Dr Mohamed Adel Chehida: Coronavirus en Italie, un jour pas comme les autres. Et la Tunisie?
Une journée pas comme les autres, un décret signé tard dans la soirée du 7 mars 2020 par le président du gouvernement italien Mr Giuseppe Conte, déclarant la région Lombardie (cœur de l’économie italienne) et d’autres provinces dans d’autres régions Zones Rouges, vient d’être adopté, avec une série de mesures contraignantes, pour la vie sociale de presque 15 millions de personnes, en les mettant en quarantaine.Personne n’entre, personne ne sort, de ces zones de quarantaine, sauf pour cause majeure, sinon au prix de lourdes sanctions.
Le brouillon du décret, exfiltré à la presse et publié avant sa signature, a provoqué hier soir un mouvement de panique et une course aux gares de trains ou une fuite en voiture vers le sud du pays.
Ceci me pousse à m’interroger sur le degré du civisme et de responsabilité civique que les gens sont en mesure de garder, en face de la peur que suscite en eux la menace, à la quelle ils sont actuellement confrontés.
Certes, les bulletins quotidiens semblent être ceux d’une guerre avec des chiffres d’hospitalisations et de décès aussi importants et un système de santé italien (sous stress) poussé à la limite de ses possibilités dans les zones touchés par l’épidémie Covid-19.
La protection civile vient d’annoncer : 6387 personnes ont été testées positives, 622 cas de guérison et 133 décès en plus durant les dernières 24 heures, soit un total de 366 décédées, depuis le 18 février.
Près de 2080 sont actuellement en isolement à domicile, y compris, le secrétaire général du deuxième parti de l’Italie, le parti démocratique, et le chef de l’état major de l’armée italienne.
3657 personnes sont hospitalisées, dont la majorité réside en Lombardie et le reste du Nord de l’Italie.
Cette virose susceptible de guérir spontanément, dans plus de 80% des cas, cependant, est agressive et mortelle dans 4,25% des cas infectés en Italie, un taux nettement supérieur au taux de mortalité enregistré en Chine, établi à 3,5%, en raison de la moyenne d’âge élevée ici, en Italie.
Cette infection virale attaque les personnes âgées avec des pathologies adjacentes en causant des atteintes pulmonaires graves nécessitant l’hospitalisation dans des unités de réanimation pour une ventilation artificielle.
En ce moment, 657 cas (soit 19,3% des cas hospitalisés avec symptômes) ont été transférés en réanimation.
Vous imaginez la charge de travail et le surbooking subis par les structures sanitaires ?!
Car entre temps les urgences continuent à recevoir les accidentés de la voie publique et autres cas pathologiques justiciables des soins intensifs. L’ampleur du phénomène réside dans le fait que la demande de postes en réa est élevée en un espace de temps très réduit d’où la saturation, nécessitant la création d’autres lits et la modification rapide, presque complète, de l’organisation de l’activité au sein de l’hôpital. Des interventions chirurgicales préalablement programmées sont bloquées, les salles de réveils converties en salles de réanimation, les services de radio et consultations journalières ont réduit drastiquement l’activité pour redéployer le personnel vers les points critiques.
Voici pourquoi le gouvernement et la politique ont pris des décisions radicales, en s’aidant plus que jamais de l’avis des experts scientifiques, pour limiter la propagation de l’épidémie en cherchant de réduire le nombre de l’incidence de nouveaux cas, avec un pic le plus tardif possible et une incidence étalée au maximum sur le temps.
Ce qui permettrait aux structures hospitalières de résister à l’afflux des patients et les prendre en charge correctement.
Le gouvernement a débloqué en urgence 7,5 Milliards d’euro d’une façon exceptionnelle avec l’accord de l’Europe, presque 1 Milliard d’euro destinés à la Santé seront destinés au recrutement de 20000 agents sanitaires, entre médecins, infirmiers et autres catégories de personnel, sans parler du matériel de réanimation (ventilateurs).
Toutes ces mesures semblent impressionnantes surtout en ce qui concerne le changement de vie quotidienne et de nos habitudes méditerranéennes habituellement grégaires (accolades, bisous,…)
On ne fait plus d’accolades, on se frotte les mains avec du gel désinfectant ou bien on les lave avec du savon après les salutations, on prend le cappuccino avec croissant à la crème distant au moins de 1 mètre chacun de l’autre, sans parler de ceux qui cherchent des prétextes pour mettre des masques protecteurs.
Un article* sorti le 6 mars sur la revue Science écrit par deux journalistes scientifiques qui ont accompagné la délégation d’experts de l’OMS en Chine se demandent si les méthodes agressives chinoises anti Covid-19 ignorant les libertés civiles et les exigences de la vie sociale sont applicables en occident ou non ?
Coronavirus serait-il un alibi pour l’extrême droite raciste et aux systèmes autoritaires pour en abuser et conquérir un pouvoir limitatif des libertés individuelles ?
Le tableau que je viens de décrire à travers ces lignes, peut sembler assez sombre et alarmant pour le citoyen tunisien.
Je l’ai fait en toute conscience pour l’informer et lui demander de se préparer à changer certaines habitudes en se conformant aux procédures d’hygiènes et de certains comportements simples qui peuvent sauver des vies.
Je l'ai fait aussi pour attirer l’attention du chef de Gouvernement Elyes el Fakhfakh, le secrétaire général de l’UGTT et le président de l’UTICA et les inviter à conclure un pacte urgent de paix sociale pendant cette période grave.
Je m’adresse à vous car malheureusement nos députés sous la coupole du Bardo ne sont pas au diapason des défis qui attendent notre chère Tunisie
Dr Mohamed Adel Chehida