Mohamed Larbi Bouguerra: Le coronavirus, révélateur de la politique d’apartheid d’Israël
Meyer Habib, ce curieux député des Français à l’étranger qui parle hébreu au Palais Bourbon, est confiné à Eilat en Israël, pas bien loin de son idole, Benjamin Netanyahou. Pandémie ou pas, sa haine des Palestiniens ne prend pas de quartiers. Nulle retenue ne le frôle. Il s’en prend une fois de plus aux Palestiniens qui recevraient des millions pour lutter contre le virus mais écrit-il, désappointé, dans un tweet : « Solidarité humaine oblige ! Ok. » en ajoutant aussitôt : « Il faudrait peut-être qu’ils commencent à respecter le confinement et les gestes barrières » en publiant deux photos, dont l’une montre des centaines de personnes dans une mosquée. En fait, le cliché est extrait d’une vidéo YouTube postée le … 9 novembre 2017. Deuxième tweet de ce député bien particulier : « Pour info, « Israël envoie tous les jours des camions humanitaires à Gaza et à l’Autorité Palestinienne ». En fait, nouvelle fake news de Habib : point d’aide israélienne aux Palestiniens mais des convois internationaux car le blocus inhumain dure depuis 13 ans et laisse le champ libre au coronavirus. (Lire Pierre Barbancey, « Le député Habib dépasse les bornes », L’Humanité, 14 avril 2020, p. 20)
Une communauté très sioniste
Mais tous les juifs français ne sont pas à Eilat comme le député planqué Habib.
Les juifs français sont furieux, écrit Shachar Peled (Haaretz, 12 avril 2020). Leurs idées reçues sont chamboulées puisqu’Israël n’est plus l’ultime refuge et le havre salutaire…. De plus, ils sont quatre fois plus victimes du coronavirus que la moyenne de la population.
Pour la première fois depuis sa fondation en 1948, Israël se ferme devant les juifs non-israéliens vivant à l’étranger…. Ce qui met dans une colère noire ses plus ardents défenseurs en France tel un certain Bernard Abouaf, journaliste à Radio Shalom, qui déclare : « Les gens sont choqués en France. C’est une question existentielle. Cela ne s’est jamais produit auparavant : les juifs qui contrôlent la terre disent à ceux qui n’ont pas ce pouvoir « vous ne pouvez pas venir parce que nous devons nous protéger ». » Abouaf a des parents en Israël mais n’est pas citoyen israélien. Il est particulièrement énervé par le fait qu’Israël envoie des avions pour ramener les Israéliens bloqués à l’étranger mais « laissent derrière » ses défenseurs les plus dévoués. « C’est un scandale » éructe-t-il. Et d’expliquer : « La communauté [juive] française est une communauté très sioniste. Il n’y a pas une unité de l’armée israélienne sans Français.
Il n’y a pas un district de Jérusalem ou de Tel Aviv sans Français et puis vous voyez tous ces avions d’El Al aller chercher des Israéliens pour les ramener à la maison en nous laissant sur le carreau…. L’intérêt pour Israël est si fort en France que je commence mon journal du soir par donner les nouvelles du corona en Israël avant de parler de celles de France. » Amer, Abouaf rappelle que la communauté juive de France a toujours volé au secours d’Israël et de son économie comme elle l’a fait lors de la seconde Intifada. Il insiste sur le fait qu’Israël viole la Loi du Retour en interdisant aux juifs français d’entrer maintenant en Israël. Cette Loi autorise les juifs à vivre en Israël et elle a permis durant des décennies de faire venir en Israël les juifs d’Ethiopie, d’Iran, du Yémen, d’Iran…. Abouaf déplore que de nombreux parents âgés français soient empêchés d’aller en Israël alors que leurs enfants servent dans l’armée d’occupation.
Le calvaire inhumain des palestiniens de Gaza
Côté palestinien, on est bien loin des états d’âme de M. Bernard Abouaf et de ces vieux juifs français dont les enfants servent de supplétifs dans l’armée d’occupation israélienne. Nous avons plutôt une illustration particulièrement poignante de ce qu’endurent les Gazaouis et notamment les plus jeunes.
