Gouvernement - décryptage : les sortants et les entrants…
Alors que les uns et les autres s’échinent à trouver une « assise électorale » au sein de notre auguste Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour le vote décisif du vendredi 10, le gouvernement pressenti s’impatiente pour prendre la relève. Né dans la douleur et la confusion, après près deux mois de gestation et de gesticulation, ce gouvernement est-il prêt à l’emploi ?
Le Chef du gouvernement prétend que « oui ». Il a dit, le 2 janvier, avoir mis beaucoup de temps pour sélectionner avec soin les plus aptes à gouverner vite et bien. Il a dit aussi qu’il n’a pas voulu « restructurer » la gouvernance du pays pour pouvoir démarrer rapidement sur les bases actuelles…
Qu’en est-il au juste ?
Vrai, Habib Jemli a gardé la plupart des ministères de Youssef Chahed. Il n’a pas fait de regroupement ni de fusion, ni d’éclatement. Il a, bien sûr, apporté sa touche personnelle à quelques portefeuilles. Le maintien - sans changement d’intitulé - de 29 sur 38 est simplement du jamais vu.
Un seul ministère ne change ni de nom ni de titulaire : celui de René Trabelsi (57 ans) dont le travail sort renforcé par l’ajout d’une secrétaire d’Etat chargé de l’Artisanat, Najet Nefzi (diplômée es Arts et métiers). Donc, si tout va bien par ailleurs, le secteur touristique bénéficiera cette année encore de la même énergie débordante et de la même efficacité. Globalement, les deux responsables ont de la marge pour progresser et rattraper le terrain perdu depuis 2011.
Certains ministères voient leur appellation légèrement ajustée : celui de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la lutte contre la corruption, confié à Chiraz Tlili (45 ans, magistrate à la Cour des comptes). Pour la première fois, la « lutte contre la corruption » sort de l’ombre pour s’afficher sur le fronton d’un ministère et ses papiers à entête. Espérons qu’elle deviendra une lutte transparente (pour le grand public) et efficace (pour le budget de l’Etat). Les fraudeurs avérés devront être pointés du doigt, tous, et pas seulement quand il s’agit d’un règlement de comptes politique.
Un ministère verra son appellation complétée par l’adjonction d’un mot que les Tunisiens ont fini par oublier, celui de la « planification ». Sans elle, sans les études et les prévisions qu’elle engendre, il ne peut y avoir de « vision » à moyen et long termes. C’est celui de « Planification, du développement et de la Coopération internationale », atttribué à Fadhel Abdlekefi, spécialiste des valeurs boursières, qui retrouve ainsi le portefeuille dont il avait démissionné en 2017.
D’autres termes anciens, comme « Energie, Mines », font aussi leur retour dans l’intitulé nouveau du ministère de l’Industrie, lequel s’enrichit aussi d’un secrétariat d’Etat chargé des « Energies renouvelables » attribué à Mohamed Ammar.
Autre changement de nom et de contenu : le ministère chargé du Suivi et de l’évaluation de la prestation du gouvernement prend la place du ministère chargé des Grandes réformes. Il sera confié à Mohamed Hedi Bchir, matheux, polytechnicien, expert international…
Des ministères affaiblis depuis quelques années se verront enfin renforcés par la création de secrétariats d’Etat ad-hoc : Santé (Maha Aïssaoui) ; Affaires sociales (Mohamed Ben Mahmoud Chiha) ; Affaires étrangères (Sana Skhiri sera chargée de la Diplomatie économique et des Tunisiens à l’étranger) ; Finances (Abdessalem Abassi) ; Coopération internationale (Noureddine Kaâbi)... Et pour céder la place aux nouvelles administrations, quelques portefeuilles vont être supprimées : le ministère de l’Immigration et des Tunisiens à l’étranger ainsi que les deux secrétariats d’Etat rattachés aux Transports.
Au total, le gouvernement de Habib Jemli, s’il reçoit l’onction du Parlement le 10 janvier, sera composé, chef compris, de 43 responsables (contre 39 sortants) : deux sont issus du gouvernement sortant - René Trabelsi et Noureddine Selmi (qui passe de l’Equipement aux Affaires locales) – et cinq autres de gouvernements précédents : Tarek Dhiab (Jeunesse et sports) ; Fadhel Abdelkefi (Développement et Coopération internationale) ; Mongi Marzouk (Industrie, Energie et Mines) ; Bechir Zaâfouri (Commerce) et Jamel Gamra (Transports et Logistique).
Onze autres ministres proposés bénéficient d’une promotion justifiée par leur carrière au sein de la haute administration : Kamel Hajjem (Education) ; Slim Choura (Enseignement supérieur et Recherche scientifique) ; Abderrahmen Khachtali (Finances) ; Khaled Sehili (Affaires étrangères) ; Hedi Guediri (Justice) ; Sofiène Selliti (Intérieur) ; Hassan Chourabi (Agriculture, Ressources hydrauliques et Pêche) ; Mustapha Ferjani (Santé) ; Houcine Ben Saïd Debbech (Formation professionnelle et Emploi) ; Abdellatif Missaoui (Domaines de l’Etat et Affaires foncières) et Chiraz Tlili (Fonction publique, gouvernance et lutte contre la corruption).
A toutes ces compétences, il faut ajouter celles qui nous arrivent du secteur privé et professionnel, comme Sami Smaoui (Technologies de la communication et Economie numérique) ; Lobna Jeribi (Relations avec l’ARP) ; Nebha Bessrour (Femme, Famille et Enfance) et Béchir Zaâfouri (Commerce).
Si Habib Jemli et son équipe « pro » ne réussiront pas là où tous les autres ont échoué, c’est que le problème ne réside pas dans les « compétences », mais bel et bien dans autres choses : mauvaise appréhension des besoins ; vision inadéquate de l’avenir du pays ; allégeances politiques et partisanes contradictoires ; lourdeurs administratives ; blocages constitutionnels et parlementaires ; hostilités syndicales et sociétales…
Hélas, dans ce cas de figure, la Tunisie ne réveillera pas et, comme l’a déjà dit un collègue ici-même, il n’y aura pas de miracle. Quand un problème est mal posé, il n’a pas de solution ; et quand il est bien posé, il est à moitié résolu, dixit le mathématicien Henri Poincaré…
Samir Gharbi
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Officiel - La composition complète du gouvernement de Habib Jemli
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