Faouzi Aloui: Tête de liste de 3eich Tounsi à Tunis 2 Un général au Bardo?
Sera-t-il le premier militaire (régulier) à siéger sous la coupole du Bardo? Faouzi Aloui, 67 ans, colonel-major de l’armée tunisienne, est tête de liste de 3eich Tounsi dans la circonscription de Tunis 2. Il ne manque pas d’atouts pour rafler son siège, affirment les siens. La concurrence sera pourtant rude : les candidats de pas moins de 56 listes se disputent les 8 sièges en compétition. Parmi les poids lourds de la politique qui y postulent, Abir Moussi, Safi Said (Nahnou Houna), Hichem Ben Ahmed (Tahya Tounès), Walid Sfar (Afek), Faouzi Charfi (Union démocratique sociale), Mohamed Jmour (Jabha), Mounir Balti (Qalb Tounès), et autres Yosri Dali (Eitliaf al Karama)...
Au QG de 3eich Tounsi, rien ne peut diminuer l’ardeur quant aux chances effectives de leur recrue de choix. «Il remportera au moins son siège», affirme-t-on avec beaucoup d’assurance. Pourquoi ? Tout simplement parce que Faouzi Aloui est perçu – et présenté – comme un futur député atypique, à plus d’un titre. Eclairages.
Qu’est-ce qui peut décider un général de l’armée tunisienne à briguer un siège de député à l’ARP ? Lui qui, depuis son départ à la retraite il y a bientôt 7 ans, a toujours refusé de militer dans un parti politique ou adhérer à la moindre association ? Rien ne prédestinait Faouzi Aloui, ancien élève du Lycée Carnot de Tunis, diplômé de l’Académie militaire (Promotion Slaheddine El Ayoubi, 1978) et 38 ans de service, à succomber à la politique. Pourtant, la politique, s’il ne l’a jamais pratiquée, il la connaît de très près, et très bien. Mais de l’autre côté de la barrière.
N’a-t-il pas été en effet pendant 28 ans (sur les 38 ans passés sous les drapeaux) affecté à divers postes au sein de la sécurité militaire. Intérieure et extérieure, jusqu’à la fonction de directeur, puis de directeur général par intérim. Avant le 14 janvier 2011, pendant et après... Sa biographie, bien que limitée à l’essentiel, obligation de réserve oblige et secret d’Etat inviolable, en dit long. (Voir encadré.)
Le déclic
Partageant désormais son temps entre Genève, San Remo et d’autres cieux, dans son nouveau statut d’expert-formateur en matière de droit des conflits armés, Faouzi Aloui était ravi, de retour à Tunis entre deux missions, de retrouver ses camarades d’armes qui lui témoignent amitié et considération. Certains parmi eux se sont lancés en politique et c’est ainsi que deux nouveaux partis politiques ont été créés : Mouvement cinq étoiles (206e parti), fondé par Habib Fraj et reconnu le 30 septembre 2016, et le parti Halloumou Tounes, fondé en juillet 2019 par Mustapha Saheb-Ettabaâ. Les deux formations politiques solliciteront fortement Faouzi Aloui à les rejoindre, mais il s’y refuse courtoisement, les incitant plutôt à fusionner au lieu de disperser leurs efforts.
Un déclic se produira en mai dernier, lorsque l’un de ces deux partis, entré en contact avec 3eich Tounsi, priera Aloui de participer à une rencontre entre les dirigeants des deux mouvements. Difficile de dire si c’est par simple curiosité ou juste pour se tenir aux côtés des siens à cette occasion, il y prendra part. Le courant est passé. Evidemment, il retiendra l’attention de l’équipe de 3eich Tounsi qui demandera à le voir.
«Ça m’a interpellé !»
Il reverra des membres de l’équipe fin juin. « J’ai trouvé des jeunes très motivés, attachés à des valeurs, développant une plateforme prometteuse de douze engagements majeurs. Ça m’a interpellé, confiera-t-il à Leaders. Les contacts se sont poursuivis, surtout avec la préparation des listes électorales. Lorsqu’on m’ a sondé, j’ai immédiatement répondu que je ne suis pas particulièrement intéressé, mais s’ils tiennent à ce que je figure sur la liste de Tunis 2, qu’on choisisse un jeune brillant en tête de liste et qu’on me mette en 6e ou 7e position, sans véritable chance d’être élu. C’est un soir d’août dernier, alors que je dînais calmement avec mon épouse, que je reçois un appel du QG de 3eich Tounsi me demandant le numéro de ma carte d’identité. Surpris par la demande, je communique le numéro. L’étonnement était aussi à l’autre bout du fil : ‘’Ah bon ! Vous ne savez pas que vous avez été investi en tant que tête de liste !’’. Effectivement, je ne le savais pas.»