Etudiante palestinienne en langue anglaise née à Gaza - enclave assiégée par Israël depuis 1991 - et à présent confinée, seule, en Grande Bretagne, Randa déclare à Hiba M. Yazbek : « Finalement, le coronavirus donne l’occasion au monde entier de se rendre compte de ce que nous avons toujours enduré. » (Haaretz, 9 avril 2020).
Sara est une étudiante gazaoui en art et en journalisme dans une université du Golfe grâce à une bourse américaine. Elle confesse : « Je vivais dans une grande prison. J’étais déprimée et je risquais de gros problèmes de santé mentale. Aujourd’hui, deux ans après mon départ de Gaza, je souffre du traumatisme légué par toutes les guerres que j’ai vécues. Je souffre d’être loin de ma famille et je suis encore émotionnellement instable… ». D’après le Centre gazaoui des Droits Humains Al Mizan, les troubles post-traumatiques sont particulièrement ressentis par la génération née lors de la première Intifada (1987-1993), qui a grandi au cours de la seconde Intifada (2000- 2005) et qui a vécu trois guerres en six ans. Cette génération souffre aussi beaucoup du chômage et du désespoir économique.
Un parcours du combattant
Pour Randa et Sara comme pour d’autres jeunes Gazaouis interrogés par Yazbek, quitter le confinement inhumain imposé par la soldatesque israélienne a été un rêve qu’ils n’ont cessé de caresser leur vie durant. Israël a la haute main sur la liberté de mouvement de 1,9 million de Palestiniens de Gaza. Israël décide qui doit entrer ou sortir du territoire et il limite ce droit à des circonstances très spéciales et très spécifiques.
Après la première Intifada, Israël a commencé à limiter les déplacements des Gazaouis vers Israël et vers la Cisjordanie. Cette politique est devenue de plus en plus restrictive, surtout après le départ de Gaza des colons et de l’armée israélienne en 2005. Le siège a atteint des sommets dans l’horreur quand les élections ont mis au pouvoir le Hamas et qu’Israël a réduit de façon drastique les mouvements tant des personnes que des marchandises.
Les jeunes Gazaouis qui veulent partir étudier à l’étranger doivent obtenir l’accord de pas moins de quatre autorités : le Coordonnateur israélien des Activités du Gouvernement dans les Territoires, le Comité Palestinien des Affaires Civiles, le Hamas et en fonction du point de sortie de Gaza (Rafaâ ou le pont Allenby via Erez) soit l’assentiment de l’Egypte soit celui de la Jordanie. Le refus d’une seule autorité met par terre toute la démarche ne laissant au candidat malheureux que la possibilité de refaire sa demande et espérer des réponses positives. Ce triste tonneau des Danaïdes peut prendre des années !
Quand tout s’emmanche, commence finalement le voyage physique. D’abord le Hamas, suspicieux, conduisant l’interrogatoire le plus long du candidat au départ et voyant en ces jeunes quittant le territoire des marginaux et des rebelles. Puis vient le contrôle de l’Autorité Palestinienne et pour finir Erez, celui d’Israël. Randa raconte : « Je suis passée par le contrôle des Israéliens avec tous mes bagages. Ils m’ont fait signer un papier en hébreu - dont je ne comprends ni ne lit un traître mot et, aujourd’hui encore, je ne sais pas ce que j’ai signé. »
Pour l’ONG Gisha, Israël a imposé de nouvelles restrictions sur les bagages au passage Erez en 2017 : un seul bagage à main, pas d’appareils électroniques sauf un téléphone. Pas d’aliments, pas de sandwichs ni d’eau minérale durant ce long périple. « J’ai dû laisser toutes mes affaires et tout racheter en Angleterre; ce qui a bien grevé mon budget » affirme Randa.
