Mohamed Fessi - Adoption des normes IFRS: enjeux et défis
I- Rappel du contexte actuel
La promulgation en décembre 1996 du système comptable des entreprises (SCE) avait comme ambition de mettre la comptabilité des entités commerciales à niveau avec les normes comptables internationales (normes IAS/IFRS). Il s’agissait pour les pouvoirs publics tunisiens de mettre en place un nouveau modèle comptable cohérent, ambition beaucoup plus large que l'énonciation des principes et conventions comptables de base et l'élaboration d'un simple plan comptable.
Le SCE avait pour socle le référentiel comptable international. Largement inspiré des normes comptables internationales (IAS), le nouveau référentiel comptable avait constitué une rupture par rapport à l’ancien plan comptable de 1967, tant les concepts, les définitions et les modèles de présentation des comptes qu’il avait introduits différent des pratiques et de la culture comptable en vigueur à l’époque.
Les innovations introduites par le SCE étaient à la fois nombreuses et importantes. Elles touchaient l’ensemble des étapes qui constituent le processus comptable, notamment la nomenclature des comptes, les états de synthèse, les règles de prise en charge, d’évaluation et de présentation.
A l’origine, le SCE comportait trois parties: un cadre conceptuel, une norme générale et un jeu de 14 normes thématiques. Furent promulguées par la suite plusieurs jeux de normes thématiques consacrées aux OPCVM, aux états financiers intermédiaires, aux établissements bancaires et aux entreprises d’assurance et/ou de réassurance, au regroupement d’entreprises, aux états financiers consolidés et aux informations sur les parties liées, etc.
La promulgation du SCE fut une avancée considérable, dans la mesure où la Tunisie était parmi les rares pays au monde à basculer dans un système fondé sur un cadre conceptuel de la comptabilité.
Néanmoins, presque vingt-cinq ans après, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, et le référentiel comptable national se trouve largement dépassé par le référentiel international qui a beaucoup évolué entre temps. En effet, au cours des vingt dernières années, l’IASB a procédé à la publication de 42 nouvelles normes, réalisé une quarantaine d’amendements sur des normes existantes et promulgué 54 interprétations. Du coup, notre système comptable n’est plus du tout dans le coup. Il est même devenu un frein pour le développement de l’économie, en général et pour la captation des IDE, en particulier.
Selon une enquête publiée par la fondation IFRS, au 1er janvier 2019, les normes IFRS sont obligatoires ou permises dans 166 pays. Ces pays représentent 96% du PIB mondial. Sur un autre plan, la Commission européenne a pris l’initiative d’une évaluation ex post de son règlement 1606/2002 (rappelons que la Commission européenne a imposé les normes IFRS aux groupes de sociétés côtés pour l’établissement de leurs comptes consolidés, à partir de l’exercice 2005).
Les principaux enseignements qui en ont été tirés se présentent comme suit:
• L’adoption des normes IFRS en Europe a significativement favorisé la crédibilité et l’acceptation mondiale de ces normes.
• Les états financiers des sociétés ont gagné en transparence.
• La protection des investisseurs a été améliorée.
• L’utilisation des normes IFRS a contribué à la confiance des marchés financiers.
Malgré les griefs que d’aucuns leur font (pour certaines entreprises, les bénéfices de leur utilisation sont en deçà du coût du dispositif), les normes IFRS, là où elles ont été adoptées, on rendu les états financiers nettement plus transparents et plus comparables. L’accès aux marchés des capitaux des émetteurs a été facilité. En outre, la protection des investisseurs a été améliorée de façon importante par rapport à certains risques qui n’étaient pas inscrits au bilan.
La comparabilité des états financiers étant de la plus haute importance pour ces derniers, nous pensons que la Tunisie, pays désireux d’attirer les IDE, n’a pas d’autre choix que de s’inscrire dans la mouvance internationale en adoptant les normes IFRS, du moins pour centaines catégories d’entreprises(1) .
II- Adopter ou adapter les normes IFRS?
La comptabilité a évolué de manière significative au cours des dernières années. Il y a environ une trentaine d’années, elle était perçue comme une simple technique réservée à quelques initiés. Les entreprises avaient une vision juridique et fiscale de la comptabilité liée sans doute au fort impact de la fiscalité sur la production légale des comptes(2).
Le développement des marchés financiers, l’importance de la transparence des informations financières divulguées, les conséquences de la mondialisation ont fait évoluer la comptabilité, notamment au niveau de sa dimension relative à l’information financière. C’est la raison pour laquelle nous pensons que l’adoption des normes IFRS sera une mesure très importante permettant de répondre aux besoins des investisseurs (locaux et étrangers), quoi que beaucoup de problématiques inhérentes à leur application méritent d’être débattues et tranchées. A quels types d’entreprises doit-on appliquer ces normes?
