Khadija T. Moalla: Pour une plateforme d’union civique et citoyenne en Tunisie
Malgré la succession de plusieurs gouvernements ces neuf dernières années, la Tunisie n’arrive pas à rompre avec le modèle économique de Ben Ali, même si certains ont voulu donner l’impression d’avoir réussi une rupture politique. Plus que jamais, le pays est profondément divisé entre le courant laïc et démocrate, d’un côté et le courant islamiste qui a perdu, tout au long de cette décennie, son socle politique et social.
Malgré elle, la Tunisie est sous l’emprise, directe ou indirecte, des conflits et guerres qui ravagent, chaque jour un peu plus, les deux tiers des pays de la région. Sans boussole, elle tournoie au gré des vents et semble ne plus savoir vers quel phare se diriger et son peuple ne sait plus dans quel port s’abriter jusqu’à la fin de la tempête. En temps d’orage économique, financier et sécuritaire, l’amateurisme d’aucun commandant de bord ne devrait être permis. En acceptant d’assumer la lourde responsabilité de gouverner, aucun droit à l’erreur ne devrait être autorisé.
Encore une fois, la Tunisie se retrouve au carrefour de son histoire. Les enjeux sont cruciaux : soit le pays sombre sous le joug islamiste régional qui va progressivement installer le pays sous le régime de la sharia ce qui sonnera le glas de nombreux droits et libertés individuelles, soit la Tunisie réussi à dépasser le cap et parvient à s’ancrer dans un courant laïc et moderniste et parvient à renouer avec la croissance et le développement. Notre peuple n’a-t-il pas suffisamment souffert et ne mérite-t-il pas de bénéficier de la deuxième alternative ?
Il est de la responsabilité historique directe de tous les laïcs et démocrates Tunisiens de s’unir pour faire barrage à la prise du pouvoir intégral par la mouvance islamiste qui opère au niveau régional et international, et plusieurs exemples sont devant nous, pour nous rappeler, quotidiennement, le gouffre dont ils n’arrivent pas à sortir.
Pour cela il est impératif de constituer une plateforme culturelle, sociale, politique, économique, et géostratégique minimale à partir de laquelle chacun pourra affiner ses objectifs partir de la vision commune. Cette plateforme minimale sera basée sur les principes suivants :
1- Laïcité :Incontournable car elle est la base pour toute société qui prétend vouloir respecter les droits et libertés au sein de l’espace civique. L’égalité entre tous les citoyens ne peut se matérialiser qu’au sein de l’espace civique seul capable de la garantir. En effet, personne ne peut, au nom de son idéologie, religion, ou autre, imposer ses points de vue aux autres citoyens et priorité devra être donnée au respect des uns et des autres afin de permettre :la liberté de conscience, l’égalité des droits et l’universalisme(1) .
2- Responsabilité : Il est crucial d’opérer un changement de paradigme dans l’esprit, conscient et inconscient, des politiciens et futurs candidats afin qu’ils comprennent que chaque pouvoir ou position impliquent une très lourde responsabilité. Comprendre qu’assumer une position équivaut à une obligation de résultats et non de moyens, est vital afin que ne se porte candidat que les personnes capables d’assumer cette responsabilité. En parallèle, lutter contre l’impunité, qui va de pair avec cette responsabilité. Un pays ne devrait se considérer développé que le jour où il adopte une politique de zéro tolérance à l’impunité et à la corruption.
3- Priorités transversales : Seront considérées comme prioritaires les orientations suivantes :
• La prise en compte de la dimension environnementale dans tous les domaines ;
• La volonté de régler les problèmes des citoyens au jour le jour de manière concrète et active ;
• Redonner à la science, au savoir et à la technologie toute leur place ;
• Faire revivre la démocratie au quotidien, dans les communes avec une décentralisation effective et dotée de moyens financiers adéquats et avec des modes de consultation des citoyens en temps réel par les moyens informatiques de consultation fiables et appropriés.
• Promouvoir le vivre ensemble sur des bases de solidarité : solidarité intergénérationnelle, solidarité inter régionale, solidarité entre les riches et les pauvres…
Aujourd’hui, au-delà du choix du chef du gouvernement, ce dont la Tunisie a vraiment besoin, c’est d’un projet de développement qui s’insère dans le contexte économique et géostratégique régional et international actuel. En effet il ne suffit pas de choisir le meilleur chef d’orchestre, encore faut-il qu’il ait la meilleure symphonie …
Un gouvernement composé d’une dizaine des meilleures compétences nationales a parité égale est plus que jamais nécessaire suivant le modèle des pays scandinaves. Chaque Ministre étant à la tête de 4 à 5 sous-ministères, présidés par des directeurs généraux assurant une très grande synergie entre eux. Comptons sur nous-mêmes et suivons les exemples les plus réussis des démocraties actuelles, les pays qui sont premiers en éducation telle que la Finlande, ou des pays avec des équipes exécutives restreintes et assurant la meilleure gouvernance. Recentrons notre politique étrangère sur nos intérêts dans l’espace nord-africain et méditerranéen avec une ouverture privilégiée sur l’Afrique Subsaharienne.
La situation économique est telle que nous ne devons plus nous permettre aucun gaspillage, bien au contraire. Pensons à assurer le meilleur avenir à notre pays, à notre peuple et aux générations futures. Notre génie collectif en est capable et il l’a prouvé tellement de fois depuis des milliers d’années. Si nous tenons compte de toutes les solutions proposées par tellement de nos compétences qui l’ont écrit sous toutes les couleurs et publié sous toutes les formes, il y a de quoi développer plusieurs pays et pas seulement le nôtre.
Ma vaste expérience dans plus de 60 pays, dans les cinq continents, me permet de dire, sans aucun chauvinisme que s’il y a un pays qui a une chance de réussir c’est bien le nôtre, alors sortons de ce tunnel d’échecs successifs et offrons au monde un exemple de réussite basé sur notre amour pour notre patrie et assumons la responsabilité de son développement et du bien-être de son peuple !
Khadija T. Moalla
(1) La non-laïcité en Tunisie: Principal obstacle au développement!