleurs pas spontanément proposée… Nous ne sommes pas attendus. Bien au contraire, nous sommes souvent marginalisés, niés, écrasés, annihilés par un pouvoir public plus vorace que jamais. Et pourtant nous sommes toujours là. Et ce sont nous qui sauvons la mise en temps de naufrage. Ce sont nous, oui, qui, en ce temps de pandémie de coronavirus, faisons face au malheur. Tant pis pour nous si on chope le virus. N’y-a-t-il pas un stupide responsable qui pensait que l’enterrement des victimes du virus c’est l’affaire des militaires et non pas aux agents de la municipalité?
Pour revenir sur la place des militaires dans la société, dans notre société, je dirai que c’est une place dont il faut savoir se saisir. Nous le savons bien, cette place, pouvant être remise en cause au quotidien, est donc à conquérir. C’est une place qu’il faut savoir revendiquer, en étant en mesure de justifier de notre aptitude et de notre prétention à l’occuper. Nos savoir-faire et savoir-être sont les clefs qui ouvrent les portes d’une forme de reconnaissance, d’acceptation. Elles ne sauraient être suffisantes. La vraie clé est davantage celle de la volonté et de la détermination, celle de notre investissement personnel.
«Militaire, as-tu fait ce qu’il fallait pour tenir ta place, ton rang, ton rôle au sein de ta société?»
Notre légitimité vis-à-vis de nos concitoyens se gagne tout au long de notre carrière. C’est pourquoi, il est demandé à nos camarades en activité de s’y impliquer; il ne faut pas attendre le moment de la retraite pour le faire. Sans faire transgresser le règlement en vigueur, cela va sans dire.
Cette absurdité de nous «confiner» dans notre sphère professionnelle et que l’on a enduré sa vie durant, doit disparaitre à jamais. Personne ne voyait rien de bien et personne ne s’en offusquait du mal qui se fait. Conséquence : une fois l’uniforme quitté, l’on se
Ne sommes-nous pas trop souvent tentés par le repli sur soi, s’isoler, rester confiné chez soi, se retirer dans une lointaine campagne, cultiver notre potager et regarder grandir nos enfants et puis nos petits-enfants?
Les militaires doivent finalement accepter une évidence: il est de leur devoir de rester ambitieux pour leur pays et pour leurs concitoyens, en dehors de leur activité professionnelle; et de continuer à l’être une fois la vie civile retrouvée.Il existe de nombreuses opportunités, de nombreuses places à occuper dans une société à laquelle nous continuons à apporter des compétences, des connaissances, des valeurs, des convictions.
Gardons-nous surtout de nous contenter du monde associatif «militaire» qui, bien qu’il soit nécessaire, n’est qu’une extension de l’institution militaire à laquelle nous avons appartenu. C’est ailleurs, au contact des forces vives de notre pays que nous devons chercher à nous investir.
Mohamed Kasdallah
Ancien Officier de l’Armée Nationale
NB : Dans la deuxième partie et en guise de témoignage j’évoquerai ma très brève expérience politique en compagnie d’une équipe d’anciens officiers.