«C’est ainsi que je me suis trouvé embarqué dans cette campagne, ajoute Faouzi Aloui. En bon militaire, j’y ai vu un appel du devoir auquel je ne saurai me dérober. Comme toute ma carrière militaire durant ! Bien sûr, cette fois, c’est différent, le contexte n’est pas le même, mais je m’engage à fond. Ce qui m’encourage encore plus, c’est l’excellente composition de la liste : des patriotes qui veulent servir. Rapidement nous sommes devenus de vrais amis.»
Rien que 10.000 DT
Quel est le budget de la campagne ? D’où vient l’argent ? Et comment fonctionne l’équipe ?
«En tout et pour tout, nous avons mobilisé 5.000 D et comptons sur un autre montant de la même valeur, soit 10.000 DT, indique Faouzi Aloui. Chacun a mis la main à la poche et des amis s’y joignent. En fait, on fait une bonne équipe. Nous nous retrouvons ensemble pratiquement chaque jour, dans un café ou chez un ami, pour planifier nos actions, programmer nos activités et nous soutenir mutuellement.»
Quand on demande au général Aloui quelles sont ses chances effectives, il répond sans détour : «Je n’en ai aucune idée. La circonscription de Tunis 2 est vaste et la compétition est très, très serrée, mais nous croyons fermement en nos chances. Pour être réaliste, difficile de faire passer toute la liste. Mais, je serai déçu si je suis le seul à être élu.»
Un général de l’armée, grand spécialiste du renseignement, de la sécurité-intelligence et du droit des conflits armés, député (atypique) au Bardo ? Faouzi Aloui y croit fermement.
Du Lycée Carnot à ...
L’ancien élève du Lycée Carnot, fils unique d’un fonctionnaire au ministère de l’Agriculture, Faouzi Aloui voulait faire droit en France. Il s’y essayera une année mais préfèrera rejoindre l’Académie militaire de Fondouk Jedid. Diplôme en poche, il sera affecté aux services de logistique et y restera dix ans, gagnant ses galons un à un an. Dès qu’il accède au grade de capitaine, il se spécialisera dans la sécurité et l’intelligence. Son parcours alternera entre postes, études et stages. C’est ainsi qu’il ira, comme tout futur officier supérieur destiné à de hautes fonctions, à l’Ecole d’Etat-Major (1989- 1990), puis à l’Ecole de guerre (Paris, 1994-1995) et l’IDN (2001). Il bénéficiera aussi de formations poussées dans les plus grandes institutions de renom dans le secteur, aux Etats-Unis et en Europe.
Tour à tour, Faouzi Aloui sera directeur de la sécurité intérieure, attaché militaire à Tripoli, directeur de la sécurité extérieure, reviendra en 2010 à la sécurité intérieure alors que la Tunisie était en pleine convulsion. En février 2011, il devait assumer l’intérim du directeur général de la sécurité militaire, Ahmed Chabir, nommé alors directeur général de la sûreté nationale.
Ne lui posez-pas de question sur ce qui s’est passé du 17 décembre au 14 janvier 2011, avant et après. Impossible de lui tirer de la bouche la moindre bribe. Etanche. Secret d’Etat.
Reprendre en main les prisons
Puis, changement d’horizon. Béji Caïd Essebsi, à peine nommé Premier ministre, cherchait un homme fort à même d’apaiser les tensions dans les services pénitentiaires et de reprendre en main la situation. Ne l’oublions pas, 17 prisons sur 28 étaient à l’époque dans un état déplorable à la suite d’incendies et de mouvements de contestation. Plus de 11.000 prisonniers s’étaient évadés. Dès qu’on lui a proposé Faouzi Aloui, il s’est empressé de consulter son ministre de la Justice, Me Lazhar Karoui Chabbi, et, obtenant son aval, il le fera nommer en juin 2011 dans ces fonctions si délicates. Moins d’un an après, mission accomplie : toutes les prisons remises en service et 9.500 évadés repris sous les verrous, avec en plus de très bonnes relations avec les différentes commissions d’enquête tunisiennes et étrangères sur la situation dans les prisons et le respect des droits des détenus.
L’humanitaire
Faouzi pouvait alors partir à la retraite et en jouir paisiblement loin du vacarme d’une Tunisie en transition démocratique. Mais, voilà que le destin viendra rapidement le rattraper. Le Comité international de la Croix-Rouge (Cicr), l’ayant repéré et apprécié lors de son passage à la tête des services pénitentiaires, lui propose de rejoindre ses équipes spécialisées dans le droit des conflits armés. Formation à Genève, pour une bonne imprégnation des règles et procédures, puis une série de missions au siège et sur le terrain, en Afrique subsaharienne notamment. Le nouveau chemin qui se trace devant Faouzi Aloui le conduit à l’Institut international de droit humanitaire (San Remo - Genève) où, après un cycle d’études, il deviendra directeur chargé de la formation des officiers.
Une nouvelle ligne s’ajoutera-t-elle à sa biographie: député ?
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