Comment faire pour déconnecter la comptabilité de toutes les contraintes juridiques (patrimoniales) et fiscales habituelles ? L’information financière doit-elle être élaborée uniquement à partir d’une approche économique traduisant la réalité de l’activité économique de l’entreprise par rapport au marché ?
1- Champs d’application des normes IFRS
Un point fondamental doit être exposé et résolu au préalable : les normes IFRS ont elle vocation à être appliquées aux entreprises sans distinction de secteur d’activité et surtout de taille, ou faudrait-il plutôt disposer d’un référentiel spécifique pour les petites et moyennes entreprises ? Ce qu’il convient de signaler dans ce cadre, c’est qu’en juillet 2009, l’IASB (International Accounting Standards Board) a publié une norme internationale d'information financière (IFRS) à l’intention des petites et moyennes entités(3) (PME), désignée comme l’IFRS pour les PME. Ce référentiel, modifié en 2015, a pour raison d’être, l’adaptation des normes IFRS à la réalité de la petite et moyenne entreprise (prendre en compte le rapport avantages/coûts par la simplification de certaines normes).
2- Les normes IFRS doivent être progressivement intégrées dans le droit
L’examen des normes IFRS fait ressortir une forte déconnexion entre le droit et la comptabilité se traduisant par le passage d’une vision patrimoniale, où la comptabilité est la représentation chiffrée du patrimoine d’une entité et de l’évolution de ce dernier au cours d’un exercice, à une représentation financière ou les comptes annuels donnent une image fidèle de la situation financière et de la performance de cette entité. Cette autonomie est illustrée par la convention de la prééminence de la réalité économique sur l’apparence juridique. Il en résulte que les règles comptables doivent chercher la réalité économique de la transaction ou la volonté réelle des parties qui sont derrière l’habillage juridique. L’évolution de la notion de prix, manifestation contractuelle de l’accord des volontés des parties, à la notion de juste valeur, vue globale et probabilisée, s’inscrit dans le droit fil de cette conception.
3- Les normes IFRS ont une incidence sur la fiscalité de l’entreprise
Les études réalisées dans quelques pays européens (préalablement à l’adoption des normes IFRS) ont montré qu’un des risques d’une adoption des IFRS est la rupture de la neutralité fiscale ; soit une réduction des recettes de l’Etat, soit au contraire un gonflement des recettes fiscales, l’une ou l’autre situation étant à éviter. Il est indispensable que l’impact soit mesuré le plus précisément possible. Un cas classique est celui des amortissements économiques généralement plus longs que les amortissements fiscalement admis. La question à laquelle il faudrait répondre se présente comme suit : quelles solutions mettre en œuvre pour éviter d’accroître la pression fiscale sur les entreprises?
4- Les normes IFRS deviennent de plus en plus complexes
Une des problématiques, et non des moindres, posée par l’adoption des normes IFRS est comment éviter aux entreprises les sophistications de la sphère financière court- termiste. En effet, le passage du coût historique à la juste valeur (voir ci-dessous) privilégie de nouveaux instruments de mesure; les flux futurs de trésorerie permettent de déterminer de manière permanente la valeur d’un actif ou d’un passif (valeur d’utilité ou actuarielle, retenue par IAS 36). Ceci pose indéniablement des problèmes de choix de taux et de période d’actualisation, de prévisions de cash flows…etc.
III- Les concepts sous- jacents des normes IFRS
1- Importance des investisseurs comme destinataires privilégiés de l’information financière
L’émergence du droit comptable dans les pays anglo-saxons résulte du développement des grandes sociétés anonymes. Il ne faut pas perdre de vue, qu’au départ, la réglementation comptable a été élaborée pour ces grandes sociétés. Dans ce genre de sociétés où l’essentiel du capital est composé de mises d’un grand nombre d’actionnaires, l’essentiel du pouvoir revient en principe à ces derniers. Il en résulte une certaine approche de la part de ces sociétés pour établir leurs états financiers annuels qui tient compte des exigences des investisseurs potentiels(4).
La standardisation de l’information produite et le niveau de détail requis dans les IFRS devraient permettre à terme aux investisseurs et aux analystes financiers d’établir des comparaisons plus pertinentes entre les entreprises d’un même secteur d’activité et de procéder à des analyses plus normées de la performance.
