News - 13.09.2019

Et si c’est finalement le transport rural qui arbitrera l’élection présidentielle en Tunisie

Et si c’est finalement le transport rural qui arbitrera l’élection présidentielle en Tunisie

Trêve de discours, place au vote! Le verdict des urnes pour l’élection présidentielle en Tunisie ce dimanche 15 septembre dépendra pour une partie non-négligeable d’un facteur déterminant: le transport rural. Ce fameux terme devenu générique sous l’appellation de Nakl Rifi, couvre en fait cette flotte de véhicules jaunes qui ne se limitent pas au milieu rural pour circuler en milieu urbain, voire sur des tronçons de routes insoupçonnables comme Tunis – la Marsa.

S’ils sont supposés opérer en toute légalité, sous permis dûment délivré par les autorités en charge du transport terrestre, ils n’excluent pas parmi leurs rangs des véhicules informels qui portent leurs couleurs. De plus, ils sont concurrencés par les clandestins qui tentent de s’échapper à la vigilance des forces de Police et de Garde nationale, et le ministère du Transport. Le parc total est de plusieurs dizaines de milliers de véhicules et leur répartition géographique couvre toutes les 365 délégations de Tunisie. Pas une localité, pas un hameau ou douar qui ne soit pas desservi par le Nakl Rifi, c’est dire la pénétration territoriale profonde et le maillage très étendu.

Le «service» assuré

En quoi alors le Nakl Rifi impactera le scrutin? La réponse est claire: comment emmener les électeurs vers les bureaux de vote, puis les ramener chez eux ? That is the question ? Cela est valable en milieu rural, mais aussi, sous d’autres formes et avec d’autres véhicules, en milieu urbain. Le «service» concerne non seulement des personnes âgées et des handicapés physiques, mais aussi des jeunes et des moins jeunes. Jusque-là, on est dans la « bonne action », puisque cela sert à réduire le taux d’abstention et améliorer celui de la participation. Sauf que...
En fait, le « service » ne se limite pas au transport. Il est également commandé par les supporters de certains candidats pour «inciter vivement» les électeurs à aller accomplir leur devoir. Cela veut dire, les convaincre d’accorder leurs suffrages à tel ou tel candidat, les assister en cas de besoin, à l’intérieur du bureau de vote, et s’assurer de leur «vote utile». Le contrat est à objectif précis... et rémunération conséquente: «par tête d’électeur utile!»

Montre-moi ta flotte, je te dirai si tu vas gagner

Toute la puissance d’une campagne électorale effective reposera ainsi sur la capacité de recrutement et de déploiement des véhicules de Nakl Rifi et consorts. A qui paye le plus, cash et en noir, évidemment ! A qui maîtrise le plus, contrôle et vérifie. Les courses seront alors folles, le temps étant limité, pour effectuer le maximum de navettes vers les bureaux de votes, emmenant le plus possible d’électeurs ! Dans une course contre la montre, depuis tôt le matin (ouverture des bureaux de vote à 8h) jusqu’à 18 h, les records sont à battre.

Tous les spécialistes des élections le confirment : campagnes, meetings, discours, médias, appels téléphoniques, mailings, affichage et autres ne sauraient s’accomplir en vote utile que par cet accompagnement personnalisé aux bureaux de vote. Les intentions peuvent être excellentes. Il s’agit alors de les convertir par le glissement du bulletin dans l’urne. C’est ce qui fera la différence et tranchera en faveur du vainqueur. Le Nakl Rifi aura ainsi à démontrer son efficacité comme accélérateur du taux de participation et levier électoral distinctivement avantageux en faveur de tel ou tel candidat.
A observer.

T.H.