Olfa Terras: une nouvelle vie au Bardo (Photos)
Sereine, apaisée, après une tumultueuse expérience à la tête de 3ich Tounsi qui avait effrayé la classe politique, Olfa Terras prend ses nouvelles marques de députée à l’ARP. Pour elle, la page ‘’3ich Tounsi’’ est tournée, sans omettre cependant d’en tirer beaucoup de leçons. Fonder un nouveau mouvement politique comme l’y adjurent ceux qui croient en elles, elle «n’y pense pas du tout en ce moment». Olfa entend se concentrer sur son mandat de députée, estimant qu’elle a une responsabilité envers ses électeurs. Se plaît-elle au Bardo? Sans doute et elle ne s’en cache pas. Pour une fois, elle s’investit politiquement dans ce qui lui procure le plus de plaisir, confie-t-elle à Leaders.
Entre Olfa Terras et le Bardo, il y a une grande histoire d’amour. C’est au palais Qsar es-Saïd qu’elle avait monté fin 2016 sa magnifique exposition «L’éveil d’une nation», qui la révèlera au grand public. Et c’est au palais des beys husseinites, juste en traversant la rue, devenu siège du parlement de la République, qu’elle fait son entrée dans sa nouvelle carrière de députée de la nation. Curieux destin qui en a ainsi décidé.Banquière, juriste, mariée à un financier français, mère de cinq enfants, établie à Londres, puis en France, cette enfant de Bizerte a toujours implanté les grandes balises de son parcours. Fille d’un célèbre médecin, élevée dans les valeurs ancestrales, passionnée de belles-lettres et d’art, studieuse dans ses études et rigoureuse dans son travail, elle n’avait jamais pensé se retrouver un jour prise dans le tourbillon de la politique. Olfa Terras a été, comme de nombreux Tunisiens et Tunisiennes, emportée par l’élan du 14 janvier 2011. L’ampleur de l’espoir est encore plus grande lorsqu’on vit pareil évènement magique depuis l’étranger. La volonté d’y contribuer est beaucoup plus forte lorsqu’on dispose de confortables ressources financières qu’on peut mettre dans le pot commun au service du pays. Naïvement parfois ! Mais, pourquoi pas. Elle se laissera tenter en toute spontanéité.
Mais, à peine Olfa Terras a-t-elle mis le pied à l’étrier qu’elle n’a plus maîtrisé sa destinée. Tout commencera par la grande exposition «L’Eveil d’une nation», au Qsar es-Saïd (Le Bardo, du 27 novembre 2016 au 27 février 2017). Avec son mari, Guillaume Rambourg, ils ont créé une fondation qui a été également implantée en Tunisie pour offrir son mécénat à diverses œuvres. Premier coup d’essai, cette exposition, une grande réussite. Emerveillés, les Tunisiens et beaucoup de visiteurs étrangers découvriront alors, dans une scénographie inédite sous Ahd El Amen, «l’art à l’aube de la Tunisie moderne, 1837-1881», dans ses multiples expressions.
Tous les ingrédients d’une grande saga ... mais aussi d’une légende
La bonne réputation d’Olfa Terras est ainsi faite. Sans pour autant empêcher les affabulations qui viendront rapidement l’entourer. Femme, jeune, instruite, vivant à l’étranger, mariée à un étranger qui a constitué une fortune visible, belle et riche: l’imagination sera fertile pour lui trouver mille et une histoires, fausses ou vraies. La légende se construit.
Face à la folie des grandeurs des exaltés
Tout aurait pu s’arrêter là n’était-ce ce fameux phénomène 3eich Tounsi. D’une association philanthropique à l’origine, elle se transformera rapidement en un grand mouvement populaire politisé. L’argent aidant, l’engouement populaire enivrant, de jeunes dirigeants exaltés se laissent bercer par l’afflux massif de centaines de milliers d’amis et de supporters virtuels sur les réseaux sociaux. Poussant sur le champignon, ils activent des calls centres, forçant sur les appels téléphoniques pressants, en plein été et à des heures impossibles, arguant d’un programme de mesures urgentes à endosser.
La folie des grandeurs s’emparera inévitablement de certains esprits qui se voient déjà assurés de pas moins de 30 députés au parlement et incontournables lors de la formation du prochain gouvernement. Plus encore, ils n’hésitent pas à harceler Olfa Terras pour qu’elle se présente à l’élection présidentielle.
Partageant sa vie entre la Tunisie, la France et l’Angleterre, Mme Terras lâchera la bride à ses coéquipiers, sans trop s’occuper du quotidien ni des détails. Elle laissera faire, croyant bien faire et ne voulant pas étouffer les énergies. Olfa Terras suivra le mouvement général, se laissant emporter par la vague, sacrifiant à la dynamique, s’estimant dans le devoir de le faire, sans recul possible, et surtout sans y prendre le moindre plaisir. La légende qu’on lui fabriquait malgré elle risquait, à ses dépens, de se transformer en mythe. Que pouvait-elle, devait-elle faire, sans tout chambarder, avec des dizaines de candidats, venus pour elle, sur les bras? Loin de se défausser sur les siens, même s’ils ont «fauté», Olfa Terras reconnaît qu’elle n’a pas d’excuse. Elle assume.
Ce n’est qu’en août qu’elle réalisera l’ampleur des erreurs stratégiques commises, mais c’était trop tard. Prenant le taureau par les cornes, elle se décidera à faire des choix irréductibles. Le tout premier est de ne pas se présenter à la magistrature suprême. Le deuxième est de conduire elle-même sa liste dans la circonscription de Bizerte. La troisième est, tout en continuant à apporter son soutien personnel à tous les candidats sur ses listes dans les différentes circonscriptions, de mettre fin aux ambitions démesurées, et se résoudre à la réalité. En verve, elle montera au créneau dans les plateaux radio et télé pour défendre sa réputation militante et mettre en avant ses idées pour la Tunisie.
Une nouvelle vie commence
Bizerte, c’est son fief naturel. Malgré le foisonnement des candidatures et le forcing pratiqué par certains candidats, Olfa Terras emportera son siège au Bardo. Elle sera la seule candidate de 3ich Tounsi à y parvenir.
Le vent est tombé. Les voiles sont repliées. La page est tournée. Celle de député débute. Maintes fois sollicité pour publier des publireportages louant 3ich Tounsi et son icône, contre espèces sonnantes et trébuchantes, voire interviewer Olfa Terras, ou du moins lui consacrer un portrait, Leaders s’est toujours abstenu de le faire. Etait-ce de son propre vœu ou l’œuvre de communicants maladroits de son équipe? Nous avons aujourd’hui la certitude qu’elle l’ignorait totalement, même si elle a toujours apprécié notre magazine et aurait accepté avec plaisir de répondre à nos questions.
Maintenant qu’elle entame une deuxième séquence de son militantisme tunisien, nous lui ouvrons nos colonnes.
Bio express
1974: Naissance à Menzel Bourguiba
1993: Baccalauréat Lycée Farhat-Hached à Bizerte
1997: Maîtrise en gestion bancaire à l’ESC, Tunis
1997- 2004: HSBC, JPMorgan, Deutsche Bank : analyste sur les produits dérivés européens (produits structurés)
2004: Naissance du premier enfant (démission de la banque pour se consacrer à la famille)
2011: Création de la fondation
2011: Retour aux études (licence en droit public-Sorbonne Paris 1)
2019: Elue députée dans la circonscription de Bizerte