2- Prééminence de la réalité économique sur la forme juridique
Comme indiqué plus haut, les normes IFRS sont gouvernées par le principe de prééminence de la substance sur la forme, selon lequel, en principe, tous les biens utilisés, qu’ils fassent ou non l’objet d’un droit de propriété, sont inscrits à l’actif. En effet, la prééminence du fond sur la forme se caractérise par la prise en compte d’une approche économique d’une transaction comptable, par opposition à l’approche juridique. Les traitements comptables doivent traduire le plus fidèlement possible les opérations en tirant toutes les conséquences des droits et obligations issues des contrats sans s’attacher à la forme juridique apparente. Les liens entre différentes transactions apparemment dissociés doivent être analysés dans leur ensemble et au niveau consolidé.
3- Coûts / Valeurs
Depuis pratiquement le début de la révolution industrielle, un conflit oppose les partisans des comptabilités en coûts aux partisans des comptabilités en valeur.
Jusqu’à la parution des normes IAS 32 et 39, le système comptable de l’IASB était fondamentalement celui d’une valeur coût. L’examen des normes IAS 32 et 39 ainsi que de certains traitements des actifs incorporels permet de montrer, que l’IASB évolue, depuis quelques années, vers une comptabilité en valeur de type actuariel. Cette évolution se situe dans le cadre de l’influence du pouvoir actionnarial.
Le principe de la comptabilisation des éléments du bilan au coût historique, sur lequel la comptabilité se fonde traditionnellement, laisse place dans le référentiel IFRS au principe de juste valeur (Fair value).
Un reflet fidèle de la réalité économique obligerait à évaluer les actifs et les passifs à leur juste valeur permettant de mieux appréhender le patrimoine de l’entreprise à la date d’arrêté des comptes. Il convient de préciser dans ce cadre que l’application de la juste valeur reste cependant partielle(5) et ne s’applique pas à tous les actifs et passifs de l’entreprise.
4- Bilan plutôt qu’état de résultat
Dans la logique des IFRS on s’intéresse d’abord aux éléments d’actifs et de passifs. Ces derniers doivent être identifiés, correctement évalués et comptabilisés. Au niveau de l’état de résultat les charges et les produits n’apparaissent que comme résidus des variations des actifs et des passifs.
Concernant l’état des flux de trésorerie(6), il s’agit d’un document très apprécié par les dirigeants, analystes financiers et actionnaires pour une raison simple: il est facile à interpréter car il n’y figure que les entrées et les sorties d’argent.
IV- Quels bouleversements pour les entreprises qui adopteront les IFRS?
La direction financière et comptable est naturellement concernée au premier chef par l'adoption des normes IFRS, mais elle n’est pas la seule. Elle va devoir travailler en étroite collaboration avec l’ensemble des directions de l’entreprise et plus spécialement la direction informatique.
Aux premières, c'est-à-dire, les directions financière et comptable, technique, de maintenance, de ressources humaines, de contrôle de gestion… reviendront le recueil et le traitement de l'information comptable. A la seconde la mise en œuvre des démarches de migrations informatiques, qu'elles touchent aux bases de données ou aux outils de gestion sur le terrain. Cette migration devra être effectuée dans un cadre le plus souple possible.
Au-delà de ces problématiques comptable et informatique, les incidences de l’adoption des normes IFRS vont se faire sentir à tous les niveaux de l'entreprise. Plusieurs normes touchent directement à la stratégie et l'organisation, et ce dans la plupart des services.
Sur un autre plan, et compte tenu du fait que le référentiel IFRS impose une présentation comparée de l’information financière (les donnés de 2020 devront être retraitées et figurer au niveau des états financiers élaborés au titre de l’exercice 2021).
1- Evaluation à la juste valeur
Les IFRS incluent une nouvelle norme IFRS 13, qui s’applique lorsqu’une norme IFRS impose ou permet des évaluations à la juste valeur (ou des évaluations fondées sur la juste valeur) ou la communication d’informations à ce sujet.
La juste valeur est le prix qui serait perçu pour la vente d’un actif ou payé pour le transfert d’un passif lors d’une transaction normale entre des intervenants du marché à la date d’évaluation.
Les situations suivantes, où les normes IFRS imposent ou permettent une évaluation à la juste valeur, sont présentées à titre illustratif, et non exhaustif.
• Réévaluation des immobilisations corporelles, incorporelles et immeubles de placements (IAS 16, IAS 38 et IAS 40).
• Test de dépréciation des immobilisations corporelles et incorporelles (IAS 36).
• Evaluation des actifs disponibles à la vente (IFRS 5).
• Evaluation des instruments financiers (IFRS 9)
• Comptabilisation des revenus (IFRS 15).
• Evaluation des paiements fondés sur des actions à la juste valeur des biens et des services reçus (IFRS 2).
