Qui est Kais Saied, l’infatigable marcheur, qui a emporté le premier tour de la présidentielle en Tunisie (Album photos)
Sans parti politique, ni machine électorale structurée, Kaïs Saied a créé la surprise en remportant, devant Nabil Karoui, le premier tour de l’élection présidentielle en Tunisie. Prenant nettement position sur une ligne de clivage essentielle, celle de l’antisystème, l’identité, et l’anti-corruption, il est parvenu à imposer son engagement sans équivoque, sa droiture, son intégrité plus que sa propre compétence, en critère fondamental de choix des électeurs. Les Tunisiens attendent d’en avoir confirmation lors du deuxième tour, tout en cherchant à le connaître de près. Eclairage.
Agé de 61 ans ( il est né le 22 février 1958), Kaïs Saïed, ce natif du Cap Bon (Beni Khiar) était quasi inconnu des milieux politiques il y a à peine un an. Très connu sur la scène médiatique par ses multiples interventions télévisées en matière de droit constitutionnel notamment lors des débat qui ont entouré l’élaboration de la constitution, il s’est forgé une popularité insoupçonnée grâce à une diction incomparable et une maîtrise rare d’une langue arabe raffinée qui a étonné plus d’un.
Homme droit et intègre, ne se prêtant à aucun compromis d’aucune manière, Saied a toujours considéré que le droit est la bouée de sauvetage de cette Tunisie déboussolée, désorientée où les classes politiques se sont rapidement laissées entrainées par l’influence des milieux d’affaires plus ou moins réguliers et sont devenus de fait les serviteurs zélés de l’intérêt particulier au détriment de l’intérêt général.
Kais Saied a grandi à Tunis, dans une famille modeste mais intellectuelle, qui a fait du travail et de l’effort des valeurs incontournables. Leurs voisins, de la Rue Mustapha Sfar, près de la Rue Alain Savary, se remémorent encore les souvenirs de Si Moncef son père et surtout de Lalla Zakia, sa mère comme des gens admirables, dévoués pour leurs enfants. Ils se rappellent la silhouette longiligne et affectueuse de Kais, toujours un cartable à la main qui ne manquait pas une occasion pour rendre visite à ses parents.
Kais Saied, est un pur produit du système éducatif tunisien, brillant et travailleur, ses diplômes de droit en poche, il n’a pas cherché comme ses collègues à s’installer dans le privé, pourtant plus rémunérateur et a au contraire postulé pour différents fonctions à l’université. Là, raconte l’un de ses proches, il a compris l’étendue de la corruption qui sévit dans les rouages des nominations, et il a subi jusqu’à sa retraite l’incompréhension du système vis-à-vis de ce penseur et de ce chercheur des plus atypiques. Et c’est peut-être dans cet espace de tensions et d’injustice que s’est forgée sa détermination de faire éclater le système afin de le rendre plus juste et plus droit.
Peu de gens savent comment s’est faite son ascension politique. Seul, avec peu de moyens, avec pour unique soutien, sa famille, quelques amis et ses étudiants, il est allé au-devant des gens simples dans les quartiers que les politiques fuient d’habitude, dans les villes ignorées, et s’est adressé principalement aux jeunes et au-delà dans un arabe limpide avec sa prose quasi-poétique. Les mots fusent de sa bouche comme coupés au couteau «Je ne vous trahirai pas, je ne vous escroquerai pas, je resterai fidèle à la parole que je vous ai donnée, je ne vous vends pas du rêve». Sans autre programme, que la justice, l’assainissement du milieu politique et le droit. Il s’est même engagé que ni lui ni sa femme ne voterait pour lui.
Robespierre, mais sans guillotines
Dans un portrait dr lui brossé par le magazine français le Point, il est comparé à «Robespierre, mais sans guillotines».
Le personnage est droit, simple, forçant le respect par son allure, sa taille mais aussi par une modestie qui se dégage naturellement de lui.
C’est un solitaire assumé observe le Point. Il est vrai que les partis et les politiques, tels les guêpes attirées par le bon miel ne vont pas tarder à chercher à le séduire, en seront pour leurs frais. Kaies Said n’est pas à vendre.
Les coulisses rapportent faussement que c’est un homme sensible aux thèses islamistes, il n’en n’est rien. Si c’est un musulman qui s’assume sans détour, il n’est pas non plus connu pour être un militant de l’islam politique. C’est plutôt un militant du droit, de la loi, de l’ordre pour tous et pour chacun à commencer par lui-même.
Après toutes ces années de laisser-aller la Tunisie a peut être besoin d’un homme comme Kaïs Saied, qui arrive au moment où les affaires mafieuses et les danses du ventre des politiciens ont fini par dégoûter le petit peuple de la chose politique.
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