Mohamed Adel Chehida: Vivre au temps du Corona Virus
Étant médecin résident et exerçant en Italie, vivre cet état d’alerte et de menace actuel sur les communautés d’une part et d’autre part voir nos honorables députés s’étriper pour avoir un passeport diplomatique d’autre part, me fait réaliser à quel point notre démocratie est fragile ! Combien elle nécessite pour les citoyens transparence face à un danger et pour le politique compétence et sens de responsabilité. Il me semble que ces vertus sont comprises en ce moment.
Nous savons que l’épidémie s’est déclenchée en Chine au mois de janvier dernier et que les autorités n’ont pas pris la chose au sérieux imposant aux médecins le silence, d’où le retard. Ajoutons à celà qu’au début de l’épidémie les autorités chinoises ont refusé de partager les données scientifiques concernant la carte d’identité de ce virus. D’où le retard à la mise en place de vaccins.
Le traitement médiatique sert les politiciens en mal de propagande. Ce virus attaque les voies respiratoires comme une banale grippe et 80% des formes sont mineures, elles passent presque inaperçues. Il peut devenir très virulent et même mortels chez les personnes âgées ou en présence d’autres pathologies. C’est pour cela qu’il faut le prendre au sérieux. Il est mortel dans 2% des cas.
Au moment où j’écris ces lignes, on note 229 cas positifs au virus en Italie et 7 décès sur 4000 cas examinés. Le nord de l’Italie est le plus touché et plus de 52 000 personnes dans 11 communes sont isolées, interdites de sortir et d’entrer. On s’attend à l’élargissement de la zone de diffusion. Mais le système santé en Italie est solide. Le politique et les citoyens font confiance aux experts médicaux. Tout le monde travaille en harmonie (protection civile, ministères de la santé, l’intérieur, des affaires étrangères, transports, affaires sociales etc). Cela a permis jusque-là d’éviter la panique et surtout l’acceptation des mesures. La rapidité avec laquelle les décisions ont été prises a fait que les citoyens privés de liberté du jour au lendemain et mis en quarantaine ont relativement bien réagi. Une transparence et une communication sincère ont renforcé la confiance. Bien sûr les gens ont naturellement vidé les magasins et ont fait des stocks de nourriture. Il y a certainement un peu de tension mais les gens savent bien qu’on doit agir comme une seule personne en ayant confiance et respectant les indications des autorités.
En ce qui concerne la communauté tunisienne en Italie, je peux rassurer nos familles et nos parents que nous n’avons pas de cas confirmé pour le moment, il y a beaucoup de communication entre la mission diplomatique et les tunisiens ainsi qu’avec les autorités italiennes.
Hier j’ai posté sur mon mur une lettre ouverte à la ministre de la santé me demandant sincèrement si le degré de la préparation de nos institutions pour faire face à l’épidémie est bien adéquat ? Des collègues et amis m’ont répondu que la Tunisie est prête. Peut-être j’aurais été plus tranquille comme citoyen si on nous avait communiqué nos capacités de faire des tests diagnostiques, nos capacités de mobiliser des ambulances et des tenues spéciales, nos capacités d’avoir des lits de réanimation, des centres d’isolement ? Le contrôle systématique de la température des voyageurs aux points d’entrée, l’épisode de mise en quarantaine des tunisiens revenus sains et saufs de Chine ne méritent pas toute cette ampleur médiatique exagérée. L’exploitation médiatique des non évènements est angoissante. Nous avons appris avec la dictature qu’une communication mode propagande mine la confiance, c’est une source de défiance. A propos, la panique provoquée par la visite de la délégation italienne à la Rabta est hautement significative et nous pousse tous à méditer sur l’épisode.
Alors dire que ceux qui vivent à l’étranger ne connaissent pas la réalité des choses en Tunisie est un peu exagéré et est un argument d’exclusion. Je le trouve inadmissible. Je le crie fort, nous sommes citoyens à 100% et nous sommes concernés et nous connaissons la réalité de notre pays même si nous vivons à l’étranger.
Dr Mohamed Adel Chehida
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merci pour votre analyse de la situation italienne et de la riposte sanitaire qui est en train de se mettre en place dans le pays , en ce qui concerne la communication de notre stratégie plusieurs spots tv et interviews quotidiennes radio préviennent les citoyens sur les mesures protectives à prendre , 3 labos ont été accrédités pour faire face aux besoins diagnostiques et des fonds importants ont été débloqué pour l'achats de tenues et masques de protection. Nos médecins et surtout le personnel soignants doivent être conscients du danger qui arrive et donner l'exemple comme vous le faites mais ce n'est pas facile quand on navigue dans l'inconnu et qu'on doit adapter une stratégie quotidiennement en étant sous pression