• Evaluation des actifs nets à la juste valeur lors d’un regroupement d’entreprises (IFRS 3).
• Avantages du personnel: Evaluation des actifs du régime à la juste valeur (IAS 19).
2- Gestion des immobilisations corporelles et incorporelles
Les nouvelles règles d’amortissement et de valorisation des immobilisations, l’approche par composants, de même que l’affectation des immobilisations aux unités de gestion (chaque immobilisation appartient désormais à une unité génératrice de trésorerie « UGT »), l’estimation de la durée de vie utile, la périodicité de remplacement de certains composants, les dépenses de démantèlement sont des paramètres nécessaires à la bonne gestion comptable des immobilisations corporelles, et nécessitent l’implication d’un ensemble de services au-delà du service comptable et financier.
De même, IAS 16 (§63) stipule qu’il faut aussi tenir compte des pertes de dépréciation (impairment losses) si elles existent. Elle renvoie à ce sujet à la norme IAS 36 qui dit qu’on doit déprécier un actif lorsque sa valeur de marché ou sa valeur d’utilité (il faut dans ce cas retenir la plus élevée des deux) est inférieure à la valeur comptable. Ceci ne manquera pas de soulever plusieurs difficultés lors de l’application de ce principe. A quelle valeur de marché faut-il se référer ? Existe-t-il un marché actif pour tous les biens de l’entreprise ? Quel taux et quelle période d’actualisation va-t-il falloir retenir pour aboutir à la valeur d’utilité?...
3- Gestion du personnel
Le référentiel IAS/IFRS comprend une norme spécifique IAS 19 « avantages du personnel » et une norme concernant les paiements basés sur des actions de l’entreprise « IFRS 2 : paiement en actions ».
IAS 19 est consacrée à toutes les formes de contrepartie donnée par une entité au titre des services rendus par son personnel. Elle évoque la comptabilisation et l’évaluation des avantages à court terme, des avantages postérieurs à l’emploi (retraites notamment), des autres avantages à long terme et des indemnités de fin de contrat de travail, et prescrit la comptabilisation au bilan des engagements liés aux avantages du personnel. Ceci implique que l’entreprise appréhende avec précision tous les avantages du personnel, utilise les méthodes d’évaluation prescrites et comptabilise son passif fiscal.
4- Gestion commerciale
La norme IFRS 15 « Produits des activités ordinaires issus des contrats clients » (en remplacement des normes IAS 11 « contrats de construction » et 18 « produits des activités ordinaires ») a introduit un nouveau modèle de comptabilisation du revenu pour les contrats clients. Pour certains secteurs, elle aura un impact significatif sur le profil du revenu. Pour d’autres, la transition sera plus simple.
La norme propose un modèle unique d’analyse des contrats clients avec deux approches de comptabilisation du revenu: soit à une date donnée, soit de manière continue. Le modèle comporte cinq étapes d’analyse pour déterminer à quelle date le revenu sera comptabilisé et pour quel montant.
Le principe fondamental de la norme est le suivant: la comptabilisation des produits résultant de contrats avec les clients doit traduire le transfert à un client du contrôle d’un bien ou d’un service pour le montant auquel le vendeur s’attend à avoir droit.
IFRS 15 prévoit des règles particulières pour identifier des offres intégrées « obligation de prestation » et pour allouer le prix total du contrat à chacune des « obligations de prestation », des critères détaillés pour la distinction entre agent/principal et des critères précis pour la détermination du moment du transfert du contrôle applicables à tous les types de biens ou services.
5- Contrats de location (IFRS 16)
IFRS 16 prévoit un modèle comptable unique selon lequel le preneur doit reconnaitre tous les contrats de locations (mobilières et immobilières), qui étaient jusque-là hors bilan, au niveau de son bilan. Cette norme marque une rupture avec les schémas traditionnels de comptabilisation des locations et creuse un peu plus le fossé entre les IFRS et d'autres cultures comptables, dans la mesure où elle impose la comptabilisation au bilan du preneur de tous les contrats de location. Ces derniers étant à l'origine:
• d'un droit d'utilisation sur l'actif loué, comptabilisé à l'actif dans les immobilisations ;
• d'une dette au titre des loyers et des autres paiements à effectuer pendant la durée de la location.
Il en résulte que pour les preneurs, la distinction entre les locations simples et les locations financement disparaît. Peu importe les caractéristiques du contrat pour le preneur, il sera reflété à son bilan en toute hypothèse.
6- Gestion de la trésorerie et des créances
Sous IAS 39, les actifs financiers étaient classés en quatre catégories : les actifs financiers à la juste valeur par le biais du compte de résultat, les placements détenus jusqu’à leur échéance, les prêts et créances, et les actifs financiers disponibles à la vente. Depuis IFRS 9 (entrée en vigueur en 2018), les actifs financiers ne sont plus classés qu’en trois catégories : les actifs évalués à leur coût amorti, les actifs évalués à leur juste valeur par le biais du résultat net et les actifs évalués à leur juste valeur par le biais des autres éléments du résultat global (plus couramment, par les capitaux propres). Ce classement, nécessaire à l’évaluation ultérieure des actifs financiers, se détermine sur la base du modèle économique qui régit la manière dont ils sont gérés et des caractéristiques contractuelles de leurs flux de trésorerie.
S’il est un secteur qui va être profondément affecté par l’adoption d’ IFRS 9, c’est bel est bien celui de l’activité bancaire. En effet, la mise en œuvre de cette norme modifie en profondeur le modèle de dépréciation des actifs financiers. Désormais, le modèle de dépréciation se fonde sur la reconnaissance des pertes de crédit attendues, et plus seulement sur celle des pertes de crédit encourues(7). Le coût du risque des banques va augmenter à qualité de bilan donnée. Cette augmentation du coût du risque va ainsi réduire la capacité de génération interne de fonds propres des banques.
7- Impôts sur le résultat
Le système comptable des entreprises ne tient pas compte des impôts différés lors de l’établissement de comptes individuels. Or d’après le référentiel IFRS, les impositions différées, actifs et passifs, doivent être déterminées et revues à chaque clôture d’exercice. IAS 12 distingue entre l’impôt exigible et l’impôt différé. Son principe général est d’assurer un meilleur rattachement de la charge d’impôt aux charges et produits de l’exercice.
V- Conclusion
Plus de 150 pays parlent aujourd’hui le même langage comptable, alors qu’il y a vingt-ans, aucune grande économie n’utilisait les IFRS. Et tout laisse à penser que cet élan sera maintenu. La Tunisie, pays ouvert sur le monde, désireux d’attirer les investisseurs étrangers, ne pourrait pas continuer à parler son propre langage, inintelligible pour les autres. L’adoption des normes IFRS est plus qu’une nécessité.
Bien évidemment, ça ne va pas être une sinécure (pour les raisons indiquées ci-haut). Mais je reste confiant dans la capacité de nos entreprises à relever le défi. Mon optimisme est fondé sur une raison toute simple : la profession du chiffre (comptables et experts comptables) dispose des ressources humaines nécessaires pour assurer la transition dans les meilleures conditions, comme elle l’avait fait en 1997, lors de l’adoption du système comptable des entreprises. Il ne faut pas perdre de vue, que dans toutes les écoles et tous les instituts de gestion et de commerce, on a toujours enseigné aux étudiants les normes comptables internationales.
Mohamed Fessi
Expert comptable, Consultant d’entreprises.
1) Selon les préconisations du Conseil national de comptabilité (assemblée générale du 6 septembre 2018), il est question d’appliquer les normes IFRS, à partir du 1er janvier 2021, aux comptes consolidés (uniquement) des banques, institutions financières, sociétés d’assurances et/ou de réassurances et aux sociétés cotées à la bourse des valeurs mobilières de Tunis.
2) Comptabilité et fiscalité ont toujours entretenu des relations très étroites. Le souci manifesté par les entreprises de minimiser l'impôt a toujours conduit ces dernières à accorder la primauté aux règles fiscales au détriment des conventions et principes comptables.
3) Ici, on entend par PME toutes les entités non cotées qui ne sont pas des banques ou des institutions financières similaires. On estime que les PME représentent plus de 95 % de l’ensemble des entreprises tant dans les pays développés que dans ceux en développement.
4) Ces sociétés doivent fournir des informations financières assez complètes qui donnent une image économique de leur situation à la date d'arrêté des comptes.
5) La convention (ou principe) du coût historique demeure importante, néanmoins d’autres valeurs font leur apparition: la juste valeur (ou coût réel), la valeur de réalisation, et la valeur actualisée (ou valeur d’utilité).
6) Les flux de trésorerie sont de trois natures: opérationnels, investissement et financement.
7) Les banques sont tenues d’enregistrer des dotations aux provisions pour dépréciation dès l’octroi d’un crédit ou l’achat d’une créance, par exemple. Ensuite, une variation de la correction de valeur pour pertes de crédit doit être enregistrée (ce qui va se traduire, le cas échéant, par la comptabilisation de provisions pour dépréciation) si le risque de crédit associé à un actif financier a augmenté de manière importante depuis sa comptabilisation initiale.
- Ecrire un commentaire
- Commenter