Samir - Lotfi Gharbi - Double fiction : ... et si j'étais Nabil Karoui (2/2)
Pour moi, Nabil Karoui, même en prison, je ne changerai pas mon programme officiel de lutte contre la misère. Moi, président, je bénéficie d’une immunité temporaire de cinq ans. Je laisserai la justice faire son travail, sans aucune interférence, à l’encontre des autres personnes mises en accusation dans ce dossier, y compris les membres de ma famille.
Dès à présent, je m’engage une fois élu à donner tout ce que je possède et tout ce que possède ma galaxie d’entreprises (dans le monde, voir l’ONG I-Watch et son rapport de 2016) à l’Etat tunisien pour que soit créée une Fondation nationale de lutte contre la pauvreté (gérée par des gens honnêtes et compétents). Et je demanderai à tous mes compatriotes – milliardaires ou millionnaires en dollars – de contribuer à ce Fond.
Je m’engage aussi à demander au gouvernement et au parlement d’organiser une opération «Manu Pulite» (Mains propres) à l’échelle nationale pour éradiquer au maximum la contrebande, les marchés parallèles (alimentées par des importations clandestines et légales) et la corruption qui va avec.
Je demanderai l’assainissement effectif des piliers de l’administration tunisienne: les douanes, la police, la justice et les tribunaux, les organes de passation des marchés publics (aux niveaux national et municipal), les hôpitaux et les écoles publics, l’organe qui veille au respect de la concurrence dans le secteur privé, l’organe qui veille au respect des normes sanitaires (notamment dans les produits alimentaires, l’eau potable), l’organe qui veille sur la conformité des programmes des établissements scolaires privés et l’organe qui veille sur le fonctionnement et les tarifs des cliniques privées (chaque décès ou accident doit ouvrir une enquête indépendante pour déterminer s’il y a eu des fautes médicales). Les institutions de contrôle auront la capacité de jouer pleinement leur rôle (notamment la Banque centrale, la Cour constitutionnelle). Les médias devront se conformer à de nouveaux cahiers de charge qui imposeront la transparence de leur financement, leur indépendance, le respect de la déontologie. La loi sur la diffamation sera révisée parce qu’elle constitue un frein aux libertés et conforte l’autocensure. Je veillerai à la création d’un organe national nouveau : le médiateur de la République, dont les services seront dotés des moyens humains et financiers pour recueillir toutes les plaintes des citoyens contre l’administration. La Cour des comptes sera réhabilitée et son rapport vulgarisé. Je recommanderai au chef du gouvernement de recréer le Pacte triennal entre syndicat patronal, syndicat ouvrier et Etat pour stabiliser la situation sociale (pendant trois ans). Ce pacte a bien fonctionné du temps du Premier ministre feu Hédi Nouira dans les années 1970. Il mettre fin à l’agitation actuelle et permettra à tous les partenaires d’avoir un horizon clair à moyen-terme.
Je demanderai enfin au Chef du gouvernement de concevoir un nouveau Code d’investissement, adapté à la situation de la Tunisie pour les vingt ans à venir (2020-2040). Je m’inspirerai des exemples de la Malaisie, de Singapour, de la Corée du Sud qui étaient au même niveau économique de la Tunisie à la fin des années 1950.
Je bannirai de mon langage les slogans creux et tendancieux, comme «Echaab yourid». Les citoyens – tous – ont les mêmes devoirs et les mêmes droits. Les dossiers judiciaires – en panne ou en veilleuse depuis 2011 – seront relancés et suivis : les assassinats ; les milices secrètes ; les biens des familles Ben Ali ; les transferts de capitaux (de l’étranger vers la Tunisie et inversement) ; les compensations financières perçues par les «militants» du Parti Ennahdha (ceux qui les ont ordonnées et ceux qui les ont encaissées)…
En cinq ans, j’aurai du travail sur la planche.
La vraie question que je me pose et que tout le monde se pose reste en cas de mon maintien en prison durant la phase du 2e tour électoral : c’est la validité (au niveau du droit national et international) de notre élection présidentielle qui est en jeu. Car si je suis maintenu en état d’arrestation (sans être jugé), il y aura une «inégalité» manifeste entre l’autre candidat finaliste et moi. Au cas où mon adversaire est élu, rien ne m’empêche, depuis ma prison, de porter plainte pour obtenir la « nullité » de l’élection présidentielle devant les tribunaux tunisiens et s’il le faut internationaux (l’Etat tunisien est, en effet, signataire de plusieurs accords au sujet des droits de l’homme et des libertés). Ce scénario – tout à fait plausible – entrainera la Tunisie dans un tourbillon aux conséquences imprévisibles.
La seule solution que je recommande à TOUTES LES PARTIES PRENANTES (Présidence de la République, Gouvernement, Parlement, Justice, ISIE…) est de fédérer leurs efforts en vue de ma libération immédiate le temps de l’élection. Ainsi, notre élection ne sera pas entachée d’irrégularités et d’illégalité.
Votez pour moi et c’est la Tunisie qui gagnera en transparence et en bonne gestion. Nous sortirons de la gabegie et de la crise économique.
S-L Gharbi
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