Home, Sweet Home
Mohammed, 27 ans, diplômé d’anglais, vit maintenant dans le Maryland. Cas unique au monde : Avoir un diplôme universitaire à Gaza est un vrai handicap pour dénicher un emploi. Après des années d’infructueuse recherche d’emploi, incapable de subvenir aux besoins des siens, en dernier recours, il a décidé de quitter Gaza. Et ce fut un cauchemar de plusieurs années qui lui coûta trois bourses d’études. Echouant plusieurs fois à quitter par la Jordanie, il essaya par l’Egypte… « mais il fallait avoir de l’argent car il faut graisser la patte des deux côtés ». Et c’est ainsi qu’il partit par l’Egypte pour atterrir au Chili, là où vit la plus grosse communauté palestinienne hors le Moyen-Orient. Il y vécut deux ans avant d’arriver aux Etats Unis.
Quant à Randa, elle se bat avec la culpabilité d’avoir quitté les siens à Gaza. « Je sais, dit-elle, que si je retourne à Gaza, j’aurai à subir l’interrogatoire du Hamas. Ils sont très soupçonneux vis-à-vis des gens comme nous, ceux qui sont partis pour trouver de meilleures opportunités. Ils y voient un acte de défiance à leur encontre. Retourner à Gaza lui glace le sang car c’est faire face, une fois de plus, à un avenir incertain.
Sara, de son côté, affirme que retourner à Gaza est presque impossible et cela fait mal. « La famille et mes amis manquent. L’odeur de Gaza me manque. Comme me manque l’endroit où j’ai grandi. Mais je sais qu’un tel retour est dangereux car j’ai eu des activités politiques à l’étranger et sur les réseaux sociaux. Je pourrais finir en prison. Et puis, ce retour fera que je ne pourrai jamais plus quitter Gaza.
Elle ajoute : « Nulle part, je ne retrouverai ma maison et les miens. Vivre à l’étranger est une épreuve. Vivre loin des miens est un combat quotidien. Ne plus les revoir est épouvantable. Mais, au final, tout cela est plus supportable que de vivre dans une zone de guerre constante, avec une peur qui ne finit jamais, en voyant constamment la mort et la misère et en souffrant mentalement et émotionnellement pour le reste de mon existence.
Pour Sara, imaginer l’avenir est impossible : « J’ai horreur de penser à l’avenir. Il est inexistant. Quand mon visa expirera, je reviendrai à la case départ. Nous sommes enfermés à l’intérieur de Gaza. Quand nous quittons Gaza, nous restons emprisonnés dans la bureaucratie et les procédures. Naître à Gaza, c’est recevoir automatiquement une condamnation à mort. »
Malgré la pandémie, le blocus de Gaza continue et favorise la propagation du virus d’autant qu’Israël ne desserre pas l’étau arguant d’un soi-disant « double usage » du matériel - qui pourrait être utilisé dans des actions de résistance. Aucun soutien n’est fourni aux 2 millions de Gazaouis. Quoi qu’en dise Meyer Habib. Pire ! Le ministre israélien de la Défense, Naftali Bennett, subordonne toute aide à Gaza à la restitution des corps de deux soldats israéliens….
Le calvaire de Sara, de Randa, de Mohammed et de bien d’autres jeunes Gazaouis n’est pas prêt de s’achever. Pandémie ou pas, l’apartheid pratiqué par l’Etat sioniste perdure.
Mohamed Larbi Bouguerra
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Comme d'habitude, tout est beau et parfait dans les pays arabes qui traitent bien les palestiniens. Et comme d'habitude tout est mauvais chez les juifs. Il est facile d'utiliser le peuple palestinien pour gagner sa croute en toute sécurité. C'est vraiment inadmissible; et c'est clinique. Je vous l'avais dit: occupez- vous d'abord des problèmes tunisiens. Les palestiniens sont assez grands pour s'occuper de leurs propres problèmes.
A Aziz: Il me suffit de rappeler en ce jeudi 16 avril 2020 qu'Israël a bafoué notre souveraineté nationale en assassinant le 16 avril 1988 Abou Jihad, un des fondateurs de l'OLP. Je rappelle aussi que le regretté Président Nelson Mandela disait le 14 décembre 1997: "Notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens."