Riadh Zghal: Sauver le pays par un vote citoyen
Si les résultats de l’élection présidentielle ont représenté un choc pour tous ceux qui n’étaient pas au fait des sondages préélectoraux, nous voilà maintenant devant une échéance qui demande à chaque citoyen de prendre ses responsabilités. La responsabilité réside dans le vote aux législatives avec le souci d’aider à ce que le scrutin puisse dégager une majorité parlementaire permettant la gouvernabilité du pays. Certes les résultats de l’élection présidentielle ont reflété une révolte qui gronde contre le gouvernement actuel et ceux qui l’ont précédé, c’est selon les orientations et les situations de chacun. Mais dans tous les cas, c’est une désaffection de la chose politique qui s’est traduite par le choix de candidats hors des partis qui ont gouverné ou simplement hors du système politique.
Le vote pour NK dénote à la fois le poids de la misère économique qui pèse sur une large frange croissante de notre peuple, la croyance dans un président salvateur et l’ignorance du fait que le régime n’est plus présidentiel depuis la promulgation de la nouvelle constitution. Le vote pour KS nous dit-on est nourri par la déception des jeunes, particulièrement des diplômés de l’enseignement supérieur sans emploi, oui mais pas seulement. Les conservateurs dont la référence est la religion et la langue arabe ont voté pour KS. C’est un retour des deux piliers culturels qui ont servi à mobiliser la population dans la lutte contre la colonisation française. On peut également lire dans ce vote un retour à la problématique de l’identité considérée comme usurpée par une classe politique dont beaucoup de représentants sont binationaux ou ont fait une carrière à l’étranger.
Si beaucoup ont été choqués par les résultats du premier tour de l’élection présidentielle, c’est un peu parce qu’on a oublié que l’on est dans un processus démocratique qui est loin d’être un long fleuve tranquille. Cela d’autant plus que la situation d’après-janvier 2011 s’est détériorée sur plus d’un plan. Au moment où il fallait mettre en avant les questions qui répondent à l’appel scandé en décembre-janvier 2011 « Emploi, liberté, dignité », on a occupé l’espace médiatique et politique par un juridisme assourdissant et un débat stérile sur l’identité d’une société plutôt homogène. L’économie, l’emploi, la gouvernance ont été oubliés au profit d’un conseil constitutionnel dont on peut aujourd’hui apprécier les « performances ». L’argent qui devait aller à la création de l’emploi productif a été utilisé dans une approche revancharde de « dédommagement » et de financement de nombreuses instances dites indépendantes. Cependant, l’application juste des lois laisse encore à désirer, la corruption fait tache d’huile, les réformes salvatrices de l’économie tardent à venir, la question des assassinats politiques n’est pas encore élucidée…
Aujourd’hui, il faut le reconnaître, on est face à l’expression pacifique d’une nouvelle révolution avec les instruments de la démocratie et fort heureusement non pas dans le sang, ce qui dénote la sagesse de notre peuple et son attachement à la démocratie. On est dans un processus démocratique qu’il faut réinventer car le modèle que l’on a adopté bat de l’aile dans plus d’une vieille démocratie. A cet égard et au jour d’aujourd’hui, il n’est plus possible de faire du business politique « as usual » à moins de courir plus d’un risque : le risque de l’anarchie et de l’intégrisme qui se cachent dans les replis du populisme, le risque d’un retour à la dictature qui peut aussi prendre la forme d’une « démocrature », celui du renforcement de la corruption au point d’en faire un système de gouvernement « normal » et dominant, celui des conflits sanglants. Tout cela est possible. Cependant, il faudrait se rappeler que tout va se jouer à travers les élections législatives. On risque de se trouver face à l’un de ces scenarii catastrophe si le scrutin ne permet pas de dégager une majorité parlementaire capable de satisfaire à l’appel lancé en janvier 2014 « Le peuple veut emploi, liberté, dignité nationale ». A cet égard, le vote citoyen est primordial. Les gouvernements sont bien sûr responsables de la dégradation de la situation sur plus d’un plan. Mais les citoyens aussi ont une part de responsabilité. Ils ont contribué à cette dégradation par leur adhésion à une culture d’assisté sans cesse cultivée par les médias, par les grèves interminables dans des secteurs vitaux, la pollution des espaces publics, la violence, la corruption, le tire-au-flanc dans les administrations, le non-respect de la loi … Aujourd’hui, ils ont l’occasion de rattraper le temps perdu en tant que citoyens responsables qui considèrent que participer aux élections législatives est un devoir, que ce devoir doit être raisonné de manière à éviter l’émergence d’un parlement sans une majorité qui autorise la formation d’un gouvernement capable de sortir le pays de la crise ou du moins d’éviter le pire.
Riadh Zghal