Mahmoud El May – L’OPEP et les Tweets de jeudi : Pourquoi ? Ce qui va se jouer ce lundi
L’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP) élargie à d’autres pays tiendra ce lundi 6 avril une réunion virtuelle cruciale. Elle doit en effet décider ou non la réduction de la production du pétrole, et dans l’affirmative, le niveau de cette réduction, avec toutes les conséquences possibles sur le prix du baril. Chacun de son côté, le président américain Trump et le roi d’Arabie saoudite, Salman Ibn Abdelaziz y va de son argumentaire et de son poids, alors que le président de la Fédération de Russie, Poutine, mais aussi d’autres chefs d’Etat sont à la manœuvre.
Sollicité par Leaders, Mahmoud El May, expert international qui suit de près ce dossier, (Constituant, député à l’Assemblée nationale Constituante, ANC, 2011 – 2014), élu du parti PDP), nous livre dans une analyse pertinente des éléments instructifs sur ce qui va se jouer ce lundi. Quel impact sur la Tunisie?
Dans un tweet lancé jeudi 2 avril, le président Donald Trump a annoncé qu’il s’est entretenu téléphoniquement avec le Roi Salman d’Arabie Saoudite et le président russe Poutine pour leurs demander de réduire la production pétrolière de 10 à 15 Mbbl/jour. Il a aussi précisé qu’il n’a pas offert de réduire la production américaine.
Or depuis plusieurs années, OPEP (14 Pays) et OPEP+ (14+10 non-OPEP) ont maintenu les prix entre 80 à 100 dollars le baril, en réduisant leurs productions. Et chaque réduction était suivie par une augmentation de la production américaine. Une augmentation favorisée par de nouvelles découvertes et productions d’huile de Schiste (Shale Oil).
L’OPEP produit aujourd’hui 28% de la production mondiale, sachant que l’Iran, Libye et Venezuela sont presque à l’arrêt. Aussi, l’OPEP+ (24 Pays) est actuellement à 50% de la production mondiale. Demander, comme le fait Trump, de réduire de 15Mbbl/jour revient à une baisse de +/- 30% de leur production actuelle.
Depuis 2014 la production américaine est passée de 7 à 8 Mbbl/jour à presque 13M (les Etats-Unis sont aujourd’hui le 1er producteur mondial (13Mbbl/jour), et aussi le plus grand consommateur a 20Mbbl/jour (20%), suivis de la Chine avec 14M et l’Inde 6M. Au même moment, l’Arabie saoudite est passée de la 1ère à la 3ème position en tant que producteur (9Mbbl/jour), derrière la Russie.
Aujourd’hui, si Trump demande à la Russie et l’Arabie de diminuer leur production de 15M, pour sauver les emplois au Texas (America First Oblige), quel effet aura cette diminution sur le marché mondial ?
La dernière réunion de l’OPEP s’est soldée par un échec alors que l’Arabie ne demandait qu’une diminution de 1,5 Mbbl/jour et a reçu un ‘’Niet’’ Russe. Or aujourd’hui la consommation mondiale a diminué de plus de 20Mbbl/jour, et le bout du tunnel n’est même pas visible à cause de la pandémie. L’Arabie a perdu plus de 30% de ses parts de marché et crois, dur comme fer, que c’est le moment de les reprendre, étant donné, qu’avec l’Iraq, ils détiennent les plus grandes réserves connues.
Le rebond des prix constaté jeudi et vendredi sur les marchés du Brent et WTI peut n’être qu’un rebond technique de prise de profits de spéculateurs qui ont vendu (Short) à la confirmation de diminution de la consommation chinoise début mars dernier. Les fondamentaux étant qu’il y a un surplus de production de 20Mbbl/jour et que les stocks mondiaux sont au plus haut historique. A cela s’ajoute le fait que pour remédier à ce manque de stockage l’Arabie et l’Iran sont entrain de louer à tour de bras les supers Tankers pour les utiliser comme stockage flottant.
Techniquement, tant que les prix n’ont pas atteint les 40$/bbl, le marché reste baissier.
Le dernier président américain à avoir essayé d’influencer le marché du pétrole pour des fins électorales était Bush Père. Et nous en connaissons la suite : il a raté son second mandat à la Maison Blanche. Trump risque de connaître le même sort.
Les compagnies pétrolières américaines ont été invités à une réunion virtuelle du 6 avril, mais ne peuvent signer aucun accord à cause de la loi Anti-trust qui leur interdit toute association pouvant influencer les prix. Pareille entente illicite leur fait courir le risque de poursuites judiciaires par les consommateurs.
Une demi-mesure de l’OPEP+ le 6 avril ne changera rien au marché et un désaccord plongera les prix entre 10-15 $/bbl.
Mahmoud El May
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