Mohamed Nafti: Ennahdha joue et gagne, le Mat du Cheikh, Mat arabe
Le Mat arabe est une formidable combinaison de deux pièces aux mouvements si différents que le Cavalier et la Tour pour mâter le Roi adverse par strangulation. Parvenir à coordonner le mouvement de ces deux pièces en étant dos au mur et menacé de mat dénote d’une habileté technique et intellectuelle. Le jeu d’échec est le jeu de stratégie par excellence, et celui qui le maîtrise saura vaincre sans ambages en fin de partie. En politique comme en temps de guerre, le chef qui a une grande perspicacité pour appréhender les questions stratégiques sera d’un apport capital pour son unité ou son parti. «Good strategists win the war, good tacticians win the battle». Il laissera à ses adversaire le soin de se préoccuper de tactique au jour le jour tandis qu’il planifie les actions futures en dissimulant ses vraies intentions par d’audacieux stratagèmes. Ce jeu n’est pas totalement étranger à notre réalité politique tunisienne.
On le savait peut-être. On le soupçonnait surement, depuis les élections de 2019, Ennahdha se livre à son sport favori, un jeu discret et camouflé, un jeu stratégique qui lui permettra de gagner à la fin. Mais cette fois, c’est un jeu mené presque exclusivement par le chef du parti. Le Cheikh a joué contre des novices. Il a entamé une partie d’échec avec un grand sacrifice. Présenter M. Mourou aux présidentielles est interprété par certains comme une offrande à la divinité (politique). C’est aussi comme un joueur d’échec qui sacrifie la Dame, la pièce maitresse, dans le but de mieux développer ses pièces et surtout pour affaiblir la position de l’adversaire. Le cheikh a même joué le novice qui ne comprenait rien aux affaires politiques en prétendant se présenter à la présidence du gouvernement. Il a fait un deuxième sacrifice, ou coup bâtard le coup du Fou, lorsqu’il a présenté M. Hbib Jamli. Le but était aussi de gagner encore dans le développement et rien que le développement. Aujourd’hui, on commence peut être à comprendre. Tous ces coups n’étaient que stratagèmes. Car, au moment où on le croyait affaibli après avoir renoncé à la présidence du gouvernement, au moment où on le croyait fini après avoir perdu son hégémonie sur les autres partis partenaires de la dernière heure, au moment où tout le monde s’attend à un abandon (on dit que les grands joueurs abandonnent au jeu d’échec lorsqu’ils sentent la partie se diriger vers une défaite) voilà que le cheikh sort le grand jeu facilité par les développement antérieurs de toutes ses pièces. Il manœuvre avec la Tour et le Cavalier pour imposer sa volonté et faire le joli Mat du cheikh ou Mat arabe. El Karama serait-il le cavalier qui surveillera les cases libres devant le Roi, laissées libres par la neutralisation de Tayar et Chaab? le Pion du Roi n’est autre que Tahya. Qalb Tounes sera-il la Tour qui étouffera le Roi.
Le Mat arabe ou Mat du Cheikh imposera-t-il la volonté de Ennahdha ? S’acheminera-t-on vers une Troika Ennahdha- Qalb Tounes-Karamé ? Ce n’est qu’un jeu d’échec.
Mohamed Nafti