Mohamed Ghannouchi : Adieu si Hamed; Merci pour tout
La triste nouvelle du décès de si Hamed Karoui est pour moi un choc. Plus qu’un collègue, il était un grand frère, envers qui j’ai beaucoup de respect, auprès de qui j’ai toujours trouvé le réconfort et le soutien dans les moments de doute et d’incertitude.
Le décès de si Hamed est une perte cruelle. Elle l’est pour sa femme, ses enfants et sa famille. Elle l’est, aussi, pour ses amis, pour tous ceux qui ont travaillé, sous ses ordres ou avec lui, dans les différentes responsabilités qu’il avait assumées, avec brio, tout au long de sa riche carrière. Elle l’est également pour la Tunisie que le défunt a servi avec abnégation, jusqu’au bout, jusqu’à son dernier souffle.
La douleur que nous ressentons, aujourd’hui, est d’autant plus grande que la grave crise sanitaire que vit aujourd’hui notre pays nous accule au strict confinement dans nos maisons et nous empêche de pouvoir assister aux obsèques de l’auguste défunt.
Si Hamed laisse derrière lui un riche bilan d’une vie, bien remplie, au service de la Tunisie en tant que médecin pneumologue, maire de Sousse sa ville natale, ou en tant que militant, éminent Homme politique et Homme d’Etat.
L’Histoire retiendra le rôle de premier plan qu’il avait assumé en tant que Premier ministre tout au long des années quatre-vingt dix. J’en suis témoin.
Il était le grand frère auprès de qui les ministres, toutes tendances confondues, trouvaient conseil et aide pour se ressourcer et mener à bien leur tache.
Il était l’homme, qui a su et pu, malgré les limites des prérogatives de la fonction de Premier ministre, assurer à l’action gouvernementale, dans les domaines qui lui reviennent, davantage de cohérence et d’efficacité à l’origine de l’amélioration significative de nombreux indicateurs socio-économiques tout au long de cette période.
L’histoire retiendra, également, le rôle éminent qu’il avait joué en janvier 2011 en contribuant de façon décisive à la continuité de l’Etat.
Elle retiendra aussi et surtout le courage dont il a fait preuve par la suite pour défendre le bilan du bourguibisme et réhabiliter le mouvement destourien à un moment où ce courant était diabolisé et ses militants dénigrés.
Si Hamed nous manquera beaucoup dans cette période trouble que vit la Tunisie. Il était non seulement un grand Homme d’Etat. Il était un Homme exceptionnel, pétri des qualités de l’humanisme, de la modernité et de la modération.
Un Homme qui aimait la vie, dont on cherche la compagnie du fait de la pertinence de ses conseils et de la justesse de ses analyses.
Plus que tout, il aimait la Tunisie, dans sa diversité et dans son pluralisme.
Et, je crois pouvoir dire que le seul regret de si Hamed, en nous quittant, c’est qu’il laisse une Tunisie meurtrie, une Tunisie tiraillée, ne parvenant pas à panser les blessures du passé et à s’orienter résolument vers l’avenir sur des bases inclusives et durables.
Paix à son âme et toutes les condoléances à sa famille, à ses amis et à tous ceux qui l’ont connu et apprécié
Mohamed Ghannouchi
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