Directeur du Protocole, le Général Ghorbel quitte la Kasbah
Elyès Fakhfakh est dans son plein droit de choisir ses collaborateurs parmi ses proches avec lesquels il se sent « le plus à l’aise de travailler », comme il ne s’en cache pas. Le chamboule-tout qui souffle sur la Kasbah ne fait que commencer. Il n’y a pas que Maher Sellami, chef de cabinet et Abdelatif Hmam, secrétaire général du gouvernement qui n’ont pas été reconduits dans leurs fonctions. Le colonel major (général) Mohamed Ghorbel aussi n’a pas été maintenu en tant que directeur de protocole, poste qu’il avait occupé pendant cinq ans, sous Habib Essid, puis Youssef Chahed, ni en activité, appelé ainsi à faire valoir ses droits à la retraite.
Pour mémoire, l’ambassadeur Mondher Mami, nommé directeur général du Protocole à la présidence de la République le 15 mars 2012 (il avait alors 70 ans, cumulant une grande expérience), par Moncef Marzouki, avait été maintenu par Béji Caid Essebsi (dès le 1er janvier 2015) jusqu’à la nomination par Kais Saied, en décembre 2019, d’un premier successeur Tarek Hannachi, puis d’un deuxième, en février 2020, Naoufel Hdia.
A la Kasbah, c’est le lieutenant-colonel de la Douane, Belhassen Jeridi, jusque-là chargé du protocole du ministère des Finances qui assure la relève du général Ghorbel, en attendant sa confirmation officielle.
Général Ghorbel : retour sur un parcours guère aisé et un héritage bien lourd à assumer
Economiste et gestionnaire (diplômé de l’Académie militaire, cycle long, 1980), juriste (titulaire d’une maîtrise, en 2001, puis d’un DEA en 2005, en droit et sciences politiques), c’est aussi un militaire aguerri. Le général Ghorbel qui avait suivi les formations de l’Ecole d’Etat-Major (1991) et de l’Ecole supérieure de Guerre (1997), ainsi que des stages militaire aux Etats-Unis et protocolaire au Quai d’Orsay.
Sa carrière militaire, commencée par diverses affections sur le terrain, le conduira à se spécialiser pendant pas moins de 18 ans au protocole (1988 – 2006), d’abord en tant qu’adjoint au chef du protocole au cabinet du ministre de la Défense (1988 -1996), puis directeur (1996 -2006). Toujours au sein du même département, il assurera ensuite pendant cinq ans les fonctions de directeur général des Relations internationales et de la Coopération (2006 – 2011), avant d’être nommé Attaché militaire près l’Ambassade de Tunisie à Madrid (2011 – 2013). De retour au sein de l’institution militaire à Tunis, le général Ghorbel sera désigné directeur de l’Information et de la Culture (2013 -2014). C’est alors que Habib Essid, nommé chef de gouvernement en février 2015, l’appellera à ses côtés en tant que directeur du protocole.
Pour succéder au général Ghorbel, Elyès Fkhfakh aurait choisi le lieutenant-colonel de la Douane Belhassen Jeridi. Le nouveau chef du gouvernement l’avait connu lors de son court passage au ministère des Finances (2013), où il était chargé du protocole. Dès qu’il avait été missionné par le président Saïed de former son gouvernement, Fakhfakh avait décliné l’offre de son prédécesseur Youssef Chahed pour mettre à sa disposition l’équipe de protocole de la Kasbah, comme il en de coutume, jusqu’à tout récemment avec Habib Jemli. Il a préféré faire appel à quelqu’un avec qui il a « l’habitude de travailler », selon la nouvelle formule désormais consacrée.
Une tâche très délicate, bien spécifique
Beaucoup confondent le chef du protocole avec le chambellan, ce gentilhomme au service du monarque, ou de l’aide de camp, l’officier chargé de suivre son supérieur pour faire exécuter ses ordres. La complexité des relations internationales, le changement du mode de gouverner et de présider, dans les nouveaux codes, rendent chaque détail d’une importance capitale et chaque couac aux lourdes conséquences. Les tâches sont multiples et chacune d’entre-elles porteuse de symbolique forte.
Organiser une réunion, une audience, une cérémonie, un repas, un déplacement, une visite une conférence de presse et autres obéit à une minutieuse préparation, une parfaite synchronisation avec tous les acteurs concernés, notamment les services sécuritaires et diplomatiques, où rien n’est laissé au hasard ou à l’imprévu. La logistique rigoureuse, l’intendance vérifiée, le filtrage précis et la gestion vigilante sont impardonnables. Tout comme le respect des règles en usage, pour ne froisser personne et éviter le moindre manquement ou débordement. L’expérience et le réseau de connaissance s’avèrent précieux. Avant de toute visite à l’étranger, les chargés du protocole, de la sécurité et de la communication partent en précurseurs tout convenir, tout vérifier, tout prévoir. Du programme, à l’hébergement, des menus, aux cadeaux et décorations, de la sécurité à l'évacuation sanitaire, de l'officiel au privé, la check-list est longue et précise.
La grande question du protocole d’Etat
Ce ballet de chefs de protocole tant à la Kasbah qu’à Carthage (en dehors de l’ARP, où Mongi Ayari assure en continuité et avec brio son rôle sous les différents président), pose un problème central. Quelle architecture d’efficience et d’excellence doit fonder le protocole d’Etat ? C’est-à-dire, qui centralise, assure gère le protocole de la Tunisie dans son ensemble et en parfaite coordination avec les différentes institutions, qu’il s’agisse de Carthage, de la Kasbah ou du Bardo ? L’analyse comparative de la pratique dans les démocraties républicaines comme dans de nombreuses monarchies, c’est le ministère des Affaires étrangères qui est investi en pivot central de cette délicate mission. S’exerçant encore plus dans les relations extérieures, visites officielles en Tunisie et à l’étranger, audiences accordées à des envoyés spéciaux et de grands visiteurs, cérémonies officielles, et autres, le protocole qui obéit à des règles générales communes et des pratiques spécifiques à chaque pays, est une expression de souveraineté des Etats et marque de grandeur des régimes et des nations.
Les diplomates de carrières, rompus à son usage et à la gestion de ses imprévus, formés à cet exercice, sont souvent les mieux indiqués pour s’en charger, au nom de l’Etat. Cette centralisation n’interdit pas une gestion directe et au quotidien du protocole, par chaque institution, en parfaite coordination avec les Affaires étrangères, et conformément à une charte de référence. La présidence de la République, comme celle du gouvernement ou de l’ARP, mais aussi des institutions constitutionnelles et des grands corps, comme les ministères et les organismes publics auront leurs propres dispositifs du protocole, qui agiront de concert et en étroite collaboration avec la direction du Protocole des Affaires étrangères.
T.H.
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