Décès de l’ancien militant et maire de Sfax, Ahmed Zghal
Une grande figure du mouvement national tunisien, de l’éducation et de la protection de l’environnement nous quitte avec le décès à l’aube ce matin de Ahmed Zghal, ancien maire de Sfax à l’âge de 96 ans. Personnalité marquante, homme de conviction et de caractère, il avait contribué à la formation de génération successives de hauts cadres de la nation, en sa qualité de proviseur du Lycée 15 novembre 1955. Etablissement zitounien à l’origine, il en a fait un grand lycée moderne de référence, accueillant des élèves du centre et du sud tunisien et réunissant une pléiade des meilleurs enseignants. Rigoureux, Ahmed Zghal avait fait du savoir et de la rectitude une règle d’excellence. Visage ferme, mais regard courtois, des moustaches fines, et une pipe qui ne le quittait jamais, il émanait de lui une autorité naturelle qui force le respect.
Né à Sfax le 29 janvier 1924, Ahmed Zghal avait poursuivi ses études supérieures à la Zitouna où il obtiendra la licence en droit. De retour à Sfax, il sera appelé à faire partie du premier noyau chargé de la modernisation de l’enseignement tunisien. Pendant pas moins de trois décennies, il s’attellera à la tâche à la tête du Lycée 15 Novembre, qui avait accueilli en 1955, le congrès décisif du Néo-Destour, plébiscitant Bourguiba contre Salah Ben Youssef.
Un maire de pleins pouvoirs
Militant du Néo-Destour, Ahmed Zghal était très actif sur la scène régionale (président de la plus grande cellule, celle du centre-ville), et nationale, n’hésitant guère à afficher des idées progressistes et défendre la cause du pluralisme politique et de la préservation de l’environnement. Très respecté pour sa grande stature et son aura, il avait toujours décliné différentes propositions de hauts postes politiques à Tunis, préférant demeurer à Sfax dont il était adjoint-au-maire et servir la patrie. Ahmed Zghal sera alors promu directeur général de l’Enseignement, puis élu maire de la ville. Son mandat à la tête de la deuxième ville de Tunisie sera marqué par le renforcement des services communaux, le lancement de grands projets d’infrastructure et des programmes sociaux, en plus des travaux d’aménagement urbain. Il portera également une attention toute particulière à la promotion de la culture et l’encouragement des gens de lettres.
La lutte contre la pollution et pour la préservation de la nature: le grand combat de sa vie
Mais, la grande œuvre qui tenait le plus à cœur d’Ahmed Zghal était sans doute la protection de l’environnement. Pionnier, il profitera du grand respect dont il jouissait auprès des autorités pour arracher une autorisation de constitution de la première association de protection de la nature. Sfax, ville martyrisée depuis le début des années 1960 des émanations polluantes de la SIAPE et de la NPK, payai et continue à ce jour le prix fort de la violation de la nature et de l’intoxication de l’environnement. Réunissant autour de lui un groupe de jeunes militants qui préfiguraient alors la société civile aujourd’hui engagée dans l’action écologique, Ahmed Zghal engageait alors un combat déterminé, certes serein et apaisé, mais irréductible. Ingénieurs, scientifiques, enseignants, médecins et autres avocats et militants, ils ont mis les jalons d’une action structurée, fondée sur une démarche scientifique, et portée par les aspirations de la population.
L’ampleur qu’a pris ce mouvement à Sfax avait rapidement fait des émules à Tunis et dans d’autres régions où des associations commençaient à voir le jour. Tous demandaient à Ahmed Zghal de les fédérer dans une structure nationale de synergie et de coordination, sous forme de fédération des associations de protection de la nature. Y acquiesçant, il avait mis toutes son énergie, mobilisant ses relations politiques et ses anciens élèves devenus hissés à de hautes fonctions à Tunis, pour en obtenir l’autorisation. Dans sa rigidité et son autoritarisme, « le pouvoir » lui fera comprendre sans détour, que des associations, oui, mais une fédération d’associations, non. Il craignait de voir naître un nouveau contre-pouvoir qui déstabiliserait le système en place. L’histoire lui rendra raison et une fédération naîtra dans la foulée de 2011.
Toujours l'essentiel, jamais le futile
Lassé par tant d’aveuglement, Ahmed Zghal se retirera sur la pointe du pied et décidera, début des années 2000 de s’installer à Tunis. Ce qui lui était le plus cher à y emporter avec lui, c’était une partie de son immense bibliothèque. Féru de lecture, cet intellectuel passait alors une grande partie de son temps à lire, recevoir parents, amis et disciples et débattre des questions essentielles, sans jamais prêter attention au futile.
Il faut dire que son épouse, Mme Riadh Chaabouni Zghal, sociologue et gestionnaire, ancienne doyenne de la faculté des Sciences économiques et de Gestion de Sfax (FSEG), avait contribué à son bonheur et enrichi leurs débats de fond.
A son épouse, Riadh, à ses deux enfants, Temi et Emna et à la famille, toutes nos sincères condoléances.
Allah Yerhamou.
Les obsèques auront lieu dans la stricte intimité aujourd’hui au cimetière de la Soukra, à Tunis.