Comprendre Kais Saïed, nouveau président de la Tunisie
Par Sofiane Zribi - Kais Saïed vient d’être élu président de la République (avec entre 72 à 76% des voix, selon les instituts de sondages), il y a lieu de comprendre et d’analyser son parcours politique afin de mieux comprendre les motivations et les aspirations du nouveau président de la Tunisie.
Les fondements
Kais Saïed a nourri sa conviction dans les rangs des insurgés qui se sont soulevés contre la perpétuation de l’Etat Benaliste lors des manifestations de la Kasbah en 2011. Là, il a rencontré nombre d’opposants de gauche et de droite et a compris le malaise profond qui tenaillait une partie de la jeunesse Tunisienne.
Très tôt, il a compris que l’islam politique est en décroissance et que les vraies lignes de fractures de la Tunisie aujourd’hui ne sont pas celle de 2014 relatives à l’identité la religion et la négation de l’état civil de droit. Pour lui, a ligne de fracture est devenue une ligne plus tourmentée touchant privilégiés/non privilégiés, cultivés/non cultivés, nantis/pauvres etc. des lignes qui séparent la Tunisie en deux ceux qui vivent et ceux qui aspirent à vivre. Il a saisi la souffrance d’une jeunesse qu’il fréquente tous les jours du fait de son métier d’enseignant universitaire et qui lui exprime son désarroi face à l’avenir qui l’attend, face à l’absence de débouchés, face à l’injustice sociale quand un fils d’une famille privilégiée trouve des emplois à la pelle et un fils ou une fille de famille modeste ne trouve rien ou presque.
Kais Saïed a constaté que tous les gouvernements post 2011 n’ont pas su répondre aux deux réclamations de la jeunesse la dignité et le travail, pire ils ont été noyauté par des lobbyistes et se sont étalés devants les syndicats pour courir une course folle d’augmentation de salaire et de recrutements sociaux sans contrepartie économique.
La fragilité actuelle de l’économie tunisienne se trouve d’avantage aggravée par la corruption à plusieurs échelons et l’économie parallèle.
Cet état de fait rend les gouvernements, les uns après les autres incapables de répondre aux aspirations d’une jeunesse qui se trouve marginalisée, oubliée et non reconnue.
La Méthode
Kais Saïed va effectuer un travail colossal d’écoute. Il a organisé avec les jeunes et ses étudiants partout dans le pays des centaines de réunions, ou chacun pouvait parler librement et dire ce qu’il avait sur le cœur. Il a cherché les sources du mal et a entendu ces oubliés des bleds des quartiers populaires. Il s’est progressivement forgé une opinion et a promis de s’engager pour ces jeunes et être leur porte parole. Il faut modifier le fonctionnement de l’administration, les pouvoirs locaux, libérer les initiatives, amener plus de justice, plus de liberté etc.
Ses liens avec Ennahdha
Kais Saïed n’a été dans un premier temps ni soutenu par Ennahdha ni aucun autre parti mis à part et c’est possible quelques amis rêveurs des premiers jours de la révolution. Quand il est apparu dans les sondages il a commencé à attirer l’attention sans plus. Quelques jours avant de s’inscrire, un faux soutien lui a volé des parrainages à son profit et s’est présenté avec en tant que candidat pour lui barrer la route et il y a fort à parier que ce faux soutien ait été instrumentalisée par un autre parti. Mais, à la suite d’un marathon infernal, il a pu réunir finalement de nouveaux parrainages et s’est présenté in extremis aux élections. Sa réussite fut foudroyante. Tout en lui inspire confiance au Tunisien moyen, rigueur, droiture, charisme et surtout une maitrise de la langue arabe qui loin de le faire rejeter l’a fait aimer même par ceux qui ne le comprenait pas bien, surtout que ses électeurs venaient pour partie du réservoir classique d’Ennahdha et ses dérivés qui ont coupé les ponts avec ce parti l’accusant de s’être embourgeoisé à leur dépends.
Ceci a obligé les directions de ces partis à annoncer leur soutien criant et peu crédible à Kais Saïd sans que ce dernier ne réclame quoi que ce soit de leur part.
Pour conclure
Kais Saïed a dépassé la question de l’islam politique et regarde vers l’avenir. Un avenir où tous les Tunisiens, modernes, en barbes, en foulards en jupes ou en djellabas soient égaux devant la loi, fier de leur pays et travaillent pour le faire advenir.
C’est au contraire les partis qui ont fait de la question identitaire leur fond de commerce de s’inquiéter. Kais Saied n’est pas un Tartour (nom donné au président Marzouki car arrivé au pouvoir par l’entremise d’Ennahdha), il doit tout au peuple qui l’a élu et ne doit rien à personne.
Il va travailler pour une autre Tunisie où chacun trouve sa place et le mode de vie qui l’arrange dans le cadre d’un état juste et non corrompu. C’est la raison du choix populaire pour cet homme pas comme les autres, exceptionnel sur beaucoup de plans, qui dérange nos logiciels habituels et qui fera un grand président. Aux Tunisiens de mettre la main à la pâte et de travailler durement pour leur pays.
S.